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Les dieux étaient à la Bombonera

Par Georges Quirino-Chaves, à Buenos Aires
Les dieux étaient à la Bombonera

Au terme d’une soirée inoubliable, Boca Juniors a remporté le titre de champion d’Argentine lors de la dernière journée. Au nez et à la barbe du River de Gallardo. Grâce à Tévez, Riquelme... et Maradona. Récit.

Ils appelent ça una noche de 10. Comprenez : une nuit notée dix sur dix. Où tout se passe parfaitement, comme dans un rêve. Samedi soir, à la Bombonera, tous les ingrédients étaient là : le titre, le scénario digne des meilleures séries et des 10. Tous les 10.

10 comme Maradona

Pour la première fois de sa carrière d’entraîneur, Dieu est là, sur la pelouse de son temple, dans son rôle de coach du Gimnasia La Plata. Dix-neuf ans après son jubilé et sa phrase restée dans la tête de tous les Argentins ( « Je me suis trompé et j’ai payé. Mais le ballon… On ne trahit jamais le ballon » ), Diego Maradona est de retour, et le moins que l’on puisse dire, c’est que ses retrouvailles avec le peuple boquense étaient attendues. Celles avec les nouveaux dirigeants, dont Juan Roman Riquelme, un peu moins, le Pibe de Oro ayant violemment critiqué ce dernier lors des dernières élections. À tel point que le club avait, un temps, pensé à ne pas rendre hommage à Maradona samedi soir. Face à la pression du public, la direction a finalement cédé.

Le champion du monde 1986 a d’abord été tristement célébré en ne recevant qu’une banale plaquette « en reconnaissance du titre remporté en 1981 » et un maillot floqué à son nom. On était alors bien loin des hommages vus lors des déplacements du Diez à Rosario ou à Córdoba. Spoiler : Maradona n’a pas aimé, et son visage fermé, tourné en direction de la tribune présidentielle – les dirigeants de Boca ne sont même pas descendus sur la pelouse pour l’accueillir – disait tout de son ressentiment intérieur. Puis, le peuple a pris la parole et les 50 000 présents ont hurlé, chanté son nom, pleuré de joie et fait trembler le stade pour accompagner l’entrée sur scène du roi. Une banderole le représentant avec le maillot bleu et or et une Coupe du monde à la main a parfaitement résumé l’affaire : « Boca est ta maison. » Là, on a vu un Diego Maradona à la lourde démarche se signer avant d’embrasser la pelouse deux fois. Puis, la légende a pris une dizaine de minutes pour saluer tous les présents. Le Diego du peuple est chez lui, fier et heureux, mais samedi soir, il avait aussi la possibilité d’empêcher Boca d’être champion.

10 comme Tévez

C’est là qu’un autre 10 est entré en scène, le capitaine qui depuis des semaines répétait aux supporters xeineizes de croire au titre, et ce, même si le River Plate de Gallardo semblait impossible à faire tomber de son trône de leader. Ça, c’était avant que, sous la pression de Boca, les Millionarios vacillent. Avant la dernière journée, River ne compte alors plus qu’un point d’avance sur son rival et semble en passe de donner raison à Carlos Tévez. À 36 ans, L’Apache vit une seconde jeunesse et semble n’avoir jamais été aussi affûté depuis son retour de Chine, une escapade d’un an qui l’avait fâché avec quelques supporters de Boca, déçus de le voir quitter le club pour se remplir les poches. Une colère nourrie ensuite par le niveau de jeu bancal affiché par Tévez à son retour au pays, au point que ses coachs ont peiné à lui faire confiance et que son statut d’idole a pris quelques coups. En décembre, on a alors dit que Carlos Tévez était prêt à ranger ses crampons. Puis, le nouvel entraîneur Miguel Angel Russo et le directeur sportif, un certain Juan Roman Riquelme, l’ont convaincu de ne pas le faire. Tévez a entendu le message et a inscrit six buts et délivré deux passes décisives en sept rencontres. Magique.

En entrant sur la pelouse de la Bombonera samedi soir, Tévez semble nerveux, impatient d’en découdre. Il est aussi affolé à l’idée de revoir Maradona et ne l’a pas caché au cours de la semaine : « Je vais le saluer, le prendre dans mes bras, l’embrasser, lui donner mon maillot. Tout ! » Carlos Tévez et Diego Maradona s’apprécient depuis longtemps, se reconnaissent à travers des chemins similaires et se sourient automatiquement dans la nuit de la Boca. Carlitos s’approche et embrasse Diego sur la bouche, avant de l’étreindre longuement. « Je savais que ce baiser allait me donner la chance » , a-t-il confié, amusé, après la rencontre. Ce baiser est-il à l’origine du miracle de la 71e minute de jeu ? Qui sait : River accroché à Tucumán (1-1), Boca n’a besoin que d’un but pour être sacré champion. Alors, Tévez récupère le ballon à l’entrée de la surface et, du pied droit, décroche un missile qui transperce le gardien de Gimnasia La Plata. La Bombonera chavire. Le numéro 10 explose de joie, cavale comme un gosse et monte aux grillages. Boca vient d’enfiler une nouvelle couronne et Carlos Tévez de récupérer son statut de légende. Il souffle : « Ce titre, je le fête comme si c’était mon premier avec Boca ! J’ai retrouvé la faim. C’est l’une des plus grandes émotions de ma vie ! » Le tournage de la saison 2 d’Apache, la série sur sa vie, peut désormais être signé.

10 comme Riquelme

Sur son siège, un autre 10 a la banane. Seulement trois mois après son retour au club en qualité de deuxième vice-président et responsable du football, Riquelme a déjà redonné le sourire à son peuple après plusieurs années passées à regarder le River de Gallardo s’amuser. C’est lui qui a choisi de ramener sur le banc Miguel Angel Russo, l’entraîneur avec qui il a décroché la dernière Copa Libertadores de l’histoire des Xeneizes, en 2007. C’est aussi lui qui a en partie permis à Tévez de renaître, ce qu’a reconnu le joueur entre les cotillons : « Roman a été très important. On a beaucoup discuté. Il m’a aidé à retrouver ce Carlitos-là… » Dans l’euphorie, Riquelme, lui, est resté calme, n’esquissant qu’un timide sourire depuis sa loge au coup de sifflet final et sirotant tranquillement quelques matés. Il voit loin, déjà, comme lorsqu’il était sur le terrain et ne veut plus être El Ultimo Diez. Juan Roman Riquelme a ainsi demandé à ce que Boca joue dans toutes les catégories avec un 10 : un choix à contre-courant de la mode actuelle, mais qui pourrait permettre au club de retrouver une identité un peu perdue ces dernières années. Ainsi perdureront les noches de 10.

Par Georges Quirino-Chaves, à Buenos Aires

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