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Clément Bresson : « Il y a autant d’artistes au foot qu’au théâtre »

Propos recueillis par Clément Gavard, à Paris
18 minutes

Du 26 novembre au 14 décembre, le pensionnaire de la Comédie-Française Clément Bresson joue un seul en scène très personnel, Pour en finir avec le football. Le comédien de 44 ans passé par le Stade de Reims chez les jeunes parle de son rapport passionné au ballon, de ses rêves brisés et du foot comme un art à part entière. Entretien avec des gestes techniques.

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Un mercredi soir, dans la galerie du Carrousel du Louvre. Il y a pire comme endroit pour se mettre à nu et se présenter seul sur scène pour un spectacle qui ressemble à une thérapie. Dans son singulis Pour en finir avec le football, le pensionnaire de la Comédie-Française Clément Bresson marie ses deux terrains de jeu préférés, le foot et le théâtre. L’histoire de Paul-Émile Clément, qui rêve d’une vie de ballon rond et de devenir joueur professionnel, c’est en grande partie la sienne. Comment ne pas se faire bouffer par une passion devenue obsessionnelle ? C’est une des nombreuses questions à laquelle il a tenté de répondre pendant près de deux heures d’entretien, dans sa loge de la Comédie-Française où on trouve un matelas, un ballon de foot et plein d’autres bricoles. Dans les couloirs, on entend se jouer Une mouette, l’adaptation de l’œuvre de Tchekhov, mais le comédien de 44 ans, toujours plein d’adrénaline et un peu essoufflé, ne s’arrête pas de parler. Quand on le quitte dans un Paris presque silencieux, on est déjà jeudi.


Qu’est-ce qui est beau dans le foot ? 

Parfois, les manières de décrire un joueur, quand tu trouves les bons mots, c’est merveilleux. Un gars qui parle très bien de Zidane, c’est dans Chant furieux (le livre de Philippe Bordas, NDLR), où une personne doit expliquer à son pote devenu aveugle comment joue Zidane. Ce n’est pas si fréquent. Il y a ce qui est beau et ce qui est dur. Beaucoup de choses sont faciles dans le foot, j’avais envie d’en parler dans mon spectacle. Quand tu vois un joueur faire un retourné, tu crois vraiment que c’est ça qui est le plus dur ? Non, ce n’est pas ça !

C’est quoi qui est dur, alors ? 

Ce qui est dur, c’est le contrôle de Zidane dont on parlait tout à l’heure (contre la Norvège en 1998, NDLR), celui de Bergkamp. C’est voir vite, jouer vite, avoir compris avant les autres. J’allais rarement au stade, et mon ex-femme m’a invité au Camp Nou pour mes 30 ans pour voir le Barça. Quand j’ai vu Iniesta… À chaque fois, je me disais : « D’où tu as vu que tu pouvais faire ça ? » C’est ça qui me fascinait, même si j’ai appris plus tard à aimer l’intelligence de jeu.

Dans ton spectacle, il y a une séquence centrée sur le tour du monde. C’est un geste technique qui te parle ? 

Le tour du monde, c’est une vraie connerie. Je cherchais un geste suffisamment simple à imager dans mon texte. C’était important d’avoir un geste poétique par rapport à tout ce que je raconte sur la bible, la création du foot et du monde. Le tour du monde, ça ne m’a jamais fasciné. Les doubles contacts, c’est une sensation qui me fascine. Des gestes que je ne saurais plus faire… (Il se met à tenter d’en reproduire avec son ballon.) J’aimais bien inventer. Quand tu penses avoir inventé un geste que tu n’as jamais vu, t’es trop content… (Il se relance dans des descriptions et des essais de mouvements.) Tu peux créer avec presque rien, dans le foot. C’est aussi ce que j’ai essayé de faire dans mon spectacle : on a trois perruques à 10 balles alors que je suis à la Comédie-Française où on a des perruques trop belles à 2 000 euros. Montrer les ficelles, ça me plaît.

Il n’y avait pas grand-chose que je demandais d’autre à Dieu que de mieux jouer au foot.

Clément Bresson

Quand on est gamin, on essaie surtout de reproduire les gestes qu’on voit en vidéo. Toi, tu voulais juste inventer ? 

