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Le Chili et son porte-bonheur illuminati
Internet est complètement fou et l'a prouvé une fois de plus en érigeant un enfant de 10 ans, geek à ses heures perdues et illuminati involontaire, en porte-bonheur de la sélection roja. Et pour son entrée en lice dans la Coupe des confédérations, les internautes chiliens vont sans aucun doute encore l'invoquer.
C’est l’histoire d’un gamin qui a un peu trop poncé GTA V. Une histoire commune, dirons-nous, sauf que Sebastian Cichero est allé plus loin que tout le monde. Sa passion pour les chambres obscures, les manettes et les crises d’épilepsie l’a conduit à devenir l’un des protagonistes principaux de la première victoire en Copa América de l’histoire du Chili. Début 2015, en rentrant du travail, Italo Cichero, modeste ingénieur et papa de Sebastian, traîne sur son ordi et va faire un tour sur son compte en ligne. Dans sa boîte mail, une invitation de Santander, sa banque, à un concours pour enfant. En jeu : le droit d’accompagner les joueurs sur le terrain en début de match. À quelques semaines du début de la Copa América, il inscrit son fils, sans trop réfléchir.
Un mois plus tard, la réponse : Sebastian est sélectionné, il fera le match d’ouverture contre l’Équateur. Euphoriques, père et fils prennent le bus une première fois jusqu’à Santiago depuis Concepción, là où ils habitent, et assistent aux préparatifs une semaine avant le match. Mais rester sept jours sur place leur coûte trop cher, du coup ils rentrent à la maison. Au total, douze heures de bus dans la gueule : « Il m’a dit qu’il n’avait pas trop aimé le voyage et que du coup, quitte à y retourner, il ne ferait pas l’aller-retour pour rien » , explique le papa.
« C’est devenu la patte de lapin de la sélection »
Finalement, ils retournent à Santiago une semaine plus tard, en avion cette fois-ci, mais l’imagination de Sebastian a déjà fait le gros du travail. Italo : « Il m’a dit qu’il avait préparé un truc, mais impossible de savoir quoi. Il ne voulait pas m’en parler. J’espérais juste qu’il ne fasse pas une connerie parce que je savais qu’il allait passer à la télé. Bref, je l’ai juste prévenu de ne pas faire n’importe quoi. » Vidal, Sánchez, Bravo ou encore Medel entrent sur la pelouse. Sebastian, lui aussi, mais avec les joueurs équatoriens. Les hymnes retentissent, la caméra s’approche des joueurs, mains sur le cœur. Et juste devant eux, le sourire malicieux de Sebastian. Il sort d’abord un double tchuss et puis fait un triangle avec ses doigts, devant ses yeux. La bombe est lancée. Internet s’enflamme. Il devient très vite le « niño illuminati » .
Surtout que le Chili finit par gagner son match d’ouverture, par sortir des poules, passer les quarts, les demies et donc soulever finalement le trophée. Deux fois. Remplissant une armoire à trophées vide depuis toujours et mettant fin à une série de quatre finales perdues en 1955, 1956, 1979 et 1987. Au travail, Italo est inondé de questions, pareil pour Sebastian au collège. Les caméras font la queue pour un reportage chez les Cichero : « Les gens sont vraiment superstitieux ici et ils se sont vraiment dit qu’il y avait un lien. C’est devenu la patte de lapin de la sélection. Bon, nous, ça ne nous fait rien. Et puis les gens sont sympathiques avec nous. Mais jamais on ne s’attendait à ce que tout le Chili s’enflamme pour un gamin qui reproduit un geste, dont il ne connaît même pas la signification. Il a vu ça dans GTA, à un moment on voit ça sur le mur d’un mec. »
« Sa mère me l’a reproché, elle pensait que je l’avais poussé à faire ça »
D’ailleurs, quand il faut expliquer le pourquoi de ce geste, le petit brun aux yeux bleus donne la même réponse candide à tout le monde : « D’habitude, tous les enfants sont super sérieux. Moi, je voulais juste faire un truc et encourager la sélection. » Résultat des courses ? Aujourd’hui, les journalistes viennent le voir avant chaque match important. Son nom est cité à chaque fois que le Chili perd et demande un coup de pouce du destin. Sebastian donne des selfies, signe des autographes. Son père s’est même créé un compte Twitter pour l’occasion : Je suis le père du niño illuminati. Une folie douce : « Pour un gros festival du pays, y a un chanteur connu ici qui a refait le triangle avec ses doigts en disant que ça allait porter bonheur à son public. On a complètement oublié que c’était un truc illuminati. »
Même la maman de Sebastian peut en rire aujourd’hui. Au début, elle a pris peur pour son fils en voyant l’ampleur du phénomène : « Elle me l’a reproché, elle m’a dit que c’était moi qui l’avait poussé à faire ça, raconte le mari et papa. Et puis elle s’est détendue en voyant les réactions sympathiques des gens à l’égard de son fils. » Bref, ça se sent qu’Italo a dû un peu, voire beaucoup, ramer dans cette histoire pour faire en sorte que tout le monde se sente à l’aise avec cette notoriété subite et ephémère. Il faut juste espérer pour lui qu’il ait prévenu sa dulcinée qu’avant tous les matchs de la Roja, jusqu’à ce que Sebastian devienne adulte et indépendant, ils vont devoir se taper des caméras chez eux.
Par Ugo Bocchi