L2 : ça se Corse…

11 mai 2002, Stade de France. A peine La Marseillaise est-elle entonnée que les sifflets fusent des tribunes. Les supporters corses, montés en masse soutenir Bastia, conspuent l’hymne français et manquent de provoquer en direct un ulcère au Président Chirac. La FFF s’excuse platement, la providence punit les Corses en offrant la Coupe de France à Lorient (1-0). Cet affront traduit en réalité le malaise qui touche le football insulaire. La liaison Corse-Métropole a toujours été perturbée.

Ce n’est qu’en 1959 que des équipes de l’île ont pu intégrer le championnat de foot amateur, plus tard que les formations de l’Algérie française ! Pendant des décennies, la ligue de Corse a été victime de restrictions difficilement justifiables, comme la limitation du nombre de clubs autorisés à jouer en Championnat. Mais pas de victimisation excessive : on ne compte plus le nombre de rencontres où l’hymne corse (Dio vi salvi Regina) a retenti pour emmerder les autorités.

Alors la Corse, une épine dans le pied du foot hexagonal ? Pas tant que les clubs de l’Ile de Beauté se montrent. Finale de Coupe de l’UEFA en 1978, Coupe de France 1981 pour Bastia. On ne compte plus les footballeurs à la réputation flatteuse passés par le club du nord de l’île (Roger Milla, Johnny Rep, Michael Essien, Christian Karembeu…). Ajaccio vit dans l’ombre du voisin mais connaît son petit moment de gloire en passant de la PH à la L1, de 1992 à 2002.

Mais la légendaire fierté corse prend un sérieux coup sur la tête avec la relégation de Bastia (2005), suivie de celle d’Ajaccio (2006). Les objectifs de remontée immédiate sont rapidement balayés devant la faiblesse des effectifs et des infrastructures. La saison dernière, Ajaccio se sauve sur le fil et termine 16e, Bastia finit 11e. En même temps, si on compare avec le jeu des deux clubs corses, celui proposé par Grenoble était chatoyant. C’est dire…

Magouilles et compagnies

Cette saison, Ajaccio et Bastia visent le maintien plus que la montée. Difficile de progresser quand l’instabilité devient devise. L’AC Ajaccio entre le premier dans la danse et fait valser trois entraîneurs l’an passé. A Bastia, Bernard Casoni est éjecté cet été, remplacé par un gars du crû, Philippe Anziani. Deuxième constante inquiétante : économiquement, la Corse craint. Malgré des résultats décevants ces dernières années, les budgets ont encore une fois été revus à la baisse (6,8 millions pour l’ACA et 8,5 millions pour le Sporting).

Il faut dire que les projets de rénovation des stades plombent aussi les possibilités de recrutement. Les stades François Coty (Ajaccio) et Armand Césari (Bastia) vont connaître un coup de lifting bien mérité. Les clubs sont donc obligés de faire confiance à leurs jeunes et multiplient les premiers contrats. Les quelques joueurs attirés par le challenge ne sont pas franchement des cadors, ni à Bastia (Arrache, Adenon…) ni à Ajaccio (Poulard, Deruda, Sabo…).

Meurtres et racisme

Enfin, la Corse, c’est aussi les sales affaires. Les supporters bastiais, rois de la tolérance, avaient ainsi proposé leur service sexuel à l’attaquant Boubacar Kébé en février 2008 ( « Kébé, on n’est pas raciste, la preuve on t’encule » ). Ajaccio préfère carrément traiter avec la justice. Après le suicide du président Michel Moretti, atteint d’un cancer, Alain Orsoni succède à son ami. Ce dernier est actuellement incarcéré, dans le cadre d’enquêtes sur une vague d’assassinats. Bref, un climat de sérénité.

Et la relève ? Les autres clubs corses végètent en CFA (GFCO Ajaccio, CA Bastia) ou en CFA2 (FCA Calvi). Pas de quoi pavoiser. Mais plutôt de s’inquiéter de voir la Corse, aujourd’hui la tête sous l’eau, définitivement couler.