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Équipe de France : Hugo Lloris et le chemin des records

Par Raphaël Brosse et Clément Gavard
Équipe de France : Hugo Lloris et le chemin des records

Face à l'Angleterre, le pays où il évolue depuis dix ans, Hugo Lloris va fêter sa 143e apparition en équipe de France et devenir le joueur le plus capé dans l'histoire des Bleus devant Lilian Thuram. Le gardien a beau refuser d'en faire un événement pendant ce quart de finale, il s'agit de l'avènement d'un homme discret, timide, voire lisse, diront certains, qui fait en parallèle l'unanimité sur les terrains, à Tottenham comme en équipe de France.

C’était une conférence de presse d’avant-match comme une autre. Il faut dire qu’Hugo Lloris, convié d’office en tant que capitaine, est rompu à l’exercice. Ce vendredi, le gardien de l’équipe de France a fait le job, avec professionnalisme et efficacité. Comme d’habitude. S’exprimant tantôt en français, tantôt en anglais, pour contenter tout le monde, il a répondu aux questions des journalistes présents face à lui. Les points forts de l’adversaire, ceux des Bleus, son jeu, sa relation avec Harry Kane, son expérience des grands rendez-vous… Oui, cette conf’ de veille d’Angleterre-France était bien une conférence de presse d’avant-match comme une autre. Sauf qu’elle précède un moment historique : ce samedi soir, le portier de 35 ans va honorer sa 143e cape internationale, devenant ainsi le recordman du nombre de sélections sous le maillot frappé du coq. « Je suis très fier, même si ça reste secondaire à mes yeux, car la compétition passe avant tout », avait-il modestement réagi avant d’égaler la marque de Lilian Thuram, dimanche dernier contre la Pologne (3-1). « Effectivement, ça confirme l’appartenance à la grande maison du foot français, confirme Luc Lloris, son père. Mais comme lui-même l’a dit, ce ne sont que des chiffres, qui sont faits pour être battus. »

 On s’impose par ce que l’on fait, pas uniquement par la communication ou la recherche de notoriété sur les réseaux sociaux. C’est un professionnel de très haut niveau, qui se donne les moyens de réussir, d’être irréprochable dans son travail. Seule la réalité du terrain compte.

La séparation de la personne et du joueur

À sa place, d’autres se seraient davantage félicités d’avoir battu ce prestigieux record, auraient axé leur communication numérique sur cet accomplissement individuel significatif. La curiosité des médias et du grand public n’en aurait été que renforcée. Mais Lloris ne fonctionne pas ainsi. Depuis toujours, le joueur formé à l’OGCN privilégie la discrétion à la surexposition, la sobriété à l’excentricité. Devant les micros comme dans les colonnes des quotidiens, il ne fait jamais la moindre vague et se garde bien d’assumer une opinion tranchée, ce qui lui a notamment joué des tours au moment de la polémique concernant le port du brassard « One Love » . Quant aux réseaux sociaux, terrain de jeu privilégié de la grande majorité de ses coéquipiers, le numéro 1 tricolore en est tout simplement absent. « Je n’aime pas me cacher derrière un ordinateur ou un téléphone, confiait-il en 2017, dans un entretien accordé au Figaro. Je préfère discuter dans le vestiaire, au restaurant. Pour beaucoup de personnes, les réseaux sociaux sont un repère pour connaître leur idole. Aujourd’hui, on me croise, on me demande un selfie… Je peux le comprendre et je m’y plie volontiers, mais moi, je ne me serais jamais permis de faire ça. J’aurais tellement eu peur de déranger. » D’un naturel « très réservé » pendant sa jeunesse, le Niçois de naissance préfère que la lumière se porte sur d’autres que lui. « Je ne me cache pas, je me protège », précise-t-il, avant d’ajouter : « Lorsque l’on parle de mon image publique, je veux avant tout protéger les miens. N’importe quel mot peut être repris, lu, déformé, amplifié. Et derrière, il y a ma famille ou mes amis qui peuvent être touchés. Je ne veux pas. »