J’avais un peu ce truc-là aussi, bien sûr. Au début, je n’étais pas très technique, c’est à force de jouer avec des gars du quartier. On se faisait des tricots, le but c’était de mettre des petits ponts, avec le frère de Ludovic Butelle. Il avait une technique de fou, il avait failli être pris à Auxerre, mais ses parents n’avaient pas voulu. La tension que ça créait, ce jeu, c’était un exercice génial pour gagner en technique. C’est là que tu commences à vouloir inventer pour avoir cette sensation d’entendre les gens autour hurler « wow, quoi, quoi, quoi ? » J’aimais bien me mettre avec mon ballon à un endroit où les bus passaient pour que les gens à l’intérieur me voient. J’avais déjà ce côté exhibitionniste et surtout je trouvais ça beau. Plein de gens pensent que le foot, c’est juste des cons qui tapent dans un ballon, mais je vous assure qu’en voyant certains gestes, on peut se dire : « Waouh, c’est beau. »

On sent que pour toi, le foot, c’est surtout le rapport du corps avec le ballon plus que tout le reste. C’est comme ça que tu le ressens ? 

Ah ouais, cette chose sans fin. Quand Zidane fait son contrôle, ce n’est pas réfléchi, c’est le corps qui s’adapte à ce qui est nécessaire en inventant un geste. Ça me rend taré. J’ai pas mal tripé sur le foot, j’y ai beaucoup pensé. (Il se marre.) Comme j’étais dans une famille où ça parlait beaucoup de politique à table, je passais mon temps à m’imaginer des trucs sur le foot. Je n’écoutais rien de ce qui se disait. Quand je n’ai pas eu le sport-études, je suis devenu complètement obsessionnel. J’étais toujours avec ma balle, j’arrivais en sueur dans la classe au lycée, j’en avais rien à foutre. Les années de 1re et de terminale, je me levais à 6 heures du mat’ pour aller courir en me disant que si j’avais le physique, la technique suivrait…

 

À quel point ce seul en scène et l’histoire de ton personnage Paul-Émile Clément, qui rêve de devenir joueur de foot pro et qui doit abandonner, est la tienne ? 

80% ! (Il boit un coup d’eau.) Je voulais créer un paysage, donc autant prendre le mien. J’avais aussi très envie de parler des cultures, c’est un spectacle assez bourdieusien. Je n’aime pas le côté qui voudrait dire : « Attention, il y a la Comédie-Française qui vient dans votre lycée, on vous apporte la culture ! » Comme s’il n’y avait pas de culture là où on allait, comme si le foot et la musique populaire qu’on peut trouver merdique n’étaient pas une culture. Je voulais aussi parler des religions. Je le raconte de manière plus ludique, mais c’est vrai que ma mère me faisait manger du porc en douce parce que je voulais arrêter pour être meilleur au foot. Il n’y avait pas grand-chose que je demandais d’autre à Dieu que de mieux jouer au foot. Tout ça m’a permis de retraverser ces histoires avec mes parents.

Ton rêve de foot se heurtait souvent à tes parents ? 

Ils ne cherchaient pas trop à comprendre ce qui était beau, difficile, ce n’était pas trop leur truc. Après mon année avec les U17 nationaux du Stade de Reims, je leur ai dit que si j’avais mon bac, j’arrêterais les études pendant deux ans pour ne faire que ça. Dans ma tête, j’avais deux ans pour devenir très bon et savoir si ça pouvait le faire, surtout qu’à cet âge-là, les meilleurs sont déjà quasiment en haut. Ils n’étaient pas chauds, mais à un moment, c’est soit tu te frites avec ton fils, soit… Bah ok, donc je me suis entraîné comme un couillon tous les jours, à défoncer mon corps. J’ai eu des élongations, des tendinites à répétition, le médecin me disait d’arrêter et je reprenais trop tôt… Tu ne peux pas infliger ça à ton corps.

Tu racontes avoir joué contre Lionel Mathis, Djibril Cissé et d’autres. T’en gardes quels souvenirs ?

En U17 nationaux, on avait affronté Auxerre, Strasbourg, Nancy, où il y avait le petit frère Hadji. Auxerre, ils étaient injouables. La vérité, c’est que Cissé n’avait pas joué, il était là au cas où ils avaient besoin de lui. Il y avait Mexès et un Kévin (Lejeune, NDJR) derrière qui m’avait pris au marquage, j’avais eu l’impression de ne pas toucher un ballon. Guy Roux était venu avec eux jusqu’à Reims, une copine présente au bord du terrain m’avait raconté qu’il avait dit : « Pas mal, le numéro 9. » Je ne l’ai pas cru pendant dix ans, donc j’ai réhabilité cette histoire. (Rires.) 

J’avais mis un petit pont à Mexès, mais la vérité, c’est que je ne l’avais pas fait exprès.

