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« En 2008, j’étais soulagé de ne pas voir le PSG descendre en L2 »
Dans sa voiture, le rappeur originaire de Roubaix déballe ses souvenirs avec Booba en fond sonore. Dans cette ambiance à la coule, l’auteur de la récente mixtape ShegueyVara 2 défouraille à tout-va, abordant aussi bien ses premiers maillots que son amitié avec les footballeurs, sa relation avec le PSG que ses meilleurs souvenirs avec… l’OM.
Sur les réseaux, tu t’affiches régulièrement avec différents maillots de foot. C’est important pour toi de revendiquer tes goûts ?Le truc, c’est que ce ne sont pas forcément les maillots ou les survêtements de mes équipes préférées. C’est simplement une façon pour moi de donner de la force à Foot Corner, qui m’offre de nombreux équipements. Et puis si je change aussi souvent de survêtements, c’est parce que j’en ai plein et que je suis toujours dans cette tenue au quartier. C’est notre tenue officielle.
Tu te rappelles du premier maillot que tu as eu ou que tu t’es acheté ?Mon premier maillot, c’est celui de Manchester avec Beckham floqué derrière. Je devais avoir une petite dizaine d’années et le mec était une putain de star à l’époque. Bien sûr, le T-shirt était faux. Il venait du bled. Mon suivant également. C’était le maillot de Kluivert en Hollande. Les premiers vrais maillots sont venus bien plus tard, en 2001, lorsque Ronaldinho est arrivé au PSG. Tout ce qu’il faisait à cette époque m’impressionnait. Son action face à Guingamp, où il accélère, dribble toute la défense sur le côté gauche et termine par un piqué, c’était la grande classe. Techniquement, c’est l’un des meilleurs joueurs de tous les temps. Aujourd’hui encore, il est au-dessus. S’il avait su rester sérieux, il serait encore dans un grand club.
L’hygiène de vie, c’est primordial selon toi à la longévité d’un joueur ?Bien sûr ! Regarde CR7, c’est un mec qui a un mode de vie impeccable, entièrement dédié à son sport. Pareil pour Giggs à l’époque. À 40 ans, il jouait encore et il était toujours forme. Ce n’est pas hasard.
Tu viens de Roubaix. Supporter le LOSC n’a jamais été dans tes plans ?Je kiffe le Nord, je respecte Lille, mais je n’ai réellement aimé qu’une époque de cette équipe : celle avec Hazard, Gervinho, Moussa Sow, Cabaye et les autres. Quand tu prends un peu de recul, tu comprends facilement comment ils ont réussi à faire le doublé Coupe-championnat en 2011. Avec un effectif pareil, ils ne pouvaient être qu’au-dessus. Ça allait trop vite pour leurs adversaires, ça partait de partout.
Tu n’as pas peur qu’on te traite d’opportuniste en ne supportant une équipe que lorsqu’elle gagne ?Non, parce que je ne me suis jamais revendiqué comme un Dogue. Pour être honnête, je supportais le LOSC parce qu’il y avait Hazard et que je le connais depuis petit. J’ai même eu l’occasion de jouer contre lui il y a quelques années.
Tu lui as même dédié une phase : « Crochet d’Eden, j’file à l’anglaise, weed hollandaise/J’suis le meilleur, y a pas de Hazard » … Il fallait que je lui déclare ma flamme (rires). Honnêtement, j’adore ce genre de joueurs : ce sont des mecs humbles, qui ne se prennent pas la tête et qui sont incroyablement forts sur le terrain. Et puis ça fait plaisir de représenter les gens du 59. Il a fait beaucoup pour le LOSC.
C’est marrant que tu sois si attaché au Nord alors que tu supportes le PSG.Franchement, le foot, ça ne s’explique pas. Paris, je suis à fond derrière eux depuis l’époque de Raí. Ensuite, il y a les équipes avec Anelka, Okocha, Ronaldinho et Pauleta. Chaque époque m’a marqué. Je n’ai pas attendu les Qataris pour être un vrai supporter. Je peux même te dire que lorsqu’Amara Diané marque son but en fin de match à Sochaux en 2008, j’étais hyper soulagé de ne pas voir le PSG descendre en L2.
Tu as grandi avec des gens qui sont aujourd’hui footballeurs pros ?J’ai grandi avec des personnes qui auraient pu le devenir, mais qui n’ont pas réussi à concrétiser les espoirs placés en eux. Certains ont même passé des essais à Lille ou à Lyon, mais, par manque de sérieux, d’hygiène ou de chance, ça ne s’est pas fait. Tu sais, il y a très peu d’élus dans le football. Un peu comme dans le rap.
