Danse avec les Loups

La Louvière est une ville belge, habitée à 99% par des Italiens et dont le club de foot commence à tisser des liens étroits avec la France. Nicolas Ouédec y aurait même été aperçu pour la dernière fois en train de marquer un but. Bref, ça valait bien un p’tit détour par la Belgique.

22 juin 2004, 14h00. Des drapeaux verts, rouges et blancs par centaines flottent aux fenêtres des habitations modestes. « VADO A CASA, LUCA ! » hurle une mère à son gamin de 10 ans, déjà velu comme quatre Demis Roussos et trop occupé à mater les filles faisant leur shopping. Dans le petit centre-ville justement, les magasins ne vendent plus que des T-shirts « Forza Italia » , le libraire a écoulé tous ses exemplaires de « La Gazzetta Dello Sport » , le café du Milan AC se rempli et quelques jeunes vêtus du maillot de la Squadra Azzurra se la pètent en vespa…
Pourtant, nous ne sommes pas au sud de l’Italie, mais au nord de la Belgique, à La Louvière, petite ville wallonne de 75 000 habitants en province du Hainaut. C’est ici, au début du siècle dernier, et sur demande de l’état belge, que des milliers d’italiens ont immigré pour suppléer la main d’œuvre nationale au fond des mines. Ceci explique cela.
Enzo Scifo, Daniel Leclerq & Céline Dion
Au départ ça ressemblait à un canular de François Pirette -un comique belge-. Et finalement non, Céline Dion est là ! Nous sommes alors en 2002 et « la femme à René » se pointe à L.L. pour préparer son prochain spectacle à L.A. Elle a suivi Franco Dragone, un organisateur de spectacle à succès, rentré au bercail après un exil aux States. Inutile de dire que l‘arrivée de la Canadienne fut un évènement médiatique sans précédent. Imaginez Johnny à la foire au boudin d’Epinal…
Juste à côté des bureaux de Dragone S.A. trône La Cuisine, un resto italien comme il en existe des dizaines dans la région… à ceci près qu’il appartient à Enzo Scifo, natif des lieux et nouveau manager général du FC Tubize, un club de D2 tout proche.
La Royale Association Athlétique Louvièroise, elle, est en D1. Ou plus exactement en Jupiler League, du nom de la célèbre bière (finalement, avec Orange on a échappé à la Ligue 1 Kronenbourg).
Monté avec le nouveau millénaire, la R.A.A.L. aurait pu redescendre directement si Daniel Leclerq, alors en stand-by depuis son éviction lensoise, n’avait joué les pompiers de service.Sa venue au stade du Tivoli (ça rime avec Furiani…) est l’œuvre d’un homme, Philippo Gaone, le Président. Un gentil mécène, épais et bougon, assez kitsch et fort en gueule, sorte de mix improbable entre Robert-Louis Dreyfus et Louis Nicollin. Et qui sait ce qu’il veut : « le bien du clUb » comme il le répète sans fin, en insistant bien sur le U.
Confirmé à son poste pour la saison suivante, le Druide est finalement débarqué. Le Président veut donner une autre orientation au clUb, conteste ses choix tactiques et sa politique de recrutement. « Ses connards de français, j’en ai pas besoin, il peut retourner avec ! » . Nicolas Ouédec n’a pas convaincu. Contrat résilié à l’amiable. Son périple –péril ?- chinois va commencer.
2003 – 2004, années héroïques
Exit Daniel Leclerq, bonjour Ariel Jacobs, alors entraîneur des Diables Rouges Espoirs. Sous sa houlette, la R.A.A.L. gagne en crédibilité, en notoriété et en Coupe de Belgique ! Dans une édition 2003 délaissée des ténors, La Louvière s’impose contre les flamands de Westerlo au stade Roi Baudouin (ex-Heysel). Un succès synonyme de premier titre et de ticket pour la Coupe UEFA 2004. Eliminés d’entrée – sans démériter – par le Benfica Lisbonne de Simão, les Loups se décomplexent, soignent leur 4-4-2 et jouent les troubles fêtes dans un championnat qu’ils termineront à la huitième place. Loin devant Charleroi et Mons, les deux clubs voisins. Un fait remarquable pour le plus petit budget de D1.
Un jour mon prince viendra
Ce qui n’a pas échappé à Monaco, venu frapper à la porte cet été en vue d’un éventuel partenariat. Le deal ? Les jeunes monégasques viendraient s’aguerrir dans le championnat de Belgique en échange des vedettes du cru. Sûr que la transition risque d’être difficile ; pour certains plus que d’autres…
Albert prend ses quartiers
Mais pour l’heure rien n’est fait et il faut (encore) reconstruire une équipe dirigeante. Comme d’autres avant, le manager sportif et l’entraîneur se sont fait la malle. Le Président Gaone a tranché. Place à Stéphane Pauwels, ancien cadre du LOSC époque Halilhodzic, et à Albert Cartier, au « chomdu » depuis février et la déliquescence de Gueugnon. Il a été engagé pour intégrer les jeunes du centre de formation – un champ de patates ou presque – au groupe pro.La jeunesse ? Une nécessité ! Sylvio Proto, nouveau gardien des Espoirs belges, Mickael Murcy, jeune attaquant venu de Créteil et Michaël Klukowski, ancien de la CFA de Lille, tous trois devenus titulaires indiscutables, peuvent en témoigner.
Il est 23h00. Les supporters crient à la combinazione. Les Scandinaves viennent de se neutraliser 2-2 et éliminent la Nazionale. La scoumoune s’accroche aux Italiens comme Wörms aux défenseurs. Les drapeaux disparaissent doucement des fenêtres. Demain, le café du Milan sera vide et les maillots saillants bleus resteront au placard. Jusqu’au prochain match de Totti & Co. Comme le disait la chanson « Je suis rital et je le reste, et dans le verbe et dans le geste » .
Gunner Greg