ACTU MERCATO
Lemar, de la diagonale aux rayures
Auteur d'une saison mitigée et relégué sur le banc en équipe de France, le joueur de l'ASM va s'engager pour les cinq prochaines saisons à l'Atlético de Madrid. Un transfert qui devrait contenter toutes les parties.
« La touche espagnole, ça me parle » , glissait le milieu guadeloupéen l’été dernier, entre deux élans d’admiration pour le trident Xavi-Iniesta-Busquets et l’idole David Silva. Un an plus tard, le voilà en passe de rejoindre le berceau du football qu’il chérit. La maison aurait pu être catalane, un vague intérêt du Barça ayant été un temps évoqué. Mais il expérimentera finalement la Liga chez les Colchoneros, sous les ordres de Diego Simeone, qui ne manquera pas de durcir un peu l’esthète. Car si Lemar quitte la France comme une star, c’est un jeune joueur encore empli de doutes qui arrive chez la troisième voix du football espagnol.
Décevant dans le rôle de leader technique qu’il devait endosser cette saison, il a montré que ses épaules n’étaient pas toujours assez larges pour les rues étroites de la Principauté. Mais tous en avaient assez vu la saison précédente pour ne pas remettre en question le potentiel du garçon. Alors, même si les chiffres n’ont pas l’extravagance de ceux prédits il y a encore quelques mois, ils ont l’épaisseur des grands espoirs placés en lui. Et l’espérance vaut bien 70 millions d’euros – dont un pourcentage sera reversé au SM Caen – quand on négocie avec Vadim Vasilyev, qui avait tout intérêt à attendre l’issue d’une Coupe du monde susceptible de boursoufler les prix.
Révélation, explosion, déception
Trois saisons. C’est le temps qu’il aura fallu pour voir tout ce qu’il y avait à voir de Lemar sous la diagonale. Arrivé sur le Rocher pour quatre petits millions lors du rocambolesque mercato d’été 2015, il avait survécu à la guerre de milieux offensifs qui l’opposait à Cavaleiro, El Shaarawy, Rony Lopes, Boschilia, Adama Traoré, Hélder Costa ou encore Bahlouli. Ça peut paraître simple après coup, mais ça ne l’était pas. Dans ce qui a sans doute été la plus pénible des saisons de l’ère Rybolovlev (sur le terrain et en coulisses), il est celui qui a attrapé son destin pendant que d’autres l’attendaient. Comme la saison d’après, à Wembley, où, profitant de la blessure de Dirar, il a prouvé à Jardim (longtemps réticent à l’idée) que Bernardo Silva et lui pouvaient être alignés ensemble, prenant part à une saison savoureuse. Tant que rien n’était acquis, il n’a jamais déçu.
Il a même parfois émerveillé, avec cette façon de frapper le cuir tout en le caressant dès que la surface approchait, avec cette faculté à épouser le cœur du jeu pour offrir le couloir à son latéral sans l’abandonner, avec son altruisme, avec sa simplicité. Mais, quand le collectif s’est dérobé, que sa tête a dépassé, qu’on lui a fait comprendre que les choses reposaient désormais essentiellement sur lui, il faut bien admettre que Thomas Lemar est redevenu l’adolescent un brin fébrile dont le cœur s’emballait sous la pression. Il n’a pas triché. Mais il a flanché, rappelant qu’à 22 ans, on est toujours un jeune joueur à qui rien n’est promis. Quoi qu’en dise l’époque. Cela aurait pu lui coûter sa place à la Coupe du monde. Mais il a su la gagner. Car comme toujours, quand les projecteurs sont braqués sur d’autres, il réussit son coup.
Grandes noticias desde Rusia. @AntoGriezmann ha firmado su renovación hasta 2023, @LucasHernandez hasta 2024 y Lemar su contrato #AúpaAtleti https://t.co/f1wjstCtj6 pic.twitter.com/vgRN0pture
— Atlético de Madrid (@Atleti) 18 juin 2018
La convergence des gauches
Moins fiable que Fabinho, moins iconique que Bernardo Silva, il partage néanmoins avec ses deux anciens coéquipiers cette humilité qui l’a rendu si attachant et qui fera sans doute oublier aux supporters monégasques cette ultime saison un poil fade. Une qualité qui devrait lui être d’une grande aide pour s’imposer dans le collectif exigeant de Diego Simeone. L’Atlético de Madrid vient là de recruter un joueur « compatible » . Mais il vient aussi de recruter le joueur le plus cher de son histoire, conférant d’office à Thomas Lemar un statut qu’il devra être capable d’assumer.
Récemment, les pépites de l’ASM parties à prix d’or n’ont pas été si nombreuses à réussir la prouesse de ne pas décevoir une fois les yeux du monde posés sur elles. L’intégration de l’ancien Caennais devrait en tout cas être facilitée par la présence désormais certaine d’Antoine Griezmann, qui lui a « beaucoup parlé du club » , comme le confessait, dimanche, Lucas Hernandez. Il nous tarde de voir les trois gauchers alignés ensemble sous le maillot rojiblanco. Et si Deschamps nous offrait un avant-goût ?
Par Christophe Depincé