Marié depuis dix ans, père de trois enfants, Hugo Lloris ne ressent pas le besoin d’étaler sa vie privée sur la place publique. Tout simplement. « Dans mon enfance, quand je regardais des matchs de foot, je n’avais pas envie de savoir ce que faisait le joueur dans sa vie, où il sortait, avec qui il était marié, pour l’admirer, être fasciné, poursuit-il. Si un joueur est généreux sur le terrain, pourquoi ne le serait-il pas dans la vie ? J’ai toujours aimé dissocier le joueur de foot de la personne que je suis. Je n’aime pas tout mélanger. J’ai été élevé dans la pudeur. Je déteste me mettre en avant. Moins on parle de moi, mieux je me porte. » Cette discrétion médiatique expliquerait-elle que le poids de ses performances dans les succès collectifs ne soit pas davantage mis en valeur ? « Posez la question à vos confrères !, rétorque Luc Lloris quand on l’interroge à ce sujet. Hugo est à sa place. On s’impose par ce que l’on fait, pas uniquement par la communication ou la recherche de notoriété sur les réseaux sociaux. C’est un professionnel de très haut niveau, qui se donne les moyens de réussir, d’être irréprochable dans son travail. Seule la réalité du terrain compte. » La réalité du terrain, justement, parle pour lui.

À Tottenham, il a joué des matchs où la pression est importante, ça lui a permis d’évoluer dans son approche des grands évènements. (…) Il a profité de la difficulté du foot anglais pour se maintenir à un très bon niveau.

Angleterre d’adoption

Il y a celle chez les Bleus, où il a toujours pris le dessus sur ses potentiels concurrents, comme l’historique Steve Mandanda ou le plus récent Mike Maignan. À Tottenham aussi, Lloris est devenu incontestable. Puisqu’il est question de records et d’histoire cet automne, le dernier rempart tricolore occupe une place particulière dans celle du club londonien, où il a intégré le top 10 des joueurs les plus capés avec 437 rencontres au compteur (il lui reste trois matchs à disputer pour être seul 7e derrière six Anglais, rendez-vous en janvier). Le début de l’aventure n’avait pourtant pas été simple, entre la découverte d’un nouveau championnat et la présence du vétéran Brad Friedel, numéro un devant le Français lors de ses premiers mois chez les Spurs. « À l’époque, c’est vrai qu’il y avait des doutes sur sa capacité à s’adapter au football anglais. On le trouvait trop fluet, trop petit, pas assez lourd, trop dynamique, prenant trop de risques, rembobine le paternel, toujours un peu sur la défensive. Il a fallu s’adapter à ce championnat, physiquement, dans le travail, dans les contacts, dans l’épaisseur du jeu. S’imposer comme gardien dans le championnat anglais n’est pas simple. Malgré les critiques, il a réussi à tenir sa place dans l’un des cinq meilleurs clubs anglais. » L’œil affectueux du papa, avant celui plus professionnel de Christophe Lollichon, l’ancien entraîneur des gardiens de Chelsea et de Petr Čech, qui reconnaît ne pas être le premier fan de Lloris, tout en admettant qu’il fait partie « du top 10 mondial avec une belle régularité ».

« Il a énormément progressé à Tottenham, enchaîne-t-il. Il a joué des matchs où la pression est importante, ça lui a permis d’évoluer dans son approche des grands événements. Il y a aussi une progression dans sa gestion de son espace d’intervention et une plus grande sérénité dans les airs. Il a profité de la difficulté du foot anglais pour se maintenir à un très bon niveau. » En équipe de France comme en club, Hugo Lloris fait partie des meubles, sans que l’on ne parvienne à déterminer s’il mérite un statut à part ou une place parmi les légendes. « Le problème, c’est de n’avoir gagné aucun titre en club, pointe Lollichon. À partir du moment où vous ne gagnez rien en Angleterre, c’est compliqué, et encore plus quand on est étranger. » Sa longévité est cependant appréciée outre-Manche, où il a convaincu son monde au fil des années, même si la presse britannique n’est pas tendre avec le bonhomme avant le quart de finale, The Telegraph le considérant même comme le point faible des Bleus. Des médias qui ne l’avaient pas épargné après un contrôle en état d’ébriété au volant de sa voiture quelques semaines après le sacre en Russie. « Une période un peu délicate, ça a secoué un peu », selon ses mots. « Au-delà de cette polémique, son côté simple et son respect de l’institution Tottenham, c’est très apprécié en Angleterre, continue Lollichon. On pourrait un peu le comparer à David de Gea, à ce niveau-là. »

