Le football, l’autre trafic du Cartel de Cali
S'il est de notoriété publique que Maradona a entretenu plus d'un rapport dangereux avec la mafia napolitaine et plus largement avec les trafiquants de drogue du globe, sa relation avec le cartel de Cali est en revanche beaucoup moins connue.
Dans un livre à paraître prochainement en Colombie intitulé El Hijo del Ajedrecista 2 (Le fils du joueur d’échecs – en référence au surnom du chef du Cartel de Cali Gilberto Rodríguez Orejuela, dans les années 70), Fernando Rodríguez Mondragón affirme que l’organisation narcotrafiquante dirigée par son père Gilberto et son oncle Miguel aurait longtemps financé le football colombien, mais aussi participé à la victoire de l’Argentine lors de la Coupe du monde 78.
En 1979, Maradona aurait en outre reçu une alléchante proposition de 3 millions de dollars en petites coupures émanant du Boss de l’America Cali, Gilberto Rodríguez Orejuela himself (même s’il partageait la présidence avec Juan José Bellini), pour venir garnir les rangs du club pendant seulement 6 mois, et ce aux frais des plus gros trafiquants de drogue de l’époque. « Au final ça ne s’est pas fait mais mon père et Diego ont toujours maintenu des relations amicales excellentes. Ils s’appréciaient vraiment, et se faisaient des petits cadeaux qui étaient du goût de Diego » , ajoute Rodriguez junior, un peu évasif sur la nature desdits ‘cadeaux’…
D’autre part, l’auteur révèle également que son père avait pris à sa charge les honoraires de Carlos Bilardo ‘El Narigon’, alors entraîneur du Deportivo Cali, ainsi que ses émoluments pour le poste de sélectionneur de la Colombie lors du Mondial 82. « La Fédération n’avait pas d’argent pour le contrat de Bilardo, alors le Cartel a décidé de prêter 300 000 dollars aux dirigeants colombiens. Ils sont venus chercher les mallettes d’argent en personne dans notre maison » .
Au lieu d’échanger des joueurs pour équilibrer le championnat, comme le faisaient notamment les incontournables Bez et Tapie pour le rendre plus attrayant aux sponsors et aux télévisions, cette bonne vieille fouine de Gilberto Rodriguez Orejuela finançait de son côté carrément les autres clubs du pays pour maintenir un soupçon de suspens et s’assurer de surcroît des retombées économiques qui atterriraient directement dans les comptes de l’organisation dont il était le cerveau, d’où son surnom, “le joueur d’échecs”.
Le Cartel de Cali aurait en outre facilité la conquête de la Coupe du monde 78 à la sélection hôte en proposant plus de 4 millions de dollars aux dirigeants péruviens. A l’époque, les Argentins avaient en effet besoin de soigner leur goal-average pour passer devant les Brésiliens et ainsi se qualifier pour la finale contre la Hollande. Et apparemment les Péruviens jouèrent parfaitement leur rôle puisqu’ils furent défaits 6-0 face à Mario Kempes et compagnie lors du dernier match de poules.
Un score suffisant donc pour renvoyer les Cariocas chez eux et s’assurer de facto une place en finale plus que vitale pour le pays organisateur. Vu le contexte de l’époque, il semble fort probable que ce soient les hommes de main du dictateur Videla qui aient expressément demandé de l’aide au Cartel, en échange de leur cessité quant aux opérations plus que douteuses de l’organisation colombienne mafieuse en Argentine.
Avant même l’existence du Mercosur, les pays sud-américains ouvraient donc leurs frontières, dans le but avoué de donner de “l’opium au peuple”. Une expression à peine imagée…Actuellement détenus en prison aux Etats-Unis avec 19 chefs d’accusation sur le cul (en vrac, détention et trafic de stupéfiants, assassinats, corruption, tentatives de kidnapping), le père et l’oncle de Fernando Rodríguez Mondragón ont peut-être donné au football colombien ses plus belles heures de gloire : « Mon père aimait le football, mais c’était surtout un moyen efficace de blanchir de l’argent tout en devenant populaire » , souligne l’auteur.
Effectivement, le chef du Cartel de Cali jouissait d’un cote d’amour sans pareille, y compris auprès de ses propres joueurs. Comme le portier argentin Falcioni (ancien international et actuel entraîneur de Gimnasia y Esgrima La plata) et Ricardo Gareca. Les deux stars des ‘Rojos’ (surnom donné à l’America) de Cali bénéficiaient ainsi d’un pass All Inclusive durant leur long séjour (9 ans pour Falcioni !) en Colombie, pour services rendus au club (trois finales de Libertdores).
Un ‘pass’ qui comprenait coke gratuite, cadeaux en forme de voitures de luxe, avec les putes qui allaient avec. Autant dire le paradis…Même une connaissance du championnat de France, et plus particulièrement du FC Metz, profita des largesses des vilains mécènes. Roberto Cabanas eut la bonne surprise de se faire offrir par ‘le joueur d’échecs’ un appartement dans la résidence de haut standing ‘Los Conquistadores de Cali’, après avoir marqué un but décisif pour la conquête du titre national. Si les joueurs étaient incontestablement des privilégiés, c’est aussi surtout parce que leur vente rapportait beaucoup d’argent au Cartel de Cali.
Aujourd’hui on estime que le joueur d’échecs a vendu plus de 150 joueurs lorsqu’il était à la ‘tête’ de l’America Cali. Pas sûr néanmoins que la traite de footeux lui ait autant rapporté que le trafic de came…
Par Javier Prieto Santos
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