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ACTU MERCATO

Comment les clubs de National font-ils leur mercato sans cellule de recrutement ?

Par Loïc Bessière
7 minutes
Comment les clubs de National font-ils leur mercato sans cellule de recrutement ?

Les recruteurs et analystes vidéo sont devenus des rouages essentiels du football moderne. Saint-Brieuc et Le Puy, dénués d'une cellule de recrutement, n’en savent rien. Président ou entraîneur doivent s’improviser scout et directeur sportif à chaque mercato. Plongée dans une partie de Football Manager dans la vraie vie.

Guillaume Allanou décroche dès la première sonnerie. En cette période de mercato, il ne lâche pas son smartphone. « Ce sont plus d’une dizaine d’appels par jour », détaille-t-il. Il faut dire que l’homme à la grande carcasse et à la longue chevelure cumule les mandats. Le président du Stade briochin est aussi entraîneur de la réserve et directeur sportif. Et même enquêteur selon ses dires. Car la cellule de recrutement du septième de National se limite à « moi », en rigole-t-il. Il mentionne aussi le coup de main de la part d’un « superviseur qui écume les terrains N2 et N3 en Bretagne ».

Le premier recrutement, c’est de conserver les joueurs qu’on souhaite garder.

À plus de 700 kilomètres des Côtes-d’Armor, en Haute-Loire, Roland Vieira lui non plus n’est pas en train de savourer des vacances pourtant bien méritées après la remontée du Puy Foot en National. Il cumule lui aussi plusieurs casquettes. À celle d’entraîneur, il ajoute celle de recruteur. « La cellule de recrutement, c’est Olivier Miannay et moi, c’est vite résumé, pose-t-il. Et lui aussi a plusieurs responsabilités, il gère également l’ensemble des salariés et est le directeur sportif de l’ensemble du club. » Zone tampon entre les mondes professionnel et amateur, le National possède des clubs au passé récent en Ligue 2 avec des infrastructures de qualité et un grand nombre d’employés. Et d’autres qui doivent faire preuve d’ingéniosité sur le marché des transferts à cause d’un portefeuille très mince et de l’absence de recruteurs dévoués à cette tâche.

De la vidéo et des contacts

La saison prochaine, le budget du Stade briochin sera de 2,1 millions d’euros, selon Le Télégramme. C’est déjà environ trois fois moins que les 7,5 millions cash investis par 777Partners au Red Star. Alors pour Guillaume Allanou, « le premier recrutement, c’est de conserver les joueurs qu’on souhaite garder. Il faut conserver une forme de stabilité ». Mais après la saison aboutie des Costarmoricains, difficile de garder des éléments qui veulent aller voir plus haut. Ainsi, le portier Maxime Pattier est désormais un joueur de Concarneau. Démarre alors le bal des courtisans : « Le jour de l’annonce de son départ, j’ai reçu des dizaines et des dizaines de propositions pour le remplacer ; des joueurs eux-mêmes, des agents ou des clubs pour des prêts. »

Malgré le début de l’été et le retour des beaux jours, Guillaume Allanou et Roland Vieira s’enferment dans leur bureau et ne lèvent pas les yeux de leur écran d’ordinateur. N’ayant pas la possibilité de superviser les joueurs tout au long de l’année, le président du Stade briochin se nourrit de vidéos et de stats pour compenser cela, dans un premier temps. « Je ne regarde jamais les vidéos d’agents, car ils sont toujours favorables aux joueurs, certifie-t-il. Je regarde toujours des matchs complets. Sur Fuch Sports, on arrive à avoir de la N2 et N3. Je propose ensuite des profils à Didier Santini, l’entraîneur, et lui aussi regarde les vidéos. » Si le profil est validé, le Breton active ensuite son réseau : « Je recoupe mes informations auprès de connaisseurs du sujet, puis je fais passer des entretiens individuels avec des questions sur l’extrasportif, comme le ferait un recruteur en entreprise. On oublie que quand on recrute un collaborateur en entreprise, on passe une série de tests, et que dans le foot, ce n’est pas forcément le cas. Il y a un profil sportif, mais le premier paramètre, c’est l’humain. On essaye de réduire cette partie imprévisible. » S’ils ont moins d’outils que d’autres pour être sûrs de faire une bonne recrue, paradoxalement, les deux clubs n’ont pas le droit à l’erreur, à cause de leur petit budget. « On est obligé de faire des coups dans les niveaux en dessous en promettant aux joueurs d’exister dans ce championnat où les plus gros clubs vont prendre des joueurs confirmés de National, voire de Ligue 2. C’est intéressant d’aller dénicher le petit Walid Nassi ou Aimeric Gomis. La prise de risque fait l’adrénaline du truc, mais c’est plus valorisant de voir ces joueurs performer en National », finit l’entraîneur de la réserve de Saint-Brieuc.

On nous propose des joueurs qui sont meilleurs buteurs en Slovaquie ou au Mali.

Sénégal, Bilbao et détections

Les deux formations de National doivent faire preuve de débrouillardise pour être certaines d’attirer LE bon joueur. Par exemple, pour le recrutement loufoque de joueurs à l’étranger. Roland Vieira reçoit des propositions de « joueurs qui sont meilleurs buteurs en Slovaquie ou au Mali. Mais c’est difficile pour nous d’y aller en toute sécurité, on n’a pas beaucoup de marge de manœuvre pour tenter des coups ». À défaut de pouvoir observer les éléments évoluant à l’étranger, les Auvergnats se focalisent sur un seul pays. « On a développé un réseau sur le Sénégal et dans les années à venir, on a envie d’aller voir ce qui se fait dans les académies », sort l’entraîneur. Le Sénégal, c’est la nationalité d’Amadou Sagna, seul joueur venu d’en dehors des frontières de la France au Stade briochin (prêté par le FC Bruges) en partie grâce… au travail du gardien remplaçant. « Il y a eu un gros travail de recoupage d’informations par notre entraîneur des gardiens et la doublure, son compatriote Cheick N’Diaye. Sans lui, on ne l’aurait probablement pas fait. Il joue aussi un rôle de tutorat en interne pour faire en sorte qu’il soit bien », décrit Guillaume Allanou. Ce dernier ne va souvent pas chercher bien loin ses recrues, à l’image de sa dernière Léo Yobé, Costarmoricain exilé à Vannes. Guillaume Allanou : « J’essaye de cultiver une identité bretonne, du Grand-Ouest, même si l’on n’est pas l’Athletic Bilbao. Il y a déjà assez de bons joueurs dans le secteur, et je veux qu’il y ait une identité à laquelle je sois attaché. Et c’est aussi plus pratique pour nous. »

Cette année, Le Puy a décidé d’innover. Les 7 et 8 juin, les Ponots ont organisé une détection avec une vingtaine de joueurs, majoritairement des éléments assez jeunes. Une première pour le club. « Ce sont des joueurs capables de faire du complément d’effectif et de pointer le bout de leur nez durant la saison ou des projets de post-formation, développe le coach. On va essayer de trouver un, deux voire trois joueurs à fort potentiel. C’est mis en place car on n’a pas toujours la possibilité dans l’année de se déplacer pour les voir jouer dans la saison. » Si ces jeunes ne sont pas conservés à l’issue de la détection, ils resteront quand même dans les radars du tandem Vieira-Miannay. « On a un listing de joueurs suivis depuis des années et on essaye de tenir ça à jour avec des données récoltées tous les ans, souffle l’entraîneur des Altiligériens. On travaille dessus toute l’année pour anticiper. » Car chez les petits budgets de National, le mercato ne s’arrête jamais.

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