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Gênes est sous les eaux
En Italie, le Genoa réalise un début de saison catastrophique. Le club génois est actuellement avant-dernier, a concédé dix défaites en seize journées, et a déjà connu deux entraîneurs. Mais que se passe-t-il donc, au Royaume de Ligurie ?
Enrico Preziosi avait pourtant promis. Plus jamais son Genoa ne revivrait l’enfer connu la saison dernière. Quelque part, il a tenu sa promesse. Car le Genoa est en train de vivre une situation encore pire que celle de l’an dernier. L’équipe génoise est aujourd’hui avant-dernière du classement, avec des statistiques à pleurer : trois points pris lors des neuf dernières journées. Une victoire et huit défaites. Mais pas seulement des défaites contre des cadors, hein. Le Genoa a été battu par Sienne, le Chievo et Pescara. Et encore, l’avant-dernière position est presque un leurre. De fait, Sienne, la lanterne rouge, compte sur son dos une pénalité de six points. Sans celle-ci, le club toscan aurait 17 points, et serait donc treizième, peinard. Et qui serait bon dernier ? Le Genoa. 12 points en 16 journées. Jamais le club n’avait connu un début de saison aussi catastrophique. On peut même étendre ces statistiques sur l’ensemble de l’année 2012. Du 1er janvier à aujourd’hui, l’équipe de Preziosi a récolté la bagatelle de 33 points. Personne, en Serie A, n’a fait pire. Même pas les équipes reléguées en fin de saison dernière. Comment a-t-on pu en arriver là, alors qu’il y a quelques années, l’équipe se battait encore pour se qualifier pour la Ligue des champions ?
L’enterrement de la Samp et la malédiction
Le Genoa fait son retour en Serie A lors de l’été 2007, en même temps que la Juventus et le Napoli. Le retour d’un club historique, censé marquer le véritable renouveau du club. Et le Griffon ne tarde pas à se refaire une place de choix dans le panorama italien. Lors de sa première saison parmi l’élite, l’équipe termine à une honorable dixième place, avec Marco Borriello qui se classe troisième au classement des meilleurs buteurs, derrière Del Piero et Trezeguet. Pendant l’été, l’équipe recrute du lourd, avec les arrivées de Milito, Thiago Motta, Criscito, Biava ou Bocchetti. La saison est alors folle. Avec un Milito en feu, le Genoa lutte jusqu’à la dernière journée avec la Fiorentina pour se qualifier pour la Ligue des champions. L’équipe de Gasperini échoue finalement pour une question de différence de buts particulière. Après avoir vendu ses deux meilleurs éléments à l’Inter (les deux participeront d’ailleurs activement au triomphe nerazzurro en C1), le Genoa effectue deux saisons anonymes, terminant 9e puis 10e. Mais surtout, à la fin du championnat 2010/11, la grande rivale, la Sampdoria, est reléguée en Serie B. Pour chambrer l’adversaire, les tifosi du Genoa se réunissent à 30 000 dans les rues de la ville pour célébrer « l’enterrement de la Sampdoria » . Drôle, sur le coup. Sauf que l’on dirait que depuis ce jour, une sorte de malédiction s’est abattue sur les Rossoblù.
En effet, pendant l’été suivant, le Genoa réalise un mercato étrange. Un peu sans queue ni tête. Acheter pour acheter. Et pas acheter à prix réduit, puisque Preziosi débourse quelque 54,1 millions d’euros pour faire venir Constant, Destro, Merkel, Caracciolo, Ze Eduardo, Granqvist et autres Pratto. Résultat, l’équipe n’a pas vraiment de ligne conductrice, et les ennuis commencent. Les résultats, pas si mauvais lors des premiers mois, chutent en flèche. L’équipe n’a pas de jeu, pas d’identité, et les divers entraîneurs qui se succèdent sur le banc (Malesani, Marino, encore Malesani, De Canio) n’y trouvent aucune solution. Le Genoa croit toucher le fond le 22 avril 2012. À domicile, les Génois se font humilier par Sienne (1-4). Le public pète un câble et les ultràs prennent littéralement en otage les joueurs, en leur demandant d’ôter leur maillot, car pas dignes de le porter. Hallucinant. Grâce à deux victoires lors des trois derniers tours, l’équipe évite finalement la relégation. Et le président promet : « Plus jamais ça » . Ah bon ?
Le retour de Borriello
Au cours de l’été 2012, le président des Rossoblù décide donc de changer de méthode. Plutôt que de dépenser à tout-va pour des joueurs sur lesquels on peut difficilement compter, le patron des jouets Preziosi décide de miser sur des jeunes. Arrivent ainsi trois jeunes de la Roma, Verre, Bertolacci et Piscitella, le Brésilien Anselmo (22 ans), le Paraguayen Jara (19 ans), l’Uruguayen Melazzi (20 ans) ou encore le meilleur buteur de la dernière Serie B, Ciro Immobile, 22 printemps. Tout cela chapeauté par Gigi De Canio, le coach qui avait permis au club de se sauver la saison précédente. Marco Borriello, pour sa part, revient porter le maillot de la seule équipe avec laquelle il a été régulier, après des exils au Milan AC, à la Roma et à la Juventus.
Les premières journées de championnat semblent confirmer le renouveau génois, après une année de galère. Le Genoa s’impose face à la Lazio, tient en échec l’Udinese, Parme et Palerme. Mais le 21 octobre, patatras. Alors que l’équipe mène 2-0 face à la Roma, c’est le black-out total. La formation de De Canio s’arrête de jouer, et celle de Zeman s’impose 4-2. À la fin de la rencontre, le coach est remercié. À sa place est intronisé Luigi Delneri, ancien technicien… de la Sampdoria. Forcément, cela fait tache auprès des supporters. D’autant que les résultats du moustachu vont s’avérer déprimants. Défaites contre Milan, la Fiorentina, Sienne, le Napoli et, en point d’orgue, lors du derby contre la Sampdoria. Des revers qui font plonger les Génois vers le fond du classement, sans que personne ne puisse réellement y trouver une explication.
Pas de bouées, pas de bouées
Le plus étrange dans tout ça, c’est que l’équipe est loin d’être dégueu, avec des joueurs comme Frey, Bovo, Janković, Kucka, Marco Rossi. Pas forcément des mecs qui vous permettent d’aller jouer le titre, mais au moins de se hisser dans la première moitié de tableau. Problème : ces joueurs-là n’ont pas été préparés à jouer le maintien. À chaque fois qu’un match couperet se présente, ils passent à côté. Pas d’esprit guerrier, pas d’esprit de révolte, pas d’esprit de survie. Juste des semaines qui passent, et un club qui sombre. Delneri, après la défaite contre Pescara, s’est dit « prêt à démissionner » , pour le bien de tous. Preziosi a refusé, continuant de lui accorder aveuglement sa confiance. Mais jusqu’à quand ? En cas de défaite contre le Torino, dimanche, il semble impensable que Delneri soit à nouveau confirmé. On parle d’un retour de De Canio, ou bien d’une arrivée folle sur le banc de Liverani, expérience zéro au poste d’entraîneur. Bref, du grand n’importe quoi et une gestion incompréhensible. Dimanche, après la dixième défaite de la saison, les tifosi se sont tournés vers le capitaine, Marco Rossi : « Marco, nous n’avons rien contre toi, mais dis aux joueurs qu’ils doivent se réveiller. S’ils continuent comme ça, ils vont finir par nous trouver » . Bref, Gênes est sous les eaux. Et on a la fâcheuse impression que sur ce navire qui chavire, personne ne sait nager. Où sont les bouées de sauvetage ?
Eric Maggiori