Pour toi, le hip-hop est un milieu aussi cruel que le football ?Bien sûr ! Il y a tellement de bons rappeurs talentueux qui n’arrivent pas à percer. Mais ça ne s’explique pas forcément. Je crois en Dieu, donc pour moi, tout dépend de sa volonté. C’est la destinée.
Comme tout fan de foot qui se respecte, toi aussi tu pensais que ta destinée était de devenir footballeur professionnel quand t’étais môme ?Grave ! C’était mon rêve ! Malheureusement, j’ai fini dans le rap (rires). C’est la belle vie quand même footballeur, non ? Bon, il ne faut pas oublier non plus que ceux qui sont aujourd’hui professionnels ont travaillé dur pour y arriver. Ça ne tombe pas du ciel.
De ton côté, tu continues de tâter le ballon aujourd’hui ?Dernièrement, j’ai participé à un événement Nike où l’équipe de Serge Aurier affrontait celle de Matuidi. J’étais dans celle d’Aurier, et Niska, un rappeur avec lequel j’ai l’occasion de bosser, était dans celle de Matuidi, qu’il connaît bien. Ça s’est bien passé, même si je n’ai plus trop de souffle ces derniers temps (rires).
À propos de Serge Aurier, tu as également posé cette punchline dans un de tes morceaux : « Tous ces bâtards me jalousent/Mais faut que j’accélère comme Serge Aurier à Toulouse » . C’est important pour toi de faire référence aux footballeurs ? À la base, Serge, c’est le frère d’un de mes poteaux. Avec le temps, c’est également devenu un très bon pote et c’est donc tout naturellement que je lui adresse quelques clins d’œil. La famille, c’est sacré !
Tu es d’accord avec lui sur le manque de ferveur au Parc ?Je pense que si tout le monde dit ça, c’est parce que les gens, au fond, regrettent l’époque des kops et des ultras. Serge est certainement mieux placé que moi pour en parler, mais la dernière fois où je suis allé au Parc, je n’ai pas ressenti ça. C’était à l’occasion de PSG-Barcelone et il y avait une vraie ambiance.
Il y a des moments au Parc que tu gardes particulièrement en mémoire ?Franchement, non ! Pour tout dire, l’un de mes souvenirs les plus marquants, c’est lorsque l’OM va en finale de la Coupe de l’UEFA en 2004 avec un doublé de Drogba en demi-finale face à Newcastle, dont une ouverture du score assez folle. C’était une belle époque quand même.
Tu ne trouves pas ça paradoxal qu’un supporter parisien cite l’OM dans ses meilleurs souvenirs footballistiques ?Non parce que ça concerne surtout Drogba. Ce mec, quand il joue, il dégage un charisme et un paquet d’émotions que tu ne retrouves chez personne d’autre. C’est un battant et c’est pour ça qu’il fait partie de mes joueurs préférés. Quand tu penses que le mec a commencé au Mans et qu’il n’a connu la L1 qu’à 23 ans, ça te fait réfléchir sur la détermination du gars.
Et la rivalité entre Paris et Marseille, par exemple, tu penses qu’elle a encore un sens ?La rivalité est toujours là, mais ce n’est plus comme avant : ce n’est plus la même ambiance et la même ferveur. Sur le terrain, c’est pareil : ce n’est clairement plus équilibré. Il y a encore quelques années, lorsqu’il y avait Hoarau et les autres, les PSG-OM étaient encore des gros matchs, mais c’est fini aujourd’hui. On sait pertinemment que 98 matchs sur 100, le PSG va l’emporter. C’est pour ça que j’aimerais que des Qataris rachètent l’OM. Ça donnerait un peu de piquant à cette L1.
Sur un tout autre sujet, tu as vu la vidéo où Marquinhos danse sur l’un de tes morceaux ?(Rires) Ouais, c’était du lourd ! Je ne m’attendais pas du tout à ça. Je pense que c’est grâce à Rabiot et à Aurier qu’il a entendu ma musique. La qualité du morceau a fait le reste. Pourquoi ? Parce que la musique est universelle : tant que c’est efficace, les gens danseront. Peu importe la langue ou la culture d’origine.
De ton côté, comment tu expliques que tant de footballeurs écoutent tes morceaux ?Parce que je suis comme eux : j’ai grandi dans les mêmes quartiers, fréquenté les mêmes personnes et adhéré aux mêmes rêves. Ce qui intéressant, surtout, c’est de les rencontrer. Aujourd’hui, je connais plutôt bien des mecs comme Thauvin, Hazard, Benjamin Mendy, Ntep, Rabiot ou Mavuba et ça fait plaisir de passer du temps avec eux. De voir qu’il y a de bonnes personnes derrière le footballeur.
Propos recueillis par Maxime Delcourt