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La France du football vue par les Pays-Bas

Par Matthieu Rostac, à Amsterdam
La France du football vue par les Pays-Bas

Au sein du football mondial, peu nombreuses sont les équipes dont les contours sont franchement dessinés, aux caractéristiques et au style reconnaissables entre tous. La Hollande peut être de celles-là. Peut-on en dire autant de la France ? Il suffit d'interroger quelques spécialistes néerlandais pour avoir un début de réponse.

Soyons francs : aux Pays-Bas, peu de monde peut s’enorgueillir de posséder une connaissance encyclopédique concernant la Ligue 1. « La présence de Néerlandais dans les équipes françaises ne donnent presque pas d’intérêt aux fans de foot ici. Van der Wiel a joué beaucoup de matchs, mais n’est pas titulaire régulier. Tannane, personne ne le connaît, et Rekik à Marseille, personne ne le suit » , tranche dans le vif Henk Spaan, fondateur et rédacteur en chef du magazine Hard Gras. « Je ne crois pas que les Néerlandais aient un point de vue sur le football français parce qu’il y a une grande ignorance à son sujet, notamment parce que les grandes chaînes du pays ne retransmettent pas le championnat français. » Fox Sports, qui truste la majorité des diffusions de football au pays des tulipes, lui préfère la Premier League, la Bundesliga et la Liga, soit les trois championnats les plus relevés, ainsi que l’Eredivisie. Quant aux chaînes publiques, ces dernières se contentent des compétitions européennes. « À la télévision néerlandaise, même les spécialistes du foot ne voient pas le PSG aller plus loin que les quarts de finale. Ils considèrent qu’ils ne peuvent pas être l’égal du Barça, du Bayern, etc. Encore une fois, c’est de l’ignorance » , enfonce Henk Spaan. L’actuel entraîneur du Maccabi Tel Aviv Peter Bosz, ancien coach du Vitesse Arnhem et joueur du SC Toulon dans une autre vie, nuance le propos, préférant y voir des raisons anthropologiques : « On est proches de l’Allemagne, donc on regarde naturellement la Bundesliga. On a même certains fans qui traversent souvent la frontière pour aller supporter des équipes allemandes. Et puis, on regarde la Premier League parce que c’est le meilleur championnat. Je crois qu’il y a aussi une question de langue : aux Pays-Bas, tout le monde parle plus ou moins anglais et allemand. Français, un peu moins. » Pour autant, le technicien de 52 ans reconnaît que « les joueurs du championnat néerlandais ne connaissent pas assez le championnat français pour s’y intéresser vraiment » .

Un championnat « ignoré » mais relevé !

Pourtant, lorsque l’on interroge les spécialistes du football néerlandais, ces derniers reconnaissent que la Ligue 1 est l’un des championnats les plus élevés d’Europe, parfois légèrement au-dessus de la Serie A, avec sa « combinaison de physique et de technique » d’après Spaan. Même si « sur le plan tactique, ça pourrait être mieux. Il y a deux semaines, j’ai vu Ajax-OL en U19. L’Ajax était beaucoup plus fort, mais pour une simple question de tactique » . Une question d’âge, également, puisque le manque de compétitivité de l’Eredivisie force ses effectifs à lancer des joueurs dans le grand bain très tôt. « Si je dois le comparer à la Hollande qui utilise beaucoup de joueurs de 18, 19, 20 ans, la Ligue 1 est un championnat « adulte ». En France, il y a beaucoup de joueurs puissants, athlétiques, chose renforcée par la présence fréquente de joueurs africains dans les équipes. Donc c’est une compétition solide, difficile » , explicite Peter Bosz. Quant à Youri Mulder, ancien international oranje passé par Schalke 04, désormais analyste chez NOS, « le niveau du championnat français est plutôt bon. Qu’il s’agisse des joueurs de Ligue 2 qui viennent s’installer chez nous en Eredivisie ou ceux de Ligue 1 qui signent en Premier League, c’est en général un succès. Regardez Sébastien Haller : il arrivait d’Auxerre en Ligue 2 et il s’est imposé comme l’un des meilleurs buteurs du championnat avec Utrecht. Ça en dit long sur la qualité du football français. » Une qualité qui pourrait très rapidement avoir du plomb dans l’aile selon Erik Meijer, joueur néerlandais du Bayer Leverkusen période Ramelow-Kirsten : « En Ligue 1, tu as les clubs qui ont de l’argent et ceux qui n’en ont pas. C’est la raison pour laquelle le PSG en met neuf à Troyes. C’est ridicule. Je pense aussi que le championnat est trop grand, vingt équipes c’est trop. À chaque fois, le PSG va gagner alors qu’un minimum de compétition est nécessaire pour rendre le championnat encore attractif. » On peut le croire sur parole, lui qui commente le règne sans partage du Bayern Munich sur Sky Allemagne.

