Guy Roux, gros bonnet du sarkozisme ?
Récupéré par Nicolas Sarkozy, à moins que ce ne soit l'inverse, Guy Roux est reçu aujourd'hui par Roselyne Bachelot dans le cadre d'une affaire qui irrite de plus en plus le monde du foot hexagonal. Et dans le fond, c'est qui qu'a raison, bon Dieu de nouille ?
Guy Roux est un habitué de la retape. On se souvient de Cristalline, de Citroën, de Playstation, de Bouygues, d’un désherbant quelconque, d’assurances vie, et sans doute de quelques publicités locales mais on n’était pas là pour voir. Bref, le bon Guy a toujours su jouer sur ses « atouts » commerciaux –l’avarice, le paternalisme outrancier, etc.
Aujourd’hui, Guy Roux fait de la pub pour Nicolas Sarkozy, en sortant de son bonnet sa dernière carte, la vermeille. Guy Roux est tout vieux mais Guy Roux veut bosser. Il fait partie de cette France qui se lève tôt et entend bien travailler plus pour gagner plus. Un slogan vivant, Guy Roux. En bon renard des surfaces, Nicolas Sarkozy ne pouvait laisser filer pareille occasion lui qui, toute sa campagne durant, n’aura jamais hésité à faire la promotion des vieux. Sur la place de la Concorde, pour le grand soir, n’étaient-ce pas Jeane Manson, Enrico Macias et Mireille Matthieu qui avaient mené le karaoké ?
Nicolas Sarkozy est donc monté publiquement au créneau, de même que Christine Lagarde (et Michard), ministre de l’économie, des finances et de l’emploi. Le nouvel entraîneur de Lens serait donc une affaire d’état. Un bon coup de pub pour le gouvernement, en tout cas. Et qui marche avec ça : L’Equipe s’est pâmée sans ironie sur l’hyper-président, et ses hypers-pouvoirs dans un publi-communiqué qui nous rappelle que qui ne marche pas droit finira l’arme à gauche. Question : Nicolas Sarkozy et ses sarkozettes vont-ils recevoir tous les vieux qui veulent bosser et sont priés de ficher le camp ? Deuxième question : n’a-t-il donc rien d’autre à foutre, Nico, pour ainsi se préoccuper de « l’affaire » Guy Roux ?
Cet après-midi, c’est au tour de Roselyne Bachelot de recevoir le bon Guy. Comme l’écrit Christian Frichet dans l’Est Républicain, « on ne sait pas si c’est la ministre de la Santé ou celle des Sports qui s’entretiendra avec Roux. Pas celle de la Jeunesse, en tout cas » . On imagine que, dans la foulée, Borloo (développement durable), Xavier Bertrand (travail, relations sociales, solidarité) et Alain Marleix (anciens combattants) vont se presser pour inviter Guy Roux à venir tailler bavette entre un enregistrement pour Europe 1 et une intervention calibrée pour la convention collective des producteurs de porc ou autre « ménage » du genre.
Finalement, on ne sait plus très bien qui manipule qui : est-ce Guy Roux qui profite de l’opportunisme sans vergogne d’un gouvernement tout en com’ pour faire entendre sa cause ? Ou bien Sarkozy et ses petits potes qui profitent de l’aubaine et d’un Guy Roux toujours plus à droite (comme son fidèle ami Soisson) pour étayer leur programme ?
Toujours est-il que le milieu du foot, lui, commence à s’agacer du cirque médiatique autour de l’ancien père la vertu de l’AJA. Joël Muller, président de l’UNECATEF, déplore « un événement consternant sur le plan de l’éthique. Lui (Guy Roux) qui a toujours été à cheval sur les principes et les règles de notre métier agit à l’encontre de nos principes » , tandis que Philippe Piat accuse Guy Roux d’avoir été « un maquignon, un marchand de viande, [qui] a contrarié toutes les règles de droit du travail, et [qui] aujourd’hui dit : ‘C’est parce que je suis blanc comme neige et que je ne veux pas de prête-nom’. Mais il se f… de la g… des gens ! C’est inimaginable » .
Et pourtant, Guy Roux, sur le fond, a raison. D’une part le texte issu de la charte du football professionnel mis en avant par Muller and co vise à réglementer l’âge des entraîneurs pour lutter contre les prête-noms ; ironie de l’histoire, ce sont les mêmes qui défendent ce texte qui conseillent à Guy Roux d’en prendre un, de prête-nom… D’autre part, si l’on se réfère seulement au droit, Guy Roux peut travailler. Or, il serait de bon ton que le football cesse de s’émanciper du droit commun et de vivre en marge de la société civile ; on aurait sans doute un peu moins l’impression d’un microcosme corrompu et vicié jusqu’à la moelle.
Que Guy Roux ait agit comme un enculé notoire auparavant ou qu’il fut un coach de génie ne devrait tout simplement pas entrer en ligne de compte. Que Guy Roux ait été à la tête de l’Unecatef un temps, qu’il ait même fait appliquer cette charte obsolète, qu’il se soit positionné de manière discriminatoire contre l’arrivée des entraîneurs étrangers sans diplôme en France, tout cela ne devrait apparaître ni au passif, ni à l’actif, du nouvel entraîneur lensois. Pour cela, il faudrait sans doute que le monde du foot sache garder la tête froide et faire preuve de la distance nécessaire pour juger une situation beaucoup plus simple qu’elle n’y paraît. Une situation qui ne nécessitait, en tout cas, aucunement l’intervention de l’armée gouvernementale.
Par Giovanni Seri
Par