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Les groupies du Pjanic

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Les groupies du Pjanic

Miralem Pjanic, du haut de ses 19 ans, pourrait bien être la vraie révélation de Lyon, cette année. Hier, contre Anderlecht, Pjanic a prouvé qu'une passe pouvait être un geste merveilleux. Itinéraire d'un enfant gâté pour le football, de la Bosnie au Luxembourg, en passant par la Lorraine, pour finir dans la gueule du Lyon.

À quand remonte le dernier article un peu conséquent sur un joueur venu du Luxembourg ? Pas loin de vingt ans, sans doute, lorsque Robby Langers flambait sur la Riviera. Pjanic est aussi brun que Langers était blond. Aussi raffiné que le buteur orléanais puis niçois pouvait paraître binaire. Pjanic aurait pu être au Luxembourg ce que Litmanen fut à la Finlande, un joueur capable de porter un pays du bout du pied une bonne décennie durant pour en devenir un héros pendant quelques siècles. Mais le 20 août 2008, Miralem Pjanic a tranché et choisi la sélection pour laquelle il jouerait désormais le restant de sa carrière. Pas une mince affaire. Il n’a pas opté pour le Luxembourg, qui voyait pourtant en lui une locomotive inespérée capable de tirer toute une fédération vers le haut. Son père en aurait d’ailleurs profité pour bénéficier de quelques petits avantages. Pourtant, il n’a sans doute jamais été question, pour le père comme pour le fils, de rouler pour le Luxembourg. Et pourquoi pas la France ? Miralem avait eu des mots bleus quelques jours plus tôt. « Le rêve, ce serait l’équipe de France… » , confiait-il.

Suite à ces cinq années de résidence au sein du centre de formation messin, il aurait pu légitimement postuler à une naturalisation en bonne et due forme. La fédération française le suivait de près. Raymond Domenech l’aurait appelé lui-même pour lui demander quel était son projet international. En guise de réponse, Miré a fait « le choix du cœur » . La Bosnie. Et il a joué son premier match sous le maillot de la sélection nationale le 20 août 2008, contre la Bulgarie.

Capable de transformer le Luxembourg en Belgique

Pjanic est né à Zvornik en 1990. Ses parents Fahrudin et Mirza fuient la guerre et s’installent au Luxembourg, Miralem a un an. Aujourd’hui, il a un rapport d’exilé à son pays natal : « Chaque année, je vais là-bas. J’ai un DVD avec les images de la guerre, mon grand-père l’a vécue, mes parents sont partis juste avant » . C’est son père, ancien attaquant du FK Jedinstvo, un club bosniaque de deuxième division, qui l’initie au football. Repéré au FC Schifflanger par Guy Hellers, le sélectionneur du Luxembourg, et ami du président Carlo Molinari, qui envoie alors Francis De Taddeo, en charge des jeunes au FC Metz, le superviser : « C’est une perle. Le Luxembourg est une très petite fédération à côté de la Belgique, mais, à lui seul, il était capable de mettre le Luxembourg au niveau de la Belgique. Lors d’un match, il leur a mis quatre buts et fait une passe décisive. Cinq partout. Quand vous voyez ça, vous êtes subjugué » . Courtisé par l’Ajax, le VFB Stuttgart ou encore le Standard de Liège, le petit prodige de 13 ans choisit Metz et la proximité avec le domicile familial, son frère Mirza et sa sœur Emina (Langers était aussi passé par Metz, comme Strasser, autre Luxembourgeois ayant évolué en L1).

« On est comme ses parents d’adoption, paternalise Carlo Molinari. Il a toujours habité au centre de formation. Il s’y plaisait bien, il était immergé avec ses copains du même âge, même s’il n’a pas été abandonné par sa famille » . Au contraire. Son père, qui est aussi son agent, en compagnie de l’ancien international allemand Karl-Heinz Forster, veille au grain : Miralem a une hygiène de vie chirurgicale, ne boit pas d’alcool, ne rate jamais un entraînement. Et travaille dur. « Son volume VMA, c’est-à-dire sa résistance et son endurance, explique Jeremy Moureaux, préparateur physique du FC Metz, constitue son point fort. Il peut encaisser une grosse charge de travail, avec régularité. Après, il n’a pas d’autres vrais points forts, mais du coup, il n’a pas tendance à trop s’appuyer sur une qualité, il a pu développer un jeu complet, utiliser au mieux sa vision » .

