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Finlande-Russie : sur le front de Carélie

Par Alexandre Lazar
5 minutes
Finlande-Russie : sur le front de Carélie

Ce mercredi sur les coups de 15h, les Huuhkajat et la Sbornaya se feront face sur l'île Krestovski dans le cadre d'un duel couperet, qui pourrait ouvrir les portes des huitièmes de finale de l'Euro 2020 aux premiers nommés. Au cœur d'un tournoi continental aux accents déjà géopolitiques, Finlandais et Russes entretiennent un passif historique méconnu, capable de planer au-dessus de l'arène de Saint-Pétersbourg tel un sniper tapis, jadis, dans la neige.

Avant d’entrer en guerre civile en 1918, la Finlande telle que nous la connaissons actuellement faisait partie intégrante de l’Empire russe. Devenue indépendante seulement un an avant le bain de sang dicté par les milices, celle-ci a un rapport étroit et déroutant avec son voisin aux onze fuseaux horaires : sa propre guerre civile est calquée sur le « modèle » russe. D’un côté, les « rouges » communistes, de l’autre les « blancs » acquis à la cause du gouvernement et des forces au pouvoir. Si ce sont les seconds qui ont triomphé avec l’aide des Allemands, la Finlande libre n’a pas tardé à recroiser son meilleur ennemi, désormais soviétique, sur les rives gelées des lacs de Carélie. Encore aujourd’hui, certains y repensent. Un match de football à Saint-Pétersbourg, cité proche des blessures profondes de Petrozavodsk et point de crispation d’un cessez-le-feu en 1944, ne peut-il que les raviver ?

 Poutine est dans une optique de guerre permanente pour renforcer son pouvoir. La version du Kremlin, remise sur la table en 2020, est d’imputer un génocide au régime finlandais durant la guerre de Continuation.

La Mort blanche

La Carélie. Ou devrait-on dire les Carélies tant l’infime partie encore finlandaise et celle orientale, sous giron bicéphale, mais longtemps largement finnophone, se regardent dans un miroir de glace depuis plus de 70 ans. De cette vaste région au nord-est du pays de Sami Hyypiä, berceau de la culture finlandaise et de la langue finnoise, ressort un interminable combat du siècle passé : la guerre de Continuation. En face, le front de Carélie et l’Armée rouge, quatre années d’usure (1941-1945) et l’invasion, toute proche. Alliée de circonstance de l’Axe, la Finlande voit midi à sa porte : l’opération Barbarossa menée par l’Allemagne nazie ouvre une fenêtre de tir à Carl Gustaf Emil Mannerheim, maréchal et commandant en chef des armées fidèles à Helsinki. Sauf que la reconquête des territoires cédés à l’URSS lors des trois mois de la guerre d’Hiver est une chimère : malgré le sisu finlandais (notion équivalente au fighting spirit irlandais) par moins 40 degrés, les Soviétiques ont l’armement dernier cri, les blindés et l’aviation de leur côté. Leurs rangs grossissent de semaine en semaine avec l’afflux des brigades partisanes : Staline a retenu la leçon et annexe la récalcitrante Carélie, acte ratifié par le traité de Paris en 1947.

Depuis, la plaie est béante. Mais la résilience symbolique d’un homme niché entre les isthmes, à même la neige, donne l’espoir qu’un jour, tout redeviendra comme avant : Simo Häyhä, dit « la Mort blanche » . Un fermier devenu le sniper d’élite le plus létal de l’histoire avec 505 soldats soviétiques abattus en cent jours à l’aide d’un M28 inadapté. De là à ce que les Huuhkajat de Markku Kanerva s’en imprègnent dans l’ancienne Leningrad, à une semaine de l’été ? Après tout, bien des observateurs faisaient de la Finlande de la chair à canon dans ce groupe B, des fermiers à l’allure coubertine.

Quant à la statistique, la Finlande indépendante n’a jamais battu l’URSS ou la Russie en 20 rencontres (15 défaites et 5 nuls), allant jusqu’à en prendre 10 par deux fois. Le 3-0 encaissé en qualifications du Mondial sud-africain, dernier duel en date, résonne encore. Les frères Eremenko contre la paire Berezutski-Ignashevich. Jari Litmanen et Teemu Tainio, pour un envol avorté des Hiboux grands-ducs. « La Carélie n’est pas officiellement revendiquée par le gouvernement finlandais. C’est une approche plus apaisée qu’entre l’Occident et la Russie, ou certains pays d’Europe de l’Est et la Russie, où le rapport de force est utilisé, indique Lukas Aubin, spécialiste de la géopolitique de la Russie et du sport et auteur de La sportokratura sous Vladimir Poutine. Mais le conflit mémoriel existe des deux côtés, et Moscou utilise encore la région comme un argument géopolitique. De nombreuses familles finlandaises réclament toujours les maisons et les terres passées du côté russe, notamment toute la zone autour du lac Ladoga. » Alors, la politique s’invitera-t-elle, une fois de plus, sur un terrain de l’Euro 2020 ?

 Je crois que personne ne voudra sérieusement rouvrir les accords de paix du passé. Mais nous ne dirions pas non, si quelqu’un voulait nous donner quelque chose…

La Russie dans les cordes

« Poutine est dans une optique de guerre permanente pour renforcer son pouvoir. La version du Kremlin, remise sur la table en 2020, est d’imputer un génocide au régime finlandais durant la guerre de Continuation (8000 civils russes seraient morts dans des camps de concentration, NDLR), abonde Lukas Aubin. C’est le fameux point Godwin, invoquer le passé nazi d’un belligérant rival, dire « vous étiez du mauvais côté de l’histoire » pour renforcer sa propre légitimité. C’est imparable quand il faut se rassurer sur ses frontières. » Écho tout trouvé avec le maillot ukrainien de la discorde ? « On pourrait imaginer que certains supporters ou voix finlandaises au pays remettent la Carélie sur le devant de la scène, en s’inspirant de la tunique controversée de l’Ukraine, qui intègre la Crimée. La Russie est déjà sportivement et symboliquement acculée dans cet Euro, il ne faut pas l’oublier », rappelle celui qui est également docteur en études slaves contemporaines.

En 2004, la présidente finlandaise Tarja Halonen confiait son pessimisme sur l’avenir de la Carélie. Non sans une touche rêveuse. « Je crois que personne ne voudra sérieusement rouvrir les accords de paix du passé. Mais nous ne dirions pas non, si quelqu’un voulait nous donner quelque chose… » Des groupes de pression irrédentistes militant en faveur d’une Carélie finlandaise existent, à l’instar de ProKarelia, une partie de l’opinion publique verrait également d’un bon œil une réunification (40% selon divers sondages). Mais l’ombre d’une Russie aux accents parfois teintés d’URSS, usant de sa toute-puissance diplomatique pour écraser toute « provocation » , pourrait également rendre normal un match qui ne l’est pas vraiment.

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Dans cet article :
La sélection russe remporte 11-0 un match amical
Dans cet article :

Par Alexandre Lazar

Propos de LA recueillis par AL.
Propos de TH tirés du Monde.

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