Clément Bresson

Qui sont les joueurs qui ont pu t’impressionner ? 

Ils avaient un petit devant qui a fait une petite carrière à Auxerre, Pedro Kamata. Il est parti à Bari, où j’ai aussi vécu d’ailleurs. Lui, il faisait des triples contacts tellement méchants. Tu crois qu’il va partir par là, en fait il va ici, en se penchant, un peu comme Garrincha. Parfois, Mexès disait : « Taf, taf ». Pour moi, ça voulait dire : fais ce que tu veux, on est prêts à récupérer la balle si besoin. Il dribblait trois, quatre joueurs, puis il revenait en arrière. Tu partais forcément dans le vent. C’était un taré techniquement, ce Kamata. Il y avait aussi ce Kévin, le numéro 4 de l’équipe de France, il m’avait dit que je l’avais bien fait galoper. J’avais aussi mis un petit pont à Mexès, mais la vérité, c’est que je ne l’avais pas fait exprès. (Rires.) C’est resté comme mon fait de gloire.

Qu’est-ce qui t’animait dans le fait d’être footballeur de haut niveau ? On n’a pas l’impression que c’était l’argent ou la célébrité. 

Je voulais juste jouer au foot toute la journée. Je disais à ma mère que je pensais pouvoir être en D3 ou D4. Tu y gagnes ta vie à peu près, faiblement, mais tu peux. Ce n’était pas être la star ou gagner de la thune. Je suis fils de profs, ça n’a jamais été au centre de mes réflexions.

Les stades, ça ne t’a jamais fait rêver ? 

On a joué dans le stade de Sedan et même à Bollaert en U15 nationaux. On était comme des fous, alors qu’il y avait 40 personnes dans le public. Le lien que je peux faire entre un stade et une scène, c’est qu’on est dans un endroit où on sent qu’on est tous encore des animaux, mais dans le bon sens du terme. Quand il se passe quelque chose d’inhabituel au théâtre, un trou dans le texte ou autre, il se crée quelque chose que j’adore dans la salle. Au foot, c’est pareil quand un geste ou un moment inattendu surprend le public. Avant même que le « wow » collectif soit exprimé, il y a un silence qui nous ramène à la surprise animale. C’est ce que j’aime, ce que je cherche. Jouer devant des gens importants, ça m’a toujours excité. Encore aujourd’hui, j’ai très envie qu’Éric Cantona vienne voir le spectacle, je vais essayer de le contacter.

J’avais la cassette Cantona l’artiste. Si je la repasse, je peux retrouver 80% du dialogue, j’ai dû la voir 600 fois.

Clément Bresson

Ce n’est pas quelque chose qui peut te tétaniser, de savoir que quelqu’un d’important est là pour te voir ? 

C’est arrivé une fois avec le metteur en scène Roger Vontobel, un Allemand avec lequel je rêvais de bosser. Je le trouvais dément. Il est venu me voir dans Dom Juan, un rôle où je n’avais pas foiré une représentation, sauf celle-là. Je me regardais jouer, je voulais voir ce qu’il voyait. Bon, il m’a quand même pris pour le rôle principal, mais c’est un peu pareil avec le foot : j’ai des souvenirs comme ça, quand tu essaies de te voir jouer, tu fais de la merde. Tu n’es plus libre dans ton jeu.

Et donc, Cantona… 

(Il coupe.) Cantona, il m’a déjà glacé. On était devant la cour d’honneur du Palais des papes (à Avignon), sa femme devait jouer, tout le monde allait lui serrer la main… Qu’est-ce que j’en avais à foutre d’aller lui serrer la main, moi ? Ce n’est pas un roi thaumaturge, il ne va pas me guérir. Mais il m’impressionnait. J’avais le poster de Planète Foot en taille réelle dans ma chambre, j’avais la cassette Cantona l’artiste. Si je la repasse, je peux retrouver 80% du dialogue, j’ai dû la voir 600 fois. (Il se lance dans une imitation de la voix off.) « Éric n’a pas vu Stéphane Paille, il l’a juste senti, ce qui est largement suffisant. » Il y avait quelque chose au-delà du foot qui m’attirait. Quand tu préfères Cantona à Papin en tant qu’attaquant, ça raconte quelque chose, c’était peut-être une entrée vers le théâtre. C’était un humain, qui cherchait à être avec sa vérité. Et ça me touchait. Même son film, Looking For Eric. (Il souffle.) C’est mythique. Je pense que dans mon spectacle, j’essaie de faire quelque chose dans cette veine. Ou quand il part de Mickey Rourke pour traiter Henri Michel de « sac à merde ». Il faisait partie de ma vie quand même, Cantona.

