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Équipe de France de foot-fauteuil : «  Même si c’est sur des roues... C’est du foot ! »

Propos recueillis par Kevin Mbundu
10 minutes

L’équipe de France de foot-fauteuil électrique a écrit une nouvelle page de sa belle histoire en décrochant son second titre de champion d’Europe, la semaine dernière en Italie. Déjà double championne du monde en titre, l’équipe du team manager Aurélien Vandenbergue assure sa domination sur ce sport méconnu. Qu’il nous explique avec son joueur Jonathan Détrier, lequel a vécu sa première compétition internationale à 28 ans.

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Ancien joueur de foot-fauteuil, Aurélien Vandenbergue a intégré le staff de l’EDF de foot-fauteuil en 2018 en tant que manager. Avant d’endosser en plus le poste de responsable de la commission, deux ans plus tard. En association avec le sélectionneur David Vergé, Aurélien organise les stages de préparation et les déplacements en compétition. Afin de mettre les joueurs, comme Jonathan Detrier par exemple, dans les meilleures conditions. Passé par Nîmes en 4e division qu’il a monté jusqu’en 2e division, lui fait du foot-fauteuil depuis 20 ans. Après quelques années à Toulouse et une petite à Montpellier, le Nîmois finit par rejoindre les rangs de Saint-Étienne alors que le club vient d’être promu en division 1.

Aurélien Vandenbergue : Le foot fauteuil est une discipline mixte qui est dédiée aux personnes présentant un handicap moteur lourd, il se pratique en fauteuil roulant électrique équipé d’un pare-chocs à l’avant permettant de conduire et de frapper dans un ballon de 33 cm de diamètre (une fois et demie plus gros qu’un ballon de foot taille 5). Il se joue à quatre contre quatre sur la dimension d’un terrain de basket pour une durée de deux fois 20 minutes, l’objectif étant de marquer un but de plus que son adversaire pour gagner.

La France, un vivier de joueurs

Aurélien Vandenbergue : Nous avons 4 divisions en France, ce qui représente une bonne cinquantaine d’équipes. Une saison se déroule généralement d’octobre ou novembre à fin juin avec des week-ends « plateau », c’est-à-dire que plusieurs matchs de championnat se déroulent sur le même lieu. Avoir autant d’équipes, c’est une chance. C’est l’œuvre de l’ensemble des bénévoles qui s’investissent, qui forment et qui développent les joueurs. Grâce à eux, le championnat de France de D1 est très compétitif.

On est quasiment 1 000 licenciés en France, et il faut compter sur les anciens pour pouvoir transmettre.

Jonathan Detrier : Quand les coéquipiers sont jeunes, il y a quand même un rôle de mentor. Quand j’avais 6 ou 7 ans, je jouais avec des adultes de 19 ans et ils m’ont appris le sport comme leurs techniques. Ça se transmet beaucoup comme ça, c’est ça qui est chouette. On est quasiment 1 000 licenciés en France, et il faut compter sur les anciens pour pouvoir transmettre. Malheureusement, ce n’est pas professionnel. Moi, je suis chanceux : mon club appartient à une structure professionnelle, ils peuvent me loger parce que j’habite toujours à Toulouse et j’ai fait le déplacement pour venir jouer à Saint-Étienne. Ils me logent et me nourrissent au centre de formation, ils paient mes déplacements. L’ASSE fait beaucoup pour le foot-fauteuil, contrairement aux autres clubs professionnels qui n’ont aucun intérêt là-dedans. On n’est pas payé, mais ça évolue petit à petit et c’est déjà pas mal.

Jonathan Detrier qui a célébré hier son titre devant son public avant le match de l’ASSE face à Guingamp en L2.<br />Crédit photo : ASSE
Jonathan Detrier qui a célébré hier son titre devant son public avant le match de l’ASSE face à Guingamp en L2. Crédit photo : ASSE

Et le foot-fauteuil à l’échelle internationale ?

Aurélien Vandenbergue : Au niveau international, il y a des compétitions à destination des clubs comme la Ligue des champions ou encore le championnat du monde des clubs. La première édition a eu lieu à Bobigny en juin dernier, et nos deux représentants français se sont retrouvés en finale (Châtenay-Malabry et Villeneuve-d’Ascq). Cela démontre la qualité de nos équipes, et de nos championnats. Pour les nations, on retrouve des compétitions comme la Coupe du monde et le championnat d’Europe qui se jouent tous les 4 ans.