« D’une beauté subjuguante »

Au vrai, la vision du jeu de Pjanic en a secoué plus d’un. D’Olivier Perrin, entraîneur des moins de 18 grenats – « Il ne se passait pas une semaine sans qu’il ne me mette sur le cul. Il anticipe les mouvements de ses partenaires comme des défenseurs, a un sens de l’esquive incroyable et une lecture du jeu de très très haut niveau » – à Yvon Pouliquen, qui l’a également connu à Metz – « Une simplicité hors-norme, une facilité à faire bien jouer les autres. Et le temps qui s’arrête quand il prend la balle » –, en passant par Bernard Lacombe : « Un phénomène comme on en voit peu, un futur cador » . De telle sorte que malgré sa jeunesse, il a été aligné dans le onze lyonnais dès le premier match de cette nouvelle saison de Ligue 1. Préféré à Ederson, Kader Keita ou Delgado. Au départ, Lyon semblait pourtant l’avoir recruté pour faire le nombre et empêcher les concurrents de se renforcer. Mais Puel n’a pas eu d’autre choix que de le titulariser d’entrée : « Il est trop fort » , confia l’ancien coach lillois.

Pjanic fait donc partie de ces nombreux talents grandis au sein de la pépinière messine de Francis de Taddéo et qui arrosent l’Europe désormais (une vague qui chiffre entre cinquante et soixante joueurs pros, quand même). « On a eu Robert Pirès, incroyable, il pouvait éliminer tout le monde sur son côté gauche. Saha, un puncheur, un félin qui entre dans l’arène, Adebayor, aussi fort en l’air que dans les pieds. Mais Miralem Pjanic, c’est autre chose, des moments de talent à l’état pur, d’évidence. D’une beauté subjuguante » , détaille le formateur lorrain.

Le choix de Lyon ne s’est pas fait par hasard, comme le départ de Metz ne s’est pas fait n’importe comment. Pjanic aurait pu quitter la Lorraine avant même d’avoir signé son premier contrat pro, sans laisser de pourboire à Carlo Molinari. C’aurait été mal connaître le garçon : il a signé son premier contrat pro quelques semaines avant de répondre aux attentions émanent de club tels la Juventus, le Barça, le Real et Lyon. « C’est vraiment un joueur de ce niveau-là, fait pour ces clubs » , avoue Molinari. Ce sera Lyon, contre qui il avait d’ailleurs fait un match insolent de maîtrise lors de sa seule année en L1. Miralem suit à la lettre le plan de carrière dessiné par son père. Il reste en France, dans un cocon entre Rhône et Saône. Sa famille l’a rejoint, sa mère lui fait à manger, sa copine le reste. Pour poursuivre sa formation, « tout le monde lui a dit que l’Olympique Lyonnais était le club idéal » . Un club qui laisse partir un trublion comme Ben Arfa pour mieux polir un jeune comme Pjanic.

Du niveau des galactiques

« Miralem n’a pas dû être un ange tout le temps, avoue Olivier Perrin, mais il est simplement plus malin que les autres. Il sait éviter les embrouilles pour ne pas perdre de temps. Un soir, Denis Schieffer, le directeur administratif du centre, l‘a gaulé alors qu’il allait prendre un taxi pour aller à une fête. Mira n’a pas bronché, a payé le taxi, puis est rentré tranquille dans sa chambre » . Une fois cette dernière regagnée, il a allumé son poste, sa console et ses rêves : « À PES, je prends le Real, j’aime comment ils jouent au ballon, leur style. Je veux faire une carrière comme Zidane, c’est mon idole » . Francis de Taddeo, lui, ne joue sans doute pas à PES, mais c’est tout comme : « Un jour, avec mon fils, je regardais les Galactiques. Plus tard, je vois Miralem. Il m’a refait penser au Real. Il est de ce niveau-là. Merde, il a tout pour être galactique. Avant cela, il doit franchir les étapes, mais je ne me fais pas de souci pour lui. Même si dans un club comme Lyon, on fait d’abord les chiottes, il a la classe des classes. Il fait l’unanimité dans le milieu, il a la gamberge adéquate. Alors, c’est vrai, des gamins comme ça, y’en a pas mal dans le foot. Sauf que Pjanic a un truc en plus. Ceux qui ne l’ont jamais vu jouer ne le savent pas encore, mais ceux qui l’ont déjà vu savent » .

Et ceux-là n’hésitent pas à jouer de la comparaison flatteuse. “Rosicky” pour Pouliquen, ou bien “Susic” pour son compatriote, Faruk Hadzibegic. « Je n’ose pas dire Platini, fait mine d’hésiter De Taddeo. Mais cette tête levée, toujours juste, élégant, esthétisme port haut, complètement relâché. Il pourrait d’ailleurs suivre un peu le même schéma de carrière, Metz-Lyon pour lui, Nancy-Saint-Étienne pour Platini. Ce serait une revanche pour Metz, d’avoir finalement son Platini » . Le Luxembourg devra se contenter, lui, du souvenir de Robby Langers et de ses affreux sourcils blonds.

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