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Drame à Olembe : « J’ai vu des gens se faire piétiner »

Par Norman Aya, à Yaoundé
Drame à Olembe : « J’ai vu des gens se faire piétiner »

Au moins huit personnes, dont un enfant, sont mortes lundi soir à l’entrée du stade d'Olembé avant le coup d’envoi de Cameroun-Comores. Selon le gouvernement, 38 personnes sont blessés dont sept sont dans un état grave. Aux abords du nouveau stade, construit spécialement pour la Coupe d’Afrique des nations, la scène était d’une violence terrible. L’accès au stade et le manque de sécurité sont mis en cause par les témoins. Reportage.

« Il y avait du monde par terre. Beaucoup de blessés. J’ai vu des gens se faire piétiner », témoigne Franck, la gorge nouée, après avoir assisté à l’immense bousculade meurtrière aux abords du stade d’Olembe ce lundi soir. Ce supporter camerounais, étudiant de 23 ans en ressources humaines, était venu passer un moment de fête, comme des dizaines de milliers d’autres spectateurs, pour le huitième de finale des Lions indomptables face aux Comores. Mais l’évènement, censé être inoubliable par sa magie, l’est devenu pour de mauvaises raisons. « J’ai vu une femme se faire écraser alors qu’elle portait son bébé dans ses bras. Le bébé est tombé. Je ne l’ai plus vu. Je ressentais une grande tristesse, j’étais impuissant », poursuit Franck. Si Vincent Aboubakar et les siens se sont qualifiés (2-1) pour le prochain tour, ils ne se sont finalement offert qu’une victoire à l’arrière-goût de tragédie pour tout un peuple.

Un seul accès à l’enceinte

L’accès difficile au stade Olembe, véritable bijou de modernité, construit spécialement pour accueillir la Coupe d’Afrique des nations, est largement pointé du doigt par les Camerounais. L’enceinte de 60 000 places, tout juste prête à accueillir la compétition à temps, présente encore un défaut majeur : une seule entrée (porte sud) permet aux fans de pénétrer dans l’antre. « En réalité, Olembe n’est pas vraiment fini. Tout le monde arrive par la même route, tout le monde est concentré au même endroit, dans la même zone. C’est une fois que tu as passé le contrôle du pass sanitaire et du billet que tu peux te rendre dans ta tribune », regrette le jeune étudiant, traumatisé à l’idée d’avoir vu « des gens rendre l’âme ». Le stade flambant neuf situé au nord de Yaoundé, la capitale politique du Cameroun, devait initialement être entouré par un grandiose complexe sportif muni d’un hôtel 5 étoiles, un centre commercial, un gymnase, une piscine olympique, un musée, un cinéma et des infrastructures utiles à d’autres sports que le football. À la place, on y trouve à ce jour deux terrains annexes et des hectares entiers de terrains vagues.

À quelques centaines de mètres de l’entrée, la police barre la dernière route qui file jusqu’à l’entrée de l’enceinte et les supporters sont invités à s’y rendre à pied. Des files interminables se dessinent autour desquelles les agents tentent, en vain, de mettre de l’ordre. Mais plus le coup d’envoi approche, plus la foule s’impatiente face à la lenteur du processus d’accès au stade. De fait, un entonnoir dévastateur se forme devant l’unique portail ouvert, au grand dam des personnes qui se retrouvent au milieu et à l’avant de la cohue.

La machine étatique prise à son propre piège

C’est ce qu’il semble s’être passé mardi. « Les gens ne voulaient plus attendre, le match démarrait dans quelques minutes. Une porte a été ouverte, puis tout le monde a voulu passer. Les gens ont commencé à crier, à pousser. Ils bousculaient tout le monde, c’était impossible de sortir, décrit Franck. Il y avait trop de monde, c’était fou. » Il faut imaginer, quand le Cameroun joue, l’affluence grimpe. Surtout depuis que le régime de Paul Biya est passé d’un protocole sanitaire strict à des mesures d’incitations pour garnir les gradins. Lundi, 50 000 personnes – sur 60 000 sièges – ont tenté de mettre un pied dans l’arène, alors que le taux de remplissage maximal autorisé selon le protocole Covid est de 80 %.

« Maintenant, les gens entendent à droite à gauche qu’il ne faut plus se faire vacciner, qu’ils laissent rentrer les gens n’importe comment, rapporte Manu, un commerçant de Yaoundé. En plus, tout le monde sait que des milliers de billets sont distribués gratuitement et que l’objectif est de remplir les stades, alors dans les quartiers, les gens se disent : « On y va, on verra, on rentrera bien. » » Sans les citer, ce supporter des Lions, exténué, parle des influenceurs, comme Steve Fah, qui s’affichent sur les réseaux sociaux en offrant des centaines de tickets dans les rues de plusieurs grandes villes du Cameroun. À vouloir trop embellir son image, la machine étatique s’est prise à son propre piège. Selon Le Monde, qui cite une source policière, les forces de sécurité, « en sous-effectif », « ont été très vite débordées » par la foule.

« Il y a tellement de monde quand c’est le Cameroun qui joue, c’est impossible…se plaint Manu, venu à Olembe le 17 janvier dernier pour la rencontre face au Cap-Vert en phase de groupes avec ses deux fils. J’ai décidé que l’on n’irait plus, et j’ai bien fait. Il faut un temps fou pour entrer dans le stade, un temps fou pour sortir, c’est dangereux, et en plus après, il y a encore les bouchons à supporter. Ce qu’il s’est passé lundi me rend triste, mais ne m’étonne pas. »

« Ce drame était évitable »

Malgré ces tristes évènements précédant le coup d’envoi, la rencontre a bien eu lieu en intégralité, bercée par le bruit des vuvuzelas et « des ambulances que l’on entendait depuis nos sièges », relate Franck, l’étudiant à fond derrière sa sélection. Pour Clément Boursin, responsable Afrique à l’ACAT-France, une ONG chrétienne de défense des droits de l’homme, le régime fait forcément partie des responsables. « À vouloir remplir absolument leurs stades, les autorités camerounaises ont apparemment baissé le niveau de contrôle et de sécurité. Cela a occasionné des morts à Olembe. Ce drame était évitable, et la responsabilité des autorités est sans doute engagée », glisse-t-il. Autant que celle de la Confédération africaine de football (CAF). Le constat posé par Clément Boursin est partagé par Patrice Motsepe, le président de la CAF. Lundi, le Sud-Africain a donné une conférence de presse dans laquelle il a déclaré que « le gouvernement est responsable, le blâme est partagé avec la CAF ». Une autre musique que celle jouée par Abel Mbengué, le porte-parole du Comité d’organisation de la CAN (CoCan), après que les premières rumeurs sur le mouvement de foule ont commencé à faire le tour des réseaux sociaux à la fin du match. « Il y a eu des bousculades comme on en enregistre partout ailleurs à l’occasion de grands mouvements de foule », avait-il posé.

Désormais, l’heure est au respect des victimes et à leur famille. Aux hommages. Aux minutes de silence après les hymnes. Et au déplacement des prochaines rencontres prévues à Olembe. Comme un symbole, le stade qui devait faire rayonner le Cameroun s’est éteint ce lundi, en même temps que les espoirs du régime de montrer au monde qu’il est capable d’accueillir un gigantesque évènement.

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