Ça fait peut-être un peu prétentieux, mais on savait que notre groupe était au-dessus : dès le début, on est partis avec l’objectif d’être champions d’Europe.

Jonathan Detrier : Je n’ai jamais participé à la Ligue des champions parce qu’en France, seuls les deux premiers peuvent y participer : Châtenay-Malabry et Grafteaux (Villeneuve-d’Ascq), cette année. Ils sont, comme souvent, les deux meilleurs du championnat pour l’instant. Cette année a eu lieu le premier Mondial des clubs en région parisienne, et c’étaient eux l’affiche de la finale, ça montre qu’on sait jouer au foot en France. En première division, on a fini huitièmes sur dix. Il y a deux ans, on a terminé cinquièmes et la saison dernière quatrièmes. On espère faire encore mieux avec l’objectif d’accrocher le top 3, top 2 voire top 1.

Le championnat d’Europe 2025, la razzia française

31 buts marqués, 1 seul encaissé et des victoires de prestige comme le 10-0 infligé à l’Allemagne ou le 7-0 claqué à l’Espagne : l’équipe de France a très vite fait de ce Mondial une simple formalité.

Jonathan Detrier : Ça a duré du 19 au 24 inclus, on est huit joueurs à avoir été sélectionnés en France. Il y a d’abord eu des stages de préparation où on a été douze puis dix, et on a fini à huit pour la compétition. J’ai été pris pour les deux derniers stages de préparation, en novembre et en mai pendant deux fois une semaine de préparation. Le sélectionneur et le sélectionneur adjoint nous testent, ils voient quelles compétitions ils veulent faire et celle-ci a été ma première compétition internationale. Ça fait peut-être un peu prétentieux, mais on savait que notre groupe était au-dessus : dès le début, on est partis avec l’objectif d’être champions d’Europe. On savait que l’Angleterre allait être le seul gros morceau, ils nous avaient battus en 2019 au dernier championnat d’Europe en Finlande. Donc on avait un peu cet esprit de revanche en finale, on voulait récupérer ce trophée. On était assez confiants, sachant qu’on avait Mohammed Ghelami et Bryan Weiss : ce sont sûrement les deux meilleurs joueurs du monde de foot-fauteuil ! Quand tu les as dans ton équipe, ça rassure et tu te dis que tu as largement le niveau.

Aurélien Vandenbergue : En équipe de France, on a la richesse d’avoir 8 joueurs de très haut niveau sur la compétition. Notre capitaine Momo Ghelami a remporté le trophée de meilleur buteur, mais c’est vraiment le collectif qui a été notre force. Des joueurs comme Erwan Conq, Morgan Lifante, Bryan Weiss et Youcef Ayad Zeddam ont tout gagné en club. Aurélien Fillatre et Tristan Le Beller étaient de l’aventure en Australie… Jonathan Detrier a découvert le niveau international, mais il a répondu aux exigences du haut niveau tout de suite… Quand autant de qualités individuelles se mettent au service d’un collectif, tout se passe bien.

Jonathan Detrier : Je retiendrais qu’on a été très soudés et au-delà de ça, il faut savoir qu’on a tous un accompagnant avec nous, puisqu’on est en situation de handicap lourd. Pour moi, c’était un auxiliaire de vie. Il y avait des parents, des bénévoles… Entre eux et le staff ainsi que le manager Aurélien Vandenbergue, on était 22 au total. Ce qui a fait notre force, c’est cette cohésion de groupe : on était contents d’être ensemble, l’ambiance était géniale. Il y avait beaucoup d’entraide entre tous, mon auxiliaire de vie qui était rémunéré pour s’occuper de moi n’hésitait pas à s’occuper aussi des autres. Ça contribue beaucoup d’avoir un groupe qui vit bien, Ghelami m’a beaucoup aidé dans ma préparation. Il m’a toujours soutenu, encouragé. Finalement, je suis fier de la compétition que j’ai faite. Personne ne cherche à briller aux détriments des autres, cette victoire est collective.

