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Lemar, au carrefour des possibles

En signant à l'Atlético, Thomar Lemar s'est imposé le devoir de répondre tôt dans sa carrière à une interrogation légitime : a-t-il l’étoffe d'un top joueur ?
Il y a un an, Thomar Lemar sortait d’un titre de champion de France, d’une demi-finale de Ligue des champions et d’un doublé sous le maillot bleu. Une dynamique qui, ajoutée à son tempérament humble, discret et travailleur, semblait lui ouvrir une voie royale : celle d’un futur titulaire à la Coupe du monde. Celle aussi d’un joueur qui mettrait vite les pieds chez un cador européen. Mais une seule des deux projections s’est réalisée. La faute à une dernière saison très terne sous le maillot monégasque. Elle a légitimement fait naître quelques doutes sur le destin tout tracé de l’élégant gaucher. Alors, comme pour faire taire les pessimistes, le timide s’est envolé vers une terre de caractère afin de révéler le sien.
Nouveau maillot, nouvelle peau ?
Thomas Lemar est une sorte de caméléon, qui se fond dans le décor et suit le mouvement de l’équipe. Il en résulte des avantages et des inconvénients certains : quand tout se passe bien, ne comptez pas sur lui pour être un problème ; quand les difficultés pointent, ne comptez pas sur lui pour être la solution. C’est ainsi qu’il a trouvé sa place dans le merveilleux Monaco d’il y a deux ans et s’est un peu perdu dans celui de la saison passée. Tout sauf un problème de talent évidemment, mais un indice sur sa capacité à s’affirmer en tant qu’individu. Là est tout l’intérêt de son choix madrilène. S’il a su conquérir le relatif anonymat d’un Rocher où il n’était pas particulièrement attendu, il se retrouve désormais dans l’inconfort d’une conquête en pleine lumière. Une aventure qui fera forcément office de révélateur du réel potentiel du champion du monde, aujourd’hui difficile à cerner.
Le prix de son transfert – le plus cher de l’histoire de l’Atlético – sur les épaules, il va devoir grandir sous les coups de l’exigence. En témoigne l’utilisation déjà intensive qu’en fait Diego Simeone, pourtant habitué à intégrer ses recrues très lentement. Un signe de confiance et d’impatience. L’entraîneur argentin n’avait d’ailleurs pas retenu bien longtemps ses compliments teintés d’espoir : « C’est un joueur fantastique. Il va beaucoup nous apporter. C’est un processus difficile pour lui. Il reçoit beaucoup d’informations, il ne maîtrise pas encore la langue. Mais je vois dans ses yeux et dans sa démarche une énorme envie. Je suis sûr et certain qu’il va nous faire beaucoup de bien à partir de maintenant. » Pour l’instant, l’international français est à l’image de son équipe, en manque de réussite. Samedi dernier, contre Eibar, il s’est démené pendant une heure, sans provoquer de réelles différences par le dribble ou la passe.
Dans les mains de Simeone, dans les pas de Griezmann, mais seul face à son destin
Dans l’Atlético d’El Cholo, il est de coutume de dire que le collectif surpasse tout. Comme si la somme gommait les individus, alors qu’elle révèle d’autant plus les faiblesses de ceux qui ne s’affirment pas. Combien de joueurs de côté se sont cassé les dents sous le règne de l’Argentin ? Trop pour miser les yeux fermés sur une greffe parfaite et immédiate de l’ancien Monégasque. Tout en appuyant ses compliments de bienvenue, Simeone n’a d’ailleurs pas traîné pour souligner le chemin à parcourir : « C’est un footballeur extraordinaire avec des caractéristiques que n’a aucun de ceux que nous avons déjà. Il nous apportera beaucoup, mais il est clair qu’il a des choses à améliorer : être plus direct, marquer plus de buts, délivrer plus de passes décisives… Quand il aura tout ça, il sera titulaire en équipe de France. C’est un footballeur différent, je le vois, et c’est pourquoi il a commencé titulaire. »
Pour développer l’influence de son joueur, l’entraîneur madrilène n’a d’ailleurs pas hésité à lui confier en partie la machine à gagner que sont les coups de pied arrêtés. Et s’il n’a toujours pas reçu de caviar de son nouveau coéquipier, Antoine Griezmann, lui, n’en garde pas moins les yeux de l’amour, si l’on en croit son interview dans Le Magazine L’Équipe: « Quand on me demande parmi les joueurs que je côtoie avec qui je préfère jouer, je réponds toujours que c’est Tom. Il est très intelligent, il a tout compris. Il sait ralentir ou accélérer le jeu quand il faut. Il fait tout bien, il va devenir un top joueur. » On ne demande qu’à y croire, mais on veut voir. Comme saint Thomas.
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