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Denis Troch : « Artur Jorge n’a jamais essayé de copier qui que ce soit »

Propos recueillis par Julien Faure

Adjoint d’Artur Jorge lors de ses deux passages sur le banc du Paris Saint-Germain, Denis Troch a accepté de se plonger dans ses souvenirs pour raconter celui qu’il portait haut en estime et qu’il considérait comme son mentor.

Denis Troch : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Artur Jorge n’a jamais essayé de copier qui que ce soit<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Décédé le 22 février, Artur Jorge a laissé une marque indélébile sur le banc du PSG de l’ère Canal +. Champion de France 1994, à ses côtés en tant qu’adjoint, Denis Troch se souvient d’un « avant-gardiste » qui n’a jamais eu peur d’innover pour croire en ses idées. Alors qu’un hommage lui sera rendu dimanche au Parc des Princes, entretien avec l’ancien bras droit de « Big Moustache ».


Quelle est la première chose qui vous vient en tête à l’évocation d’Artur Jorge ?

Avant-gardiste. Il était avant-gardiste. Il a su gagner et il sait gagner, ce qui n’est pas forcément simple dans le football, de trouver les clés de la réussite. On a beau travailler, chercher, ça ne suffit pas toujours. Lui a trouvé cette faille qui lui est propre, comme à chacun d’entre nous. Pour trouver la réussite, il ne faut pas aller sur le terrain d’un autre, mais sur son propre terrain, et ça, il a très bien su le faire.

Qu’est-ce qui vous a le plus impressionné chez lui ?

Son charisme. Sa capacité à gérer les moments forts de façon pragmatique, fiable et avec beaucoup d’efficacité. Froid devant l’adversité, froid devant les émotions toxiques.

Qu’est-ce que vous avez appris de lui ?

À croire en ses chances, à croire en mes chances. En ses possibilités, en son potentiel et ne pas chercher de prétexte et d’alibi à toute contre-performance. C’est-à-dire regarder la réalité en face.

Il était comme ça ?

Il avait une capacité à observer et à analyser les choses. Et surtout à donner une réponse qui détonnait et qui sortait de l’entendement. Mais en règle générale, c’était ajusté et efficace.

 

En quoi était-il à part ?

Comme chacun d’entre nous, c’est la différence. Une différence qu’il a cultivée. Il n’a jamais essayé de copier qui que ce soit. Il est resté sur son chemin. Il a défriché, élagué, coupé, tronçonné… Il a fait toutes ces choses-là en fonction du terrain sur lequel il était, avec ses armes, ses capacités et son potentiel. Et je crois que c’est une nécessité pour toucher le très haut niveau.

 

Par ce match contre le Real Madrid, Artur Jorge a été précurseur, il a su prendre des risques, bousculer les choses.

Comment vous êtes-vous rencontrés ?

La première fois, c’était au Matra Racing, en 1987. Il venait juste de gagner la C1 avec Porto contre le Bayern. Il est arrivé au Matra, et j’étais entraîneur adjoint à cette époque. Je venais juste d’arrêter ma carrière pro sur blessure, et il est arrivé au club. On était quatre adjoints sous contrat, et il a voulu travailler avec moi. C’est comme ça que j’ai commencé à travailler avec lui au Racing, pendant deux ans. Après, il est retourné au Portugal, à Benfica, et quand il est revenu en France, au PSG, il m’a demandé de travailler avec lui pour la seconde fois. De 1991 à 1994, on a gagné la Coupe de France (1993) et on a été champions de France (1994). On a fait deux demi-finales européennes, contre la Juventus et Arsenal, après avoir sorti le Real Madrid en quarts deux ans de suite. Les gens ne se souviennent que d’un, parce que c’était le match référence de l’ère Canal +. Celui qui a permis de comprendre que l’on pouvait aussi rivaliser au niveau européen, alors qu’en France, ce n’était pas vraiment le cas.

C’est lui qui vient vous chercher en 1998 pour revenir sur le banc du PSG ?

J’étais entraîneur en Ligue 1, au Havre, à l’époque. Il m’a demandé de venir, et le PSG a payé Le Havre pour racheter mon contrat.

Quel est votre meilleur souvenir avec lui ?

