- Euro 2025
- Quarts
- France-Allemagne (1-1, 5-6 TAB)
Les Bleues éliminées : une nouvelle walk of shame
Une nouvelle fois éliminée en quarts de finale d’une compétition majeure par l’Allemagne, l’équipe de France subit de plein fouet les critiques qui accompagnent chaque faux pas tricolore. Autrices d’une rencontre manquée sportivement, les Bleues se retrouvent une nouvelle fois sous le feu des critiques de ceux qui n’attendent que la défaite pour enfin parler de football féminin, sans s’être intéressés à la compétition auparavant.

En moins d’une semaine, il aura été dit tout et son contraire de cette équipe de France, les plus enthousiastes étant persuadés que les Bleues allaient enfin décrocher le premier titre de leur histoire, quand les opportunistes ne se sont eux exprimés sur cet Euro qu’au moment de la sortie de route des Tricolores face à l’Allemagne. Sportivement, les Bleues ont manqué le coche face à une Allemagne réduite à dix pendant plus de 100 minutes. En panne d’inspiration offensive et incapable de bouger les lignes allemandes, l’échec est collectif : des joueuses manquant de vice face au plan de jeu imaginé par Christian Wück, au staff tricolore dont les choix peuvent être remis en question à la lueur du résultat final. Pour autant, cette nouvelle désillusion a entraîné une nouvelle fois le déferlement des incels, masculinistes ou autres misogynes prêts à tout pour rabaisser le football, et plus largement le sport féminin, dès que l’occasion s’y prête.
Les vautours sont de sortie
Le constat est unanime : oui les Bleues ont fait un mauvais match. Alors que tous les éléments jouaient en leur faveur, oui elles auraient dû l’emporter bien avant de se risquer à une séance de tirs au but. Pour autant, le monde ne s’écroule pas pour une élimination en quarts de finale, même s’il s’agit d’un nouvel échec pour le foot féminin français. Selon Annie Fortems, cofondatrice et ex-capitaine de Juvisy (devenu Paris FC en 2017), ce résultat « structurellement, met à jour toutes les défaillances du football féminin français depuis sa création ». Alors que la popularité du football féminin reste conditionnée à un bon parcours en compétition majeure, voire un titre, Annie Fortems dénonce ce discours : « On attend les femmes au tournant, il faut qu’elles fassent toujours plus que les garçons avec moins de moyens. La FFF, de toute manière, ne fait pas ce qu’il faut depuis 40 ans, c’est le titre avant les moyens ». Pour cette pionnière du football féminin, il faut « investir, créer le contexte pour la réussite et après, elles gagneront, comme on l’a fait pour les hommes. »
On va reprendre en pleine figure le désengagement de la FFF pendant 30 ou 40 ans face à des nations qui, elles, s’occupent de leur équipe féminine depuis 40 ans.
Outre la confrontation au retard qui subsiste entre l’équipe de France et les autres nations européennes prétendantes à la victoire finale, cette nouvelle élimination a encore déchaîné les paroles sexistes et misogynes qui accompagnent chaque défaillance tricolore. En témoignent Selma Bacha et Sandy Baltimore qui ont dû désactiver les commentaires sous leurs dernières publications Instagram afin de réduire les commentaires désobligeants, parfois plus, qui les affectent depuis désormais 72 heures.
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Certains observateurs ont eux aussi attendu la défaite française pour parler enfin de la compétition, ces mêmes observateurs – qui par nature gardent leur distance avec le sujet mais qui ne manquent aucune occasion pour l’ouvrir – qui par ailleurs ont un intérêt pour le football féminin uniquement lorsqu’il s’agit de mettre en avant le négatif. Une attitude qui n’étonne pas Annie Fortems : « En ce moment, les haters se déchaînent, les commentateurs aussi se déchaînent : c’est un mauvais match, l’expérience n’y était pas, le système n’y était pas, un mauvais match quoi. Moi, je veux bien le reconnaître, sauf qu’il y en a qui vont analyser ça en disant “le football féminin, j’ai toujours dit que c’était nul”. Et puis d’autres qui vont dire, comme moi par exemple, on va reprendre en pleine figure le désengagement de la FFF pendant 30 ou 40 ans face à des nations qui, elles, s’occupent de leur équipe féminine depuis 40 ans. »
La carotte ou le retour de bâton
Un révélateur également social, où les idées d’extrême droite, peu encline au développement des droits des femmes, gangrènent la société française. Cette radicalisation ruisselle aussi sur le sport féminin, comme l’explique Annie Fortems : « Même s’il y a eu des progrès faits dans l’esprit des Français sur les sports féminins qui occupent les bastions masculins comme le rugby, le cyclisme, le foot, il y a eu des progrès faits, mais il y a encore des résistances incroyables. » Des résistances dues au « backlash » (concept théorisé par la journaliste américaine Susan Faludi qui désigne une réaction violente d’une partie de la société face aux acquis du féminisme et qui peut se traduire par « retour de bâton » en français, NDLR) qui retombe sur le sport féminin et donc le cas échéant sur les Bleues. Si cette nouvelle élimination n’annonce pas la faillite de l’équipe de France féminine, il faudra en revanche que les instances du football français mettent les moyens en adéquation avec leurs ambitions afin d’aller enfin décrocher ce premier titre qui manque tant au palmarès tricolore.
« Il y a des choses positives à retenir » : Philippe Diallo conforte Laurent Bonadei à la tête des BleuesPar Léna Bernard, en Suisse
Propos d’Annie Fortems recueillis par LB