S’abonner au mag
  • France
  • Disparition de Jean-Louis Gasset

« Jean-Louis me parlait tactique avec des verres et des morceaux de sucre jusqu'au matin »

Propos recueillis par Baptiste Brenot
6 minutes

Une relation particulièrement étroite nouait Laurent Nicollin et Jean-Louis Gasset, fils des deux créateurs du Montpellier HSC. L'actuel président montpelliérain nous raconte son ami, entraîneur, conseiller... Un membre de sa famille, ou presque, décédé ce vendredi 26 décembre.

«<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Jean-Louis me parlait tactique avec des verres et des morceaux de sucre jusqu'au matin »

Quel est votre sentiment, au lendemain de cette triste annonce ?

C’est toujours dur. Même quand quelqu’un est malade… ça reste brutal, et c’est toujours douloureux, quoi. Puis son père, c’est comme mon père, donc c’est la tradition familiale.

Vous la décririez comment, cette relation entre vos deux familles ?

Bernard, son père, et le mien, c’étaient les deux chevilles ouvrières du club. Jean-Louis a joué dans l’équipe de l’entreprise, dans l’équipe corpo, après il est parti un an à Béziers, puis est revenu quand on a récupéré le club l’année d’après en division d’honneur… Il a connu tous les échelons. C’est un lien, j’étais à son mariage, il était au mien. Des liens entre gens qui se côtoient au quotidien. Bernard, c’était le frère que mon père n’a jamais eu. C’était comme un oncle, c’était la famille. Jean-Louis, je l’ai eu en tant qu’entraîneur en pupille. Il était joueur, il était entraîneur, il était éducateur. On a toujours gardé contact, toujours eu un lien, même quand il était à Bordeaux, Paris ou en équipe de France. Chaque fois qu’il revenait sur Montpellier, on se voyait, on mangeait un morceau, on s’appelait, on discutait… Ma fille est proche de sa fille, on connait bien les enfants…

Il était comment, en tant qu’entraîneur des pupilles ?

C’était quand il était encore joueur. Les mercredis après-midi, c’étaient les matchs. C’était il y a presque 40 ans, ça ne me rajeunit pas. À la base, Jean-Louis, c’était un formateur. Quelqu’un qui voulait transmettre sa vision du football.

C’est votre premier souvenir de Jean-Louis ?

Non, j’en avais beaucoup plus. Il y a tellement de choses faites ensemble, que ce soit à la maison ou au club. Nos familles étaient tout le temps ensemble, on faisait les Noëls ensemble… On avait vingt ans d’écart mais on était très proches.

Vous avez dû souvent le voir jouer, pendant sa carrière…

C’était un joueur rugueux, dur sur l’homme comme on en avait besoin à l’époque, mais avec une touche technique. C’était un joueur qui a su s’adapter aux divisions, qui a su hausser son niveau, et a connu toutes les montées, jusqu’à la descente de 82. Après, je me souviens surtout de la fête de la montée : j’avais sept ans, il y avait du monde partout, les joueurs chantaient… Après, bien sûr que j’ai des souvenirs de matchs. Jean-Louis, à un moment donné, a joué en troisième division, qui se jouait en lever de rideau de l’équipe première. Comme ma mère faisait les sandwichs et la buvette, je devais arriver très tôt au stade. Puis il a encadré tous les joueurs en seconde division, les Laurent Blanc, Kader Ferhaoui, Pascal Bails… Jean-Louis a entraîné la troisième division, puis été adjoint de l’équipe première.

À Montpellier, il a connu toutes les époques.

Des souvenirs, il y en a tellement. C’était des bons moments dans un club encore amateur qui était devenu professionnel, avec un état d’esprit des années 70-80. Ce n’était pas le football professionnel de maintenant. C’était quand même beaucoup plus d’échanges, de partage, de solidarité, un club familial. Ce qu’on essaye de garder malgré tout, même si ce n’est pas facile, vu comment les clubs sont maintenant. C’est pour ça qu’il a beaucoup souffert la saison dernière. Il a voulu transmettre ces valeurs à certains joueurs et ça ne passait pas. On n’a peut-être jamais eu des équipes de génie mais on avait un état d’esprit. Et quand tu n’arrives pas à retrouver cet état d’esprit que tu revendiques, c’est encore plus compliqué. Je pense qu’il a énormément souffert la saison dernière, même si j’ai essayé d’être avec lui, de le soutenir, de le booster.