 

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Qui sont les autres joueurs chez qui tu as pu retrouver ce côté théâtral ? 

Waddle, un peu. (Il mange des petits biscuits.) Ronaldinho, d’une manière très différente. Il avait besoin d’avoir le smile pour bien jouer. Le match contre la France en 2006, c’était même terrible, je le voyais essayer de sourire pour reprendre confiance, ça me faisait de la peine de le voir ne pas réussir à s’amuser. Lui, c’était un artiste. Neymar, j’ai aussi un attachement, je trouve qu’il y a eu une grande injustice avec lui. Il n’a pas été assez protégé. En France, on s’est mis à penser que c’était normal qu’il soit puni. On aurait pu le kiffer pendant encore des années… J’entendais Rothen et d’autres mettre dans la tête des gens que c’était légitime de le casser.

Tu vois beaucoup le foot par le prisme de l’attaque, mais est-ce qu’un défenseur peut être beau dans ton esprit ? 

Je vois ce que tu veux dire. Roberto Carlos, Marcelo, Hakimi et Mendes au PSG aujourd’hui… Il y en a des bons. Je pense que je me suis laissé convaincre que Maldini, c’était beau. Van Dijk, il a ça aussi. Varane ! Je le trouvais très subtil, très propre. Je n’ai jamais aimé les défenseurs méchants. Un jour, le coach me fait jouer 6 avec la consigne de prendre le 10 de Strasbourg, on avait fait 0-0. Je me suis dit : « Putain, je l’ai eu ! » Comme quoi…

Et aujourd’hui, quels joueurs te font rêver ? 

Le PSG ces derniers temps, c’était bien. Vitinha, ça fait un moment qu’il me fait rêver. Yamal… Cristiano Ronaldo ne m’a jamais trop fait rêver, le Fenomeno oui, c’était fou. Mbappé c’est pareil, il y a un côté machine, même si je l’admire beaucoup pour sa manière de savoir se positionner sur des sujets et son mental. Dans son jeu, il y a quelque chose d’un peu trop musclé. Il y a Olise ! Tu ne sais pas ce qu’il va faire, il a une souplesse un peu zidanesque.

Quand je ne regarde pas de foot, je ne le regrette plus aujourd’hui.

Clément Bresson, presque sevré

Tu racontais avant cette interview avoir fait plusieurs sevrages de foot. Est-ce que c’est essentiel pour continuer à apprécier ce jeu ? 

J’avais arrêté pendant longtemps, puis je m’y suis remis avec le Barça de Messi. Là, j’avais envie de voir tous leurs matchs. Je jouais au théâtre et j’avais envie d’aller les voir au bar, je trouvais ça magnifique. Parfois, je passais trois heures par jour sur des sites, à tout lire, à regarder les infos mercato. Je me disais : « Putain mec, tu perds ta vie ! » C’est aussi ça qui m’a poussé à me dire qu’il fallait que j’en sorte. J’aime lire, j’aime me dire que c’est trop bien écrit en lisant un auteur. Je me dis aussi que j’aimerais bien avoir dix ans où je m’intéresse vraiment au cinéma, regarder tous les plus grands films. Si je me fixais ce défi de ne pas regarder de match pour les remplacer par des films, ce serait assez dément. Quand je ne regarde pas de foot, je ne le regrette plus aujourd’hui, même si t’es parfois content d’avoir été devant un grand match.

Dans ton spectacle, tu parodies aussi l’entraîneur avec le cliché beauf. Est-ce que les coachs t’intéressent ? 

Je suis de la génération Les Yeux dans les Bleus, Aimé Jacquet. J’ai un amour du discours. J’ai un bouquin ici avec les plus grands discours de l’histoire avec Obama, Veil contre l’avortement, Catilina, etc.

Pour rester dans le foot, celui de Pascal Dupraz, par exemple, tu le connais ? 

Ah, je ne connais pas, c’est quoi ? Je vais me le faire ce soir ! Celle de Jacquet, je la reprends vaguement dans le spectacle : « Vous avez peur de quoi, vous avez peur des mots ? » C’est comme un bon metteur en scène, savoir ce que l’autre a besoin d’entendre. Comment titiller l’orgueil, comment rassurer, etc. Cette science, c’est fascinant. Je voulais aussi aller dans le cliché pour me faire plaisir avec ce genre d’entraîneur con-con, rigoler avec ça.

