Ibis Sport Club : La loose attitude
Nous sommes en l'an 2008 après Jésus-Christ ; toute la planète foot est envahie par le foot-business, la culture de la gagne, les arbitres coupables et les supporters saccageant les centres d'entraînement après chaque série de défaites... Toute ? Non ! Car un club peuplé d'irréductibles losers résiste encore et toujours à la victoire. Le plus mauvais club au monde. L'Ibis Sport Club fête ce 15 novembre ses 70 ans de défaites.
La résistance a débuté un après-midi de novembre 1938. Joao Pessoa de Queiroz, fier propriétaire de la Compagnie de la soie et du coton de l’Etat du Pernambouc, situé au Nord-est du Brésil, a l’idée de faire jouer des matchs de foot à ses employés pour qu’ils passent leur temps libre sur le terrain plutôt qu’à penser révolution. L’Ibis Sport Club est né. Le club ne trouvera son nom définitif qu’un peu plus tard grâce à son nouveau président, Onildo Ramos, un mec passionné par la mythologie égyptienne ( « Ibis » ) et aux aspirations aristocratiques ( « Sport Club » ).
C’est également sous sa présidence que le club vivra ses plus grandes heures de gloire. Gloire acquise au fin fond du classement de deuxième division du championnat régional, division qu’il n’a, bien sûr, jamais quittée. Et pour cause, en 70 ans d’existence, l’Ibis Sport Club a encaissé 3550 buts pour ne trouver le chemin des filets que… 62 fois.
Heureusement, cette équipe, même pas capable de marquer un but par an, peut compter sur de fidèles supporters qui se réjouissent toujours un peu plus de ses défaites. Autant dire que les hinchas locaux atteignirent l’extase lors de la terrible saison 1980. L’équipe perd alors 23 matchs successifs, encaissant en moyenne entre 8 et 10 buts par partie. Au total, entre juillet 1980 et juin 1984, l’Ibis Sport Club réussit à perdre 48 fois et faire 6 matchs nuls en 54 parties. Cette performance lui permet de conquérir un titre, le seul de son palmarès, celui de pire club au monde. En 2001, Pinheiro Caldas, alors président, exige (et obtient) l’inscription de son club dans le Guiness Book des records.
Une récompense qui ravit l’idole des supporters, le bien nommé Mauro Shampoo (1), incarnation vivante de l’esprit Ibis, qui combine les carrières de footballeur et de coiffeur. En 10 saisons dédiées au club, le Eric Mouloungui local n’a inscrit qu’un but. Inévitablement, l’Ibis a perdu ce match 8-1 face à la modeste équipe du Ferrovario.
L’Ibis Sport Club a également permis à Dario, buteur du Sport de Recife, de connaître le bonheur de marquer 11 buts en 90 minutes. C’était en 1978 et en quatre confrontations, Recife marqua rien de moins que 44 fois.
Malheureusement, ce romantique repère de loosers va renouer avec les valeurs de la société capitaliste, sa compétitivité et sa recherche de profit.
Le président du club Ozir Ramos Junior se sert de ce glorieux titre comme d’un vulgaire instrument marketing. Ce Jean-Michel Aulas local propose les services de son équipe pour redonner confiance à ses adversaires mal placés, et profite de la notoriété de son club pour lancer la marque Ibis de vêtements sportifs (2).
Pour ses 70 ans, le club a également décidé de rompre avec son glorieux passé et affiche un ambitieux plan quiquénal digne d’Hoffenheim : un centre d’entraînement avant la fin de 2009, 20 000 socios en 2010 et surtout atteindre la première division régionale en 2010, puis la Serie C brésilienne en 2012 et enfin la Serie B en 2014. Le culte de la victoire aura enfin raison de ces irréductibles.
Antoine Courmont
1 – Mauro Shampoo est une telle star qu’un court-métrage a été réalisé sur sa grande carrière et son amour pour l’Ibis Sport Club.
2 – Naturellement, des fringues « de mauvaise qualité » comme le vante le slogan.
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