Ses première et dernière expériences sur un banc en tant que numéro un auront eu lieu au MHSC…

La première année, surtout, il nous qualifie pour la coupe Intertoto, que l’on gagne (en 1999, contre Hambourg, NDLR)… Il y a eu un bon début, pas une bonne fin… Il voulait arrêter, mon père a refusé, il y a eu quelques crispations, mais comme dans une famille. Son départ (en novembre 1999), ça lui a permis de couper, puis d’aller ailleurs. La séparation lui a permis de faire une grande carrière, de gagner des titres, d’entraîner en équipe de France… Il me disait, d’ailleurs : “j’ai un seul regret, que Papi (son père, Bernard Gasset) ne soit pas là pour me voir en équipe de France”. Après, on ne va pas chipoter, numéro un ou numéro deux…

La saison dernière, il m’a dit qu’il fallait qu’il arrête sinon il en collerait deux ou trois contre le mur, et ça allait mal se passer.

Vous retiendrez quoi, de Jean-Louis ?

Un amoureux, un passionné de football, ça en était même limite. Je me souviens d’un repas où il est venu manger avec son épouse, André, il y avait (Jean-François) Domergues, notre entraîneur à l’époque, sa femme, mon ex-épouse et moi. On était tous les six, et ça a fini le lendemain matin. Je n’en pouvais plus parce qu’il parlait de tactique avec des verres et des morceaux de sucre, et il me disait si tu bouges comme ça, et moi comme ça, et je te contre là… Je lui disais : “Je vais aller me coucher, parce que parler football ça me va mais bon la tactique, au bout d’un moment…” Voilà, c’était un passionné de football. C’était quelqu’un qui était fou de tactique, qui voulait toujours faire évoluer l’équipe en fonction de l’adversaire. C’était en lui : comment jouer, comment contrer quelqu’un. C’est pour ça que c’était un super numéro deux, parce qu’il mettait tout en place, il planifiait les choses. Il n’aimait pas se mettre en avant, les médias… La saison dernière, j’étais persuadé que c’était l’homme de la situation. À la fin, il est venu me voir avec mon frère, dans mon bureau, pour me dire qu’il n’y arriverait pas, qu’il fallait qu’il arrête sinon il en collerait deux ou trois contre le mur, et ça allait mal se passer. C’était quelqu’un d’entier, honnête. Quelqu’un qui vivait le football même quand il avait arrêté, il parlait toujours au football, regardait les matchs… Jusqu’au bout, il a dû penser, manger et respirer football.

Gourcuff, Mbappé, Giroud : Les nombreux hommages à Gasset

Propos recueillis par Baptiste Brenot

À lire aussi
Les grands récits de Society: Tout le monde en parle, l'histoire orale
  •  
Les grands récits de Society: Tout le monde en parle, l'histoire orale

Les grands récits de Society: Tout le monde en parle, l'histoire orale

C’était une émission, c’est devenu un rendez-vous. Puis un objet de culte. Souvent drôle, parfois intelligente, toujours alcoolisée et volontiers vulgaire, Tout le monde en parle mêlait la désinvolture d’une petite soirée entre potes et le clinquant d’un dîner dans le grand monde. Voilà pourquoi personne ne l’a oubliée, même 20 ans après.

Les grands récits de Society: Tout le monde en parle, l'histoire orale
Articles en tendances

Votre avis sur cet article

Les avis de nos lecteurs:

Nos partenaires

  • Vietnam: le label d'H-BURNS, Phararon de Winter, 51 Black Super, Kakkmaddafakka...
  • #Trashtalk: les vrais coulisses de la NBA.
  • Maillots, équipement, lifestyle - Degaine.
  • Magazine trimestriel de Mode, Culture et Société pour les vrais parents sur les vrais enfants.
  • La revue de presse foot des différents médias, radio et presse française/européenne, du lundi au vendredi en 3 à 4h!