Les politiques ou les entraîneurs étaient-ils plus forts avant pour faire des discours puissants ? 

Mélenchon a failli ramener ça, quand il parle des dieux grecs avec de l’emphase, de la poésie. Obama m’a foutu les poils au moins dix fois, c’est énorme dix fois. Quand j’étais jeune, Villepin m’avait séduit en parlant d’art. En vrai, j’aimerais quand même vachement voir le discours de Simone Veil contre l’avortement au théâtre.

 

Dans ton spectacle, tu as un gimmick sur tout ce qui est de droite. Le foot, c’est de droite ? 

Un peu les deux. Je ne vais pas me faire des potes, mais je crois que le supportariat c’est un peu de droite. C’est ma vision, ça dépend aussi comment tu le vis. Je suis toujours un peu gêné dans les stades quand ça siffle ou insulte. Il vaut mieux inventer un chant marrant pour déstabiliser. Je supportais plus ou moins Monaco plus jeune pour une raison absurde, c’était la première équipe que j’avais terminée sur Panini. On m’a emmené au stade pour mes 13 ans, un Monaco-Toulouse, et à un moment, ils chantent : « Toulousains, assassins ! » Je commençais à faire pareil et j’étais avec une famille toulousaine. Je me dis qu’en vrai, c’est complètement con de dire ça. Maintenant que je vis à Saint-Ouen, je vais parfois au Red Star, j’aime bien l’ambiance. (Il reprend un chant.) La première fois que j’y suis allé, le kop n’était pas là, et les joueurs n’y arrivaient pas. Je me suis mis à crier pour encourager l’attaquant avec 2-3 mecs, j’ai eu l’impression d’avoir changé la physionomie du match. (Il se marre.) Je suis en train de créer un contact avec les jeunes du Red Star, ils sont 25 à être venus voir le spectacle. J’ai envie de créer un pont et de continuer en les emmenant voir d’autres trucs, ce serait mon kif.

Faire ce spectacle à la Comédie-Française, ça permet aussi de montrer que le foot est une forme d’art. On sent que c’est quelque chose d’important pour toi. 

J’ai failli appeler mon spectacle L’enfant qui voulait prouver au monde que le foot est un art, mais c’était trop vendre la peau de l’ours, et je ne voulais pas que ce soit pris au premier degré. J’aime bien me dire qu’il y a un art de tout, c’est ça que j’avais envie de défendre. Il y a autant d’artistes au foot qu’au théâtre ou dans d’autres disciplines. Il y a un art d’ouvrir une bouteille de vin, sûrement. Un art de faire le service ou d’ouvrir une porte. L’art, c’est le temps que tu y passes, c’est la technique.

Est-ce qu’on se sent plus seul sur un terrain en équipe ou sur scène en solo ? 

Au foot, j’étais devenu très, très seul. Je me suis enfermé, je le raconte avec des alexandrins au milieu du spectacle : « Ton fidèle compagnon, il t’a banni du monde, il te suivra partout et jusque dans la tombe. » C’est toi et ton ballon, il n’y a plus que ça qui compte. Faire ce spectacle, ça me rouvre. Il y a un moment où le foot m’a rendu taré. Je me pourrissais dès que je ratais un une-deux. Il faut se vouloir du bien, à un moment.

La cicatrice de ne pas avoir pu devenir joueur pro, elle est toujours ouverte ? 

Ce spectacle me soigne, même pour le théâtre. En l’écrivant, j’ai senti que ça réglait un problème. Je pense que j’ai compris qu’il n’y aura pas de deuil du foot, ce sera toujours là. C’est un peu fou, ce sentiment d’attirance/répulsion. Quand il y a un ballon pendant les répétitions, c’est impossible pour moi de me concentrer. C’est taré. J’essaie de remplacer le foot par le théâtre, mais c’est un deuxième mariage. Je commence pourtant à trouver pas mal de choses où je me dis que je n’ai pas de quoi regretter le foot. Le théâtre, c’est tellement riche. Je pourrais pleurer en racontant ça, il faut faire gaffe. (Rires.) Il y a beaucoup de choses qui ont changé pour moi avec ce spectacle. Rien que le rapport au salut à la fin, ça me mettait mal à l’aise. Et là, c’est juste moi, voilà, je voulais vous parler de ça. Je n’avais jamais autant senti que je jouais pour les gens. J’ai envie de garder ça.

Le Parc des Princes, au centre du jeu politique

Propos recueillis par Clément Gavard, à Paris

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