- Serie A
- Juventus/Milan AC (0-1)
Le Milan AC vire Del Neri
La Juve n'avait pas le choix. S'imposer et conserver son honneur, ou s'incliner et perdre son entraîneur. C'est Milan qui a tranché. Tant pis pour Del Neri.
Peut-être faut-il le prendre comme un signe prémonitoire. Depuis plus de vingt ans, à chaque fois que le Milan AC remporte le Scudetto, il s’impose à Turin face à l’ennemi juventino. Il reste dix journées avant la fin de l’exercice 2010-11, mais en venant s’imposer ce soir face à une Juventus bien terne, pour ne pas dire transparente, Milan a pris une belle option vers un sacre qu’il attend depuis 2004. Dans ce choc de la 28ème journée, dès le coup d’envoi, il n’est néanmoins question de titre que dans un seul camp. La Juve n’y est plus, la Juve n’est plus la Juve. Cette équipe pleine de fougue, avec des joueurs toujours prêts à honorer le maillot jusqu’au bout, même dans la douleur, a disparu. Milan n’a pas eu besoin de forcer son talent. Quelques coups d’accélérateur bien maitrisés et les Bianconeri ont fini par craquer. Comme un symbole, c’est le capitaine Gattuso, tellement critiqué pour son coup de folie en Ligue des Champions, qui permet aux Milanais de repartir de Turin avec trois points capitaux. Milan confirme qu’il a les épaules solides, l’étoffe d’un futur Champion, même si l’Inter ne lâchera rien jusqu’au bout. Contrairement à la Vieille Dame, qui a déjà tout lâché.
La première image en provenance du stadio Olimpico du Turin envoie déjà un peu d’émotion. Les deux capitaines, Gigi Buffon et Gennaro Gattuso, se claquent une bise. C’est l’Italie 2006, les symboles de la finale de Berlin. Mais pas le temps de se laisser avoir par la nostalgie. La Juventus entame son match par deux coups-francs bien placés. Malheureusement, le maître Del Piero est sur le banc. Et ça se voit, lorsque les deux frappes s’écrasent misérablement dans le mur. Mais pour voir la première grosse occasion, il faut attendre la 22ème minute. Après une phase de domination milanaise très stérile, Boateng sert Cassano, qui met dans les choux Armand Traoré, mais tire au-dessus à cinq mètres du but. Sûrement déstabilisé par l’aura de Buffon. Krasic répond par une percée de soixante mètres que Matri gâche en deux mètres. Mais rien de plus. La Juve semble manquer de moyens, tout simplement. Toni tombe à chaque contact, Cassano donne du fil à retordre à Sorensen, et Ibra risque de se faire un claquage sur une reprise de volée totalement loupée. A part ça, l’évènement le plus marquant de la première mi-temps reste le choc entre Felipe Melo et Boateng : le Brésilien, au lieu de tirer dans le ballon, frappe de toutes ses forces dans la cheville du Ghanéen. Les deux restent tout de même sur la pelouse. Putain de colosses.
Néanmoins, le Milanais tatoué ne passe pas la pause. A la reprise, entre deux jets de fumigènes entre tifosi, Robinho fait son apparition sur la pelouse. Mais c’est Ibra qui allume la première mèche, avec un missile sur coup-franc aux 35 mètres, bien repoussé par un Buffon redevenu serein. Après ça, pour trouver une action digne d’être signalée, il faut racler les fonds de tiroir. Peut-être une incursion dans la surface de Chiellini. Et encore. Del Neri finit enfin par remplacer l’imprésentable Toni par Iaquinta. Mais jusqu’à la 67ème minute, c’est le néant total. Jusqu’à un éclair dans la nuit. Un éclair dans l’ennui. La défense centrale de la Juve s’ouvre, et laisse pénétrer Gattuso, qui d’une frappe pas forcément irrésistible réussit à tromper Buffon, redevenu commun. Gattuso et Buffon. De 2006 à 2011 en une frappe écrasée et une parade ratée. Piquée dans son orgueil, la Juve tente de réagir. Mais rien n’est là. Ni les jambes, ni les têtes. Ni même le talent, c’est triste à dire. C’est même Milan qui risque de doubler la mise par Ibra. Les rares tentatives turinoises s’écrasent sur la solide charnière milanaise. Del Neri, qui voit son avenir s’obscurcir au fil des minutes, offre dix minutes de jeu à Del Piero, tant de fois sauveur de la patrie noire et blanche par le passé. Mais le passé, c’est le passé. Pas de place pour la nostalgie, a-t-on déjà dit. Del Piero ne sauvera rien. Pas même le nul, et encore moins les siens d’un troisième naufrage consécutif. Même pas une petite émotion, Milan s’impose sans trembler. La voix royale vers le Scudetto se dessine un peu plus, tandis que le ciel s’assombrit sur l’avenir européen de son rival du soir. Gigi Del Neri observe ses joueurs quitter la pelouse la tête basse. Qu’il en profite. C’est la dernière fois qu’il les voit.
Eric Maggiori
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