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Kubala, Messi en sépia
Ça y est, c'est fait. En inscrivant un doublé face à Borisov, Lionel Messi a récemment égalé la marque de Kubala, deuxième meilleur buteur de l'histoire du Barça et légende catalane. Un homme pour lequel on a érigé le Camp Nou.
N’avoir pas disputé de Coupe du Monde et ne pas avoir tiré par les oreilles la Coupe des champions n’aide pas à entrer dans la légende dorée du football. Surtout quand on a évolué à une époque où le téléviseur était aussi rare qu’une parcelle de finesse chez David Douillet. Ceux qui ont vu le prodige en piste lors de sa décennie passée en blaugrana (1951-1961) partagent cependant tous les mêmes souvenirs émerveillés, et en tirent la même conclusion, le plaçant aux côtés des plus grands de l’histoire catalane : Cruyff, Maradona, Ronaldinho, Romario, ou Messi. Quand ils ne lui font pas occuper la cime du classement. A sa mort en 2002, Luis Suarez considéra ainsi Laszlo Kubala comme « le joueur le plus important de l’histoire du FC Barcelone » . Le Ballon d’Or 1960 ajoutait : « Il a révolutionné le foot espagnol en important des choses inédites. »
Huit blessures au genou
Dès ses premiers pas en Catalogne, le talent du Hongrois d’origine tchécoslovaque ébahit. Tout Barcelone se presse au stade pour admirer les prouesses techniques de Kubala, ses coups-francs parfaitement enroulés au-dessus du mur – une nouveauté -, et autres tours de passe-passe. La demande devient si forte que le projet d’une nouvelle enceinte surgit. Une enceinte à la mesure du talent de l’ami d’enfance de Puskas : le Camp Nou. Avant l’ouverture de l’autre cathédrale de la capitale catalane, en 1957, Kubala était déjà l’étoile de ce Barcelone historique qui rafla cinq trophées entre 1951 et 1953 : deux Ligas et trois Coupes d’Espagne. Son Messie. Le Real avait Di Stefano, le Barça, Kubala.
Plus tard, avec Luis Suarez comme complice sur le front de l’attaque, le Magyar met fin au règne du Real Madrid sur le continent : en 1961, le Barça, qui venait d’accrocher deux Coupes des Villes de foires (1958, 1960) et bavait devant la Coupe aux grandes oreilles, élimine son grand ennemi, quintuple tenant du titre, mais échoue au stade ultime devant le Benfica. Malgré huit blessures au genou, dont le robuste intérieur droit se remet à chaque fois en prenant de vitesse ses médecins comme les défenseurs sur les pelouses, Kubala se montre aussi constant que brillant pendant sa décennie barcelonaise, en témoignent ses 194 buts inscrits en 256 matches. Une longévité dans l’excellence pas étrangère à Lionel Messi.
Il échappe à la catastrophe du Superga
Aux médecins catalans, les supporters blaugranas du XXIe siècle doivent le privilège d’admirer “la Pulga”. Leurs ancêtres peuvent remercier la FIFA pour avoir grandi avec Kubala. Parti en Tchécoslovaquie, le pays de son père, pendant la Deuxième Guerre mondiale, l’intérieur droit – plus ou moins la position occupée par Messi – retourne sur la terre qui l’a vu naître en 1948, au moment où les Soviétiques serrent la vis à Budapest. Dès l’année suivante, Kubala se réfugie en Autriche, et quitte son club de Vasas sans préavis, contrevenant au règlement FIFA.
Comme son compatriote et conscrit Ferenc Puskas le vivra quelques années plus tard, le génie du Hongrois se trouve alors neutralisé par le grand ordonnateur de la planète foot. Le Torino se montre malgré tout intéressé, mais la FIFA veille au grain. Kubala sera retenu à terre au moment de s’envoler pour disputer un amical face au Benfica Lisbonne. Surtout, il ne s’écrasera pas avec le reste de l’équipe, au retour. Il vient d’échapper à la catastrophe du Superga qui mit brutalement fin à la domination du Grande Torino dans la Botte.
Viva Hungaria
Pour esquiver son statut de paria, Kubala monte avec quelques compatriotes réfugiés l’équipe Hungaria. Lors d’une tournée en Espagne, le Barça met le grappin sur la perle magyare et parvient à mettre un terme à sa suspension. International tchécoslovaque, puis hongrois à son retour au pays, Kubala finit par endosser le maillot espagnol avec lequel il accumulera 19 sélections pour 11 buts. L’attaquant aux trois patries émerveillera le Camp Nou jusqu’à ses 34 ans. De quoi inspirer Joan Manuel Serrat qui dédia une chanson au Hongrois.
Pour les barcelonophiles, les deux ans de magie non-stop offerts par Ronaldinho pèsent léger devant un tel mythe, comme le passage express de Maradona, ou le palmarès du joueur Cruyff – seulement deux titres en blaugrana – malgré toute l’influence qu’aura le Hollandais sur le futur du Barça. Seul Messi, son palmarès, sa responsabilité évidente dans le règne hégémonique des Catalans, peuvent finalement rivaliser avec Kubala. Avant de le dépasser…
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