Le truc en plus des Français

Aurélien Vanderbergue : À la prise des fonctions, la France était championne d’Europe et championne du monde en titre. Pour la première compétition, nous avons fini 2es du championnat d’Europe puis avons réussi le doublé en Coupe du monde (Australie) avant de récupérer ce titre européen qui nous avait échappé. En France, nous avons un top niveau. Que ce soit les joueurs, les staffs, les bénévoles, les officiels… Nous avions 3 arbitres français présents au dernier championnat d’Europe. Pour autant, le niveau mondial ne cesse d’augmenter. On le remarque avec les parcours des nations émergentes comme l’Italie et la Belgique, d’ailleurs. Pour maintenir ce niveau, il faut constamment se réinventer. C’est ce qui a été fait entre la Coupe du monde et le Championnat d’Europe, avec un jeu différent proposé entre les deux compétitions. Pour y arriver, il faut que tout le monde tire dans le même sens et c’est ce qu’il s’est passé.

Un nouveau titre mondial serait magnifique, mais je ne suis pas sûr que les autres équipes soient du même avis.

Jonathan Detrier : En France, on a la chance d’avoir une « vieille équipe », car le foot-fauteuil a été créé il y a un peu plus de 40 ans. Au début, les règles n’étaient pas les mêmes selon les pays. Mais en 2005, tous les pays se sont rencontrés au Portugal pour établir des règles et des compétitions communes. La France a fait partie de ces pays à l’origine de tout ça, donc on a un peu cette longueur d’avance par rapport à l’Espagne par exemple (qui a monté une équipe de foot fauteuil il y a 5, 6 ans maximum). On a plus d’années d’expérience, c’est ce qui donne l’avantage d’avoir plus de maîtrise sur d’autres pays comme l’Allemagne (avec le hockey-fauteuil qui prend une grande partie des licenciés).

En route vers un 3e Mondial

Aurélien Vandenbergue : Un nouveau titre mondial serait magnifique, mais je ne suis pas sûr que les autres équipes soient du même avis ! On va travailler pour mettre les chances de notre côté, en tout cas.

Cette compétition a été un peu plus médiatisée, c’est chouette pour la discipline qui est encore très méconnue.

Jonathan Detrier : C’était un rêve pour moi d’en arriver là, c’était vraiment un objectif depuis tout petit et c’est une fierté pour les gens qui me connaissent de savoir que je suis champion d’Europe. J’aimerais bien jouer le prochain Mondial, c’est l’année prochaine en Argentine. J’en ai discuté avec le sélectionneur, les places sont chères : il n’y aura que huit sélectionnés, alors qu’il y a énormément de prétendants. Il va falloir que je fasse une grande saison en club, il y a de la place pour faire quelque chose de bien.

Les Jeux paralympiques, l’objectif d’une vie

Jonathan Detrier : Pour l’instant, il y a un petit peu de public, mais ça reste très fermé. Cette compétition a été un peu plus médiatisée, c’est chouette pour la discipline qui est encore très méconnue. Finalement, en parler permet de démocratiser le sport et de sensibiliser au handicap ou encore de montrer qu’on peut faire du sport même en situation de handicap lourd.

Aurélien Vanderbergue : En Australie, la finale de la Coupe du monde a été diffusée en direct lors de la première Coupe du monde des clubs en juin dernier organisée à Bobigny par le club de Châtenay-Malabry. En France, l’ensemble de la compétition a été diffusé par Bein Sports et Sport… il y a une exposition de plus en plus forte, c’est important pour le développement de la discipline !

De manière globale, j’aimerais que le grand public continue de découvrir ce beau sport.

Jonathan Detrier : Arrivé aux Jeux paralympiques, c’est tout ce que je nous souhaite et je sais que c’est en pourparlers pour Brisbane en 2032. Pour 2028, on a loupé le coche. Mais il devrait y avoir un match de démonstration. C’est un sport qui, à regarder, peut être spectaculaire, alors que d’autres sports le sont un petit peu moins. Là, les gens qui découvrent ce sport sont toujours impressionnés. Ils aiment bien et ils voient qu’il y a de la précision, de la vitesse, de la stratégie, des passes, des tirs… Et même si c’est sur des roues, bah c’est du foot, quoi ! Or, le foot est le sport le plus répandu sur terre donc ce serait chouette que le foot-fauteuil puisse aussi briller.

Aurélien Vanderbergue : Pour Brisbane 2032, on va attendre le retour. Mais j’y crois, il faut faire confiance aux instances internationales, même si le foot-fauteuil est reconnu par le comité international paralympique sans être pour le moment intégré aux Jeux. Si ce n’est malheureusement pas pour 2032, j’ai la conviction que ça arrivera à un moment donné. De manière plus globale, j’aimerais que le grand public continue de découvrir ce beau sport, mais surtout que le foot fauteuil poursuive son développement et sa progression.

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