- Brésil
- Rogério Ceni
Et de 100 pour Ceni
A 38 ans, le gardien mythique du São Paulo FC est entré encore plus dans la légende en inscrivant son centième but. Un coup-franc magistral qui donne victoire à son équipe contre les Corinthians.
Cent buts dans une carrière, ça fait joli sur un CV. Quand c’est pour un seul et même club, c’est encore mieux. Mais quand on parle d’un gardien de but, c’est tout simplement énormissime. A côté du nouveau record de Rogério Ceni, les 62 réalisations de José Luis Chilavert semblent presque insignifiantes. En plus, contrairement au Paraguayen, qui a inscrit les trois quarts de ses pions sur penalty, plus de la moitié de ceux du Brésilien ont été marqués sur coup-franc (56). Comme il a la classe jusqu’au bout, le portier du São Paulo FC a bien choisi son moment pour rentrer dans l’histoire: à la 53e minute du classico contre les Corinthians, l’ennemi juré, que son club ne parvenait pas à battre depuis quatre ans. Quand l’arbitre siffle le coup franc aux vingt mètres, légèrement excentré sur la gauche, tout le stade retient son souffle. D’une merveille de frappe enroulée, Rogério nettoie la lucarne de son confrère Julio César. Suivent plus de trois minutes d’embrassades avec ses coéquipiers et de communion avec les supporters tricolores, qui fêtent ce but comme un titre. Plus de trois minutes de commémoration qui ont moyennement plu à l’arbitre de la rencontre. Du coup, M.Guilherme Ceretta de Lima s’est fait un petit plaisir en collant un carton jaune au héros du jour. Loin de crier à l’injustice, ce dernier préfère regagner ses cages en éclatant de rire, tandis que les feux d’artifice retentissent dans l’Arena Barueri.
En même temps, il en a vu d’autres. A 13 ans, le natif de Pato Branco, dans le Sud du Brésil, est loin d’imaginer qu’il fera carrière dans le foot. Un an plus tôt, il a dû déménager avec sa famille à Sinop, au fin fond du Mato Grosso, un des coins les plus paumés du pays. Ce n’est qu’à seize ans qu’il a sa première expérience dans les bois. Lors d’une partie de foot avec ses collègues de la banque où il taffe tout en poursuivant sa scolarité, il doit remplacer son boss au poste de gardien alors qu’il joue d’habitude au milieu de terrain. Il finira par y prendre goût, au point d’être recruté comme troisième gardien du Sinop FC, le club du coin, qui dispute pour la première fois le championnat de première division de l’Etat du Mato Grosso. Pour son premier match officiel, il arrête un péno. Au final, son équipe remporte le championnat à la surprise générale.
965 matchs avec le São Paulo FC
C’est comme ça qu’il attire l’œil des recruteurs du São Paulo FC, qui lui font passer un test en 1990. Il participe à un match d’entraînement avec l’équipe pro et réalise plusieurs beaux arrêts, ne s’inclinant qu’une seule fois sur une frappe de Leonardo. Les dirigeants décident de le garder, mais il passe sept ans à cirer le banc alors que la grande équipe coachée par Telê Santana collectionne les titres. Ce ne sera pourtant pas du temps perdu. Comme l’entraîneur demandait toujours aux gardiens remplaçants d’arriver une demi-heure plus tôt, il s’amusait à tirer des coups-francs en attendant l’arrivée des autres joueurs. En 1997, Zetti, le gardien emblématique des nineties, quitte le club. Rogério se retrouve alors titulaire et surprend tout le monde en demandant à frapper un coup-franc dès le deuxième match de la saison contre l’União São João. Ce sera le premier d’une longue série.
« Je suis très heureux parce que beaucoup de choses ont changé entre mon premier et mon centième but. A l’époque, on n’avait pas encore internet, le foot n’était pas aussi présent dans les médias et surtout, j’avais plus de cheveux » , a-t-il déclaré hier soir lors de la conférence de presse d’après-match. Entre temps, il a battu tout un tas d’autres records. Lors de la saison 2007, il garde sa cage inviolée pendant 988 minutes, la plus longue période d’invincibilité de l’histoire du championnat brésilien. Par contre, il est forcément beaucoup plus vulnérable quand ses coups de pied arrêtés manquent leur cible. Plus d’une fois, il s’est fait surprendre sur des contre-attaques de l’équipe adverse alors qu’il tentait en vain de regagner ses cages. Ça ne l’a pas empêché de remporter trois championnats brésiliens consécutifs de 2006 à 2008 et le championnat du monde des clubs en 2005. Avec la seleção, il a aussi fait partie du groupe champion du monde 2002, même s’il n’est pas entré en jeu. Malgré 17 capes à son actif, il ne s’est jamais vraiment imposé comme titulaire en équipe nationale. Son dernier grand défi : atteindre la marque des 1.000 matchs disputés avec le São Paulo FC. Courage, il n’en reste plus que 35.
Louis Génot, à Rio de Janeiro
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