Oh il y en a beaucoup, des moments forts. La Coupe de France gagnée 3-0 contre Nantes. L’un des premiers matchs où l’on a compris que l’on était capables de créer l’exploit, c’est lorsqu’on est allés gagner à Naples, 2-0 avec un doublé de George Weah. Et ensuite, évidemment, le match contre le Real, où là, c’était quelque chose hors norme, qui dépasse l’entendement, dont on ne pouvait pas imaginer un tel scénario. Ce match a catalysé tous les efforts réalisés auparavant pour atteindre le haut niveau. Par ce match, Artur Jorge a été précurseur, il a su prendre des risques, bousculer les choses.

 

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Que pouvez-vous nous dire sur l’homme de lettres qu’il était ?

Au stade, rien ne filtrait de son côté poétique, artistique et culturel, ni de son côté érudit. Sur le terrain, à l’entraînement, il y avait essentiellement une concentration et une volonté de transmettre des éléments liés à la réussite sportive et aux résultats essentiellement. Donc l’art, la culture, c’était quelque chose à côté, qui lui permettait très certainement de s’évader et de pouvoir se régénérer en dehors de la pression médiatique et footballistique des résultats.

Il ne partageait donc jamais ça avec le groupe ?

Jamais avec le groupe. On le partageait ensemble, parce que je passais énormément de temps avec lui, mais il parlait très peu aux autres, aux joueurs. Celui qui parlait le plus au groupe, c’était moi quelque part. Entre le marteau et l’enclume, et parfois comme « porteur de sens » aux actions qui étaient menées.

Vous étiez toujours en contact avec lui ?

Oui, bien sûr. Sauf ces derniers mois, ces dernières années, où c’était plus compliqué.

Vous parliez parfois du PSG d’aujourd’hui ?

Ce n’étaient pas les discussions que l’on avait. Nous étions sortis du football depuis déjà quelque temps. Je serais incapable de vous dire ce qu’il en pensait.

Il avait une vision du football décalée. Mais c’est ça qui fait grandir le foot aujourd’hui. D’avoir des entraîneurs capables de faire changer la réalité du football. Comme certains joueurs ont pu le faire. On ne grandit que par des prises de risques, la création de nouveauté.

Et de football ?

Ah ça en revanche, si. Il avait une vision du football décalée. Mais c’est ça qui fait grandir le foot aujourd’hui. D’avoir des entraîneurs capables de faire changer la réalité du football. Comme certains joueurs ont pu le faire. On ne grandit que par des prises de risques, la création de nouveauté. Aujourd’hui, il y a beaucoup de monde qui reste dans le moule. Le football doit changer pour rester en vie. Tout système qui ne bouge pas se sclérose et meurt. Par exemple, quand Artur Jorge est arrivé au Matra, ça a été le premier à mettre en place la concurrence. Il y avait 15 joueurs, 11 titulaires, et 1 ou 2 jeunes qui pointaient le bout de leur nez, mais qui étaient remplaçants. Quand il est arrivé, il a mis en place un système de concurrence en doublant tous les postes. À l’époque, ça n’existait pas. C’était révolutionnaire, avant-gardiste. Pour que le football grandisse, que les joueurs soient meilleurs et se poussent entre eux. À l’époque, il n’y avait pas non plus d’adjoints dans les staffs techniques. Lui et d’autres ont commencé à mettre un ou deux adjoints, un prépa physique, un prépa technique, un prépa mental. Maintenant les staffs techniques sont composés d’au moins 10-12 personnes. À l’époque, il n’y avait pas plus d’un adjoint. Guy Roux n’avait qu’un adjoint. Un entraîneur avait ses joueurs et ne déléguait rien.

Sur une note un peu plus légère, qui avait la plus belle moustache ?

Il y a une grande différence entre nos moustaches. Je suis né avec. C’est-à-dire que je ne me suis jamais rasé la moustache. Je ne l’ai fait que trois fois dans ma vie, pour une Coupe de France avec le PSG, pour un titre de champion de France lorsque j’étais préparateur mental de la Française des jeux en cyclisme et pour un titre de champion de France de rugby avec l’ASM. Alors que lui, il n’a pas toujours eu la moustache.

Donc la plus belle moustache, c’était vous ?

Non ! C’est celle qui est en corrélation avec le visage. Et peut-être que derrière ces moustaches se cache quelque chose. Mais c’est là le jardin secret de chacun d’entre nous.

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Propos recueillis par Julien Faure

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