Un modèle de formation à suivre

S’il y a bien un sujet sur lequel le football néerlandais semble néanmoins se pencher, c’est bien la formation. Une transformation structurelle opérée en profondeur que Peter Bosz avait déjà remarqué lors de son passage en Division 1 à la fin des années 80 : « On sentait qu’il y avait une envie, en partant de la Fédération, de se pencher sur le cas de la formation à la française. C’est ce qu’ils ont fait. Et ils ont eu raison parce qu’il y a 65 millions d’habitants en France, soit un vivier plus fort que celui des Pays-Bas. C’est ce qu’a fait également l’Allemagne, en s’appuyant partiellement sur le système de formation néerlandais. » Henk Spaan, lui, se dit impressionné par le travail réalisé par les centres de formation de clubs comme l’Olympique lyonnais – « combien de joueurs ont-ils en équipe première formés au club ? Sept ou huit ! » – ou l’AS Saint-Étienne : « Le niveau de la formation d’Ajax, PSV et Feyenoord est encore bon, mais plus très moderne. De ce point de vue-là, la France a toujours un train d’avance. Vous avez Clairefontaine qui est un vrai centre avec des joueurs prêtés aux alentours de Paris. Ça, ça n’existe pas en Hollande, et je crois que les entraîneurs néerlandais devraient en prendre de la graine. » Ce qui n’empêche pas Henk Spaan de poser une question : « Comment Antoine Griezmann a-t-il pu échapper à la France ? »

Une sélection trop rigide… et minée par des problèmes extrasportifs

Une nouvelle fois, Henk Spaan n’y va pas par quatre chemins : « Je crois que le problème de l’équipe de France actuelle, c’est la rigidité de Deschamps. On a l’impression que Pogba doit jouer exactement comme Deschamps le souhaite. Pogba n’a pas l’air d’aimer ça, il mérite un peu plus de liberté sur le terrain. » Youri Mulder pousse la réflexion un peu plus loin, considérant que cette austérité de l’équipe de France est le témoin d’une sélection qui refuse d’accepter ce qu’elle est : française. « Je trouve que cet état d’esprit ne reflète pas la mentalité française. Le Français aime sortir, profiter de la vie. Donc le style de l’équipe de France actuel ne sied pas à la France » , déroule l’ancien de Schalke 04. « Mais ça n’est pas très surprenant de la part de Didier Deschamps qui était comme ça sur le terrain. Il s’était passé la même chose avec Domenech aussi il y a quelques années, d’ailleurs. » Aussi défensive soit-elle, Peter Bosz admet scruter avec attention le niveau affichée par l’EDF. Avec, très souvent, des déconvenues : « J’espère toujours énormément de l’équipe de France parce qu’ils ont tellement de bons joueurs… Mais au final, c’est toujours décevant, notamment parce que l’attention est plus souvent portée sur l’extrasportif que le sportif. Regardez l’affaire Benzema avec tous ces politiciens qui disent qu’il ne doit plus être sélectionné en équipe de France… C’est n’importe quoi. » Toujours bon d’avoir un point de vue étranger pour prendre conscience de l’absurdité de son propre pays.

Le fantôme de Platini, Giresse, Tigana…

Plus que n’importe quelle autre équipe, plus que la génération championne du monde de Zidane et consorts, l’équipe victorieuse de l’Euro 1984 semble tenir le rôle d’image d’Épinal d’un football français dont il est très difficile de définir la « patte » . « Honnêtement, on ne se dit jamais : « Ouah, ça c’est la France qui joue ! » À la limite, on pouvait se le dire à l’époque de Michel Platini. Tigana courait pour les autres, faisait tout le travail défensif, et tu avais un vrai n°10 pour distribuer le jeu » , expose Erik Meijer. Même son de cloche du côté de Youri Mulder, qui reconnaît un avant et après Michel Hidalgo : « Je me rappelle un seul nom dans les années 70 : Jean-Michel Larqué. Mais ça s’arrête là. En revanche, les succès passés de Platini, Tigana, Giresse, Didier Six… Cette fameuse sélection a aidé à construire cette image d’équipe technique. D’une certaine manière, ils ont prolongé la façon de jouer très attractive des Néerlandais dans les années 70. Il y avait certaines similitudes. » Ceci étant, Peter Bosz pondère cette vérité qui veut que certaines sélections aient un style de jeu précis, au premier rang desquelles la sélection oranje : « Si on prend le Barça, n’importe où dans le monde, on « sait » comment l’équipe joue : il y a une patte, une marque de fabrique. Mais si on prend les Pays-Bas, on a eu letotaal voetbaldans les années 70 et un peu plus tard avec Van Gaal à l’Ajax, et indirectement en équipe nationale, dans les années 90. Mais entre ou après, je ne peux pas vraiment dire qu’il y ait un jeu à la hollandaise. » Après tout, on oublie souvent que l’équipe néerlandaise qui a été la plus proche de remporter une Coupe du monde, en 2010, est également celle qui a « renié » le jeu à la hollandaise.

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