 Quand il parle, il est écouté. Il n’y a pas besoin d’être un vrai aboyeur, il y a des personnalités différentes, on sait qu’il ne fait pas l’acteur dans ces moments-là. (…) Il est très écouté dans un vestiaire. Il peut gueuler et dire qu’on fait de la merde.

« Il fait le bien de l’équipe de France »

À 35 ans, Lloris se traîne une réputation de mauvais client face à la presse et de personnage lisse, sans que sa légitimité dans un vestiaire ne soit remise en question. En Angleterre, celui qu’Eric Dier surnomme affectueusement Benjamin Button et qui retrouvera son pote Harry Kane ce samedi soir porte le brassard de capitaine des Spurs depuis 2014. « Dans le comportement, c’est un vrai leader et un relais parfait entre un staff et l’équipe, juge Christophe Lollichon. Sa sérénité dans des grandes compétitions internationales, c’est indispensable. On n’est pas capitaine d’un club comme Tottenham et d’une sélection comme la France par hasard, ça démontre l’influence très positive qu’il peut avoir dans un groupe. » En club, chacun des entraîneurs qu’il a connus a fini par s’appuyer sur le dernier rempart français (André Villas-Boas, Tim Sherwood, Mauricio Pochettino, José Mourinho, Ryan Mason, Nuno Espírito Santo et Antonio Conte) ; en sélection, il est l’un des hommes forts de Didier Deschamps, alors que Laurent Blanc est le premier à lui avoir confié le brassard en sélection, un soir de novembre 2010, lors d’un match… en Angleterre, à Wembley (remporté 2-1 par les Bleus). Depuis, Lloris a enfilé le petit bout de tissu à 117 reprises (119 sur 143 sélections ce samedi soir), un record absolu dans l’histoire de l’équipe de France.

Comment contester la légitimité du portier bleu face à une telle longévité ? Ceux qui l’ont côtoyé décrivent bien cet homme discret, timide, qui « ne va pas monter sur les tables », mais aussi un leader de vestiaire, dont les prises de parole rares et ponctuelles font souvent mouche. « Quand il parle, il est écouté. Il n’y a pas besoin d’être un vrai aboyeur, il y a des personnalités différentes, on sait qu’il ne fait pas l’acteur dans ces moments-là, assure Mathieu Valbuena, qui a vécu deux Coupes du monde (2010 et 2014) et un Euro (2012) dans le groupe France avec Lloris. Peut-être qu’on ne le voit pas comme ça quand on est journaliste parce qu’il peut paraître dans sa bulle, mais il est très écouté dans un vestiaire. Il peut gueuler et dire qu’on fait de la merde. » L’ancien Marseillais (52 capes) se souvient par exemple d’avoir entendu la voix du portier après la défaite en Ukraine lors du barrage aller de qualification au Mondial en 2013. Lloris a, en quelque sorte, grandi et évolué en même temps que cette équipe de France, de Knysna à la deuxième étoile. « Je pense que tout ce qui s’est passé au début l’a aidé, ça lui a permis de s’affirmer. Ce sont des événements qui l’ont construit en sélection, estime Valbuena. Il a toujours été un vrai lieutenant de Didier, il montre l’exemple, ne fait jamais parler de lui en mal, c’est un grand professionnel… En fait, il fait le bien de l’équipe de France. » Un capitaine dans son rôle, au moins jusqu’à ce samedi soir, qui a gagné à sa manière sa place dans la grande histoire du football français.

Top 10 : France-Angleterre

Par Raphaël Brosse et Clément Gavard

Propos de Luc Lloris, Christophe Lollichon et Mathieu Valbuena recueillis par RB et CG

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