- France
- Billet d’humeur
Le multiplex, quelle plaie !
L’expérience a été tentée plusieurs fois : télé allumée, chips à portée de main, direction le fameux multiplex, ce monstre moderne censé offrir tout le foot en même temps. Neuf stades, 18 équipes, 50 émotions. Multiplié par deux ce samedi avec les journées de Ligue 1 et Ligue 2. Sur le papier, un rêve ; en réalité, un cauchemar.

Avez-vous déjà été sur les applis de rencontre ? On swipe, on s’intéresse à quelqu’un, puis à une autre personne, encore une autre, puis on ne retient rien. On n’a rien vécu. Au mieux, on a juste perdu deux heures, en oubliant ce qu’on cherchait à la base. Pour le foot, c’est la même chose avec le multiplex. On a commencé à s’émouvoir devant un pressing bien mené de Toulouse, et hop, on t’envoie sur un penalty raté de Brest. On commence à comprendre pourquoi Strasbourg est si coriace à domicile, et bim, retour express au stade Océane pour un but refusé au Havre. Pas de transition, pas de contexte. Juste des cris dans l’oreillette et un commentateur qui nous hurle dessus comme si chaque touche de balle était un face-à-face dans les dernières minutes d’une finale de Coupe du monde.
Le foot, ce n’est pas qu’un résumé YouTube en direct. C’est le temps qui passe, l’ennui parfois, les petits riens qui font les grandes émotions. La Ligue 1, quoi.
Le multiplex, c’est croire qu’on regarde tout, alors qu’on ne voit rien. Une sorte de zapping sportif où le jeu n’a plus le temps de se raconter. Fini les constructions lentes, les défenses bien placées, les moments où on sent qu’un but va venir. Là, tout est immédiat, tout est bousculé. Si on n’a pas marqué dans les deux minutes, ou plutôt les 30 secondes, on zappe. C’est donc ça, le foot saccadé et immédiat qui plairait aux jeunes consommateurs de Tiktok ? Et puis franchement, qui a décidé que le match entre Reims et Sainté méritait d’être vu trois fois moins que celui entre Monaco et Lyon ? Le multiplex, c’est aussi une hiérarchie imposée, une sorte de Ligue 1 à deux vitesses version télé : les « gros » ont droit à plus de lumière, les autres se contentent de quelques miettes d’antenne. Ce n’est plus du football, c’est un puzzle éclaté de moments sans lien, une bande-annonce d’un sport qu’on aimait regarder en entier. Mais le foot, ce n’est pas qu’un résumé YouTube en direct. C’est le temps qui passe, l’ennui parfois, les petits riens qui font les grandes émotions. La Ligue 1, quoi.
On saute d’un univers à un autre sans jamais s’attacher
Le multiplex n’est pas le foot. Le vrai. Celui où tu vois le match se construire, où tu comprends pourquoi le latéral est bloqué depuis la 30e minute, pourquoi le 6 s’énerve contre le coach. Pas ce gloubi-boulga de mi-temps simultanées qui te balance un « BUT À LAVAL ! » comme un forain qui hurle un « Zé parti let’s go » à tout-va. Prenons un autre exemple : imagineriez-vous qu’on puisse regarder plusieurs films en même temps ? Un bout des Tuche, une scène de Transformers, une course-poursuite dans Cars… Le tout entrecoupé de publicités et de voix qui hurlent à chaque explosion ou blague vaseuse. C’est exactement ça, un multiplex. On ne suit rien, on saute d’un univers à l’autre sans jamais s’immerger, sans jamais s’attacher. Alors non, le multiplex n’a rien de sexy. Ce qu’il faut, c’est un match. Un seul. En entier. Avec ses silences, ses lenteurs, ses faux rythmes. Et au pire, on rattrapera ensuite les autres affiches comme on peut. Mieux vaut vivre 90 minutes quelque part que 10 minutes partout.
Benfica-Sporting : que le meilleur règnePar Evan Glomot