- France
- Santé
Aller au stade pour soigner la dépression ?
Au Royaume-Uni, la proposition de loi pour prescrire des matchs de football à des personnes atteintes de dépression a fait grand bruit cette semaine de l’autre côté de la Manche. Qu’elle soit adoptée ou non, l’initiative pose les bases d’une question plus sérieuse qu’elle n’en a l’air : le foot au stade peut-il guérir ?

Ça paraît presque trop beau pour être vrai : des matchs au stade prescrits sur ordonnance. L’initiative a vu le jour au Royaume-Uni, portée par Simon Opher, député travailliste et ancien médecin généraliste, et Dale Vince, propriétaire du Forest Green Rovers Football Club, club de cinquième division anglaise connu pour son engagement social et écologique. Les deux hommes se sont associés afin d’offrir (sur ordonnance) des places pour des matchs à des personnes atteintes de dépression. Coup de communication ou véritable solution médicale ? Le foot a toujours été caricaturé comme l’opium du peuple ; cette fois, il faut presque le prendre au premier sens du terme. En tout cas, la question mérite d’être posée, quitte à la transposer au contexte français.
Une motivation pour sortir de son lit
Pierre fait partie de ces supporters qui ne ratent jamais une occasion de voir de leurs propres yeux leur équipe jouer. S’il soutient le FC Nantes depuis 2018, le jeune homme de 25 ans explique qu’il « (s)’en fou(t) un peu du foot ». Il s’ennuie les rares fois où il allume sa télévision pour regarder les matchs et ne s’intéresse pas vraiment à l’aspect tactique du jeu. Ce qui anime sa passion pour le ballon rond, c’est bien la culture tribune : tester la buvette, goûter la bière locale, observer les écharpes et écouter les chants… Mais son attachement pour les gradins nantais trouve ses racines dans quelque chose de plus profond. Pierre traversait une période difficile. Il passait ses journées allongé dans son lit à ne rien faire, comme s’il jouait la montre. Sans programme pour animer ses week-ends, il se laissera un jour tenter par une virée au stade. Et au bout du chemin : le déclic. « La Beaujoire, c’est 35 000 personnes heureuses. Quand tu es triste, voir tout ce monde-là en communion, ça donne envie de se mêler aux gens », raconte le supporter nantais.
Aller au stade a structuré mon quotidien. À partir de là, je savais ce que je faisais chaque week-end.
Cette première étincelle transformera peu à peu sa curiosité en une passion ardente et le poussera à régulièrement revenir au stade, malgré les quelques purges proposées par les Canaris. « Ça a structuré mon quotidien. À partir de là, je savais ce que je faisais chaque week-end. Ça m’a permis de sortir de chez moi, de me faire des amis et de voyager partout en Europe. » Pierre prévoit de partir en Andorre avec des amis le week-end prochain, histoire de voir de ses propres yeux la qualité andorrane qui fait tant parler lors des barrages de C4. S’il serait abusif de dire que le football l’a sauvé, il lui a, au minimum, permis de sortir de son lit.
Favoriser le « lien social »
La prescription est-elle pour autant une solution médicale efficace pour aider des personnes souffrant de troubles dépressifs ? Selon François Pacaud, psychologue au Conseil local de santé mentale (CSLM) de Lille, l’initiative répond à un besoin médical bien réel. « On a vu, notamment depuis la pandémie, à quel point la solitude avait un impact négatif sur la santé mentale. Tout ce qui peut favoriser le lien social – échanger, partager des émotions, parler – a évidemment un effet positif », explique le psychologue. Aller voir un match ne constituerait donc pas une solution miracle, mais permettrait, au même titre que d’autres activités, de lutter contre l’isolement, connu pour être « un facteur de dépression et de troubles psychiques ».
On a vu, notamment depuis la pandémie, à quel point la solitude avait un impact négatif sur la santé mentale. Tout ce qui peut favoriser le lien social a évidemment un effet positif.
C’est dans cette logique que des initiatives similaires, comme la prescription muséale, ont vu le jour. Dans les Yvelines, les patients atteints de pathologies liées au stress ou à des troubles de la personnalité peuvent par exemple suivre des visites de musées sur ordonnance, rapporte Radio France. Une pratique qui pourrait servir d’alternative aux prescriptions d’antidépresseurs, et avoir un effet « équivalent ou supérieur aux médicaments », selon François Pacaud. Le psychologue se dit néanmoins plus favorable à une incitation qu’à une prescription pure et dure. « On gagnerait à sortir la santé mentale du cadre strictement médical », estime-t-il. Reste à convaincre les clubs de lâcher des places pour certaines de leurs rencontres, tout en sachant qu’il n’existe pas de « cartes de dépressifs » en guise de justificatif. Rien de surréaliste : le LOSC avait offert 10 000 places pour les personnes plus démunies au cours de la saison 2019-2020. Ici, on touche à la dimension psychologique de la misère sociale et économique, mais le sujet mérite d’être discuté sérieusement.
Viktor Gyökeres à Arsenal : la solution à 75 millions ?Par Alexis Rey-Millet