Ca Ribéry pour la France !

Christian Jeanpierre n’y entend rien au football. « Thierry Henry, le grand homme du match » , a-t-il exulté. Leçon à retenir : deux buts et tout s’efface. Tout ce qui est passé à côté, au-dessus, n’a pas été joué, n’était pas là pour le jouer, n’était pas dedans, était arrêté, statique, ne décrochait pas pour jouer l’appui quand il le fallait, tout ça, aux oubliettes, il y en a deux au fond, le reste, pfff…Christian Jeanpierre n’y entend rien au foot, car Thierry Henry n’a pas été bon ce soir, mais Christian Jeanpierre a raison : « L’important, c’est les 3 points » , et les 3 points, c’est 2-0, et deux fois Henry, salut l’artiste, 43 au total, c’est beau, c’est chaud, « ça se passe pour Thierry Henry », salutation au Roi Heenok et à Tony Parker.

Tout va donc se jouer contre l’Ukraine, Raymond Domenech l’avait prévu, cet homme connaît les astres, c’est évident, et depuis l’Écosse, on s’en doutait sévèrement et il eût été dommage qu’il en fut autrement. ET POURTANT ! 80 minutes de stress contre ces jaunes et verts qui semblèrent par moments presque chez eux à la Beaujoire (nom d’un petit cheval à bascule, ce Ksanavicius qui fait l’amour à Toulalan et Abidal dans la surface avant d’enrouler du gauche sur le poteau à la 18e…). Il y eut, ce soir, les moments de flottements qu’on n’aime pas trop, il faut être franc, dans la défense à six de l’équipe de France. Israël, Bulgarie, Écosse, il y eut aussi de cela ce soir, dans l’air iodé, ne l’oublions pas.

Pour autant, la France aura par moments aussi, souvent même, soyons généreux, fait plaisir à voir quand elle avait le ballon. Et surtout ces deux-là : Ribéry et Benzema. Oh la la la, Ribéry, Benzema, on sent le coeur qui bat, on sent la pulsion, on sent la vie, on sent que c’est là, dans leurs pieds à ces deux-là, que l’avenir se joue. Ben Arfa trop jeune, trop brouillon, trop « pas assez », même pour la Lituanie. Henry, toujours là, finalement, mais s’en est fallu de peu qu’on réclame sa tête sur un plateau d’argent et qu’on en finisse…tout est bien qui finit bien, 43, une pointure.

43, c’est sans doute le nombre de buts qu’aura marqués Benzema le jour de sa 43e sélection, s’il continue à surclasser tout le monde sur le terrain – sauf Ribéry, roi de Bavière, on sait pourquoi, il est partout, le jeu s’arrête, il continue, le jeu se ralentit, il l’accélère, les siens baissent les bras, il les lève au ciel, Ribéry, c’est 60 minutes sur 90 dans un match, mais 60 minutes qui en valent 120. Et surtout, Ribéry sait tout faire. La talonnade de la 32e, sans mouvement de la cheville, ni du talon, juste le buste, qui décale, tout le monde dans le vent, Henry tout seul…but ?!?…panneau publicitaire, si c’est pas tribune…

Bref, la France l’avait dans les pieds ce match, dès le début, et si la défense n’était pas apparue si frileuse (Diarra, pas au top, Abidal-Thuram-Gallas, fin de sieste, pâteux, les yeux qui collent), sûr qu’on n’aurait pas flippé un instant malgré une équipe de Lituanie qui avait le mérite de ne pas plomber le rythme, d’y croire un peu quand même, avec ses joueurs – surtout Ksanavicius – qui avaient tous envie de briller sous les yeux des recruteurs français, on ne sait jamais.

Le problème de la France était simple : ça manquait de largeur. Diarra ne collait pas la ligne, ne pensait qu’à percuter en repiquant dans l’axe, gros béta, et de l’autre côté, Malouda faisait son match, mais sans plus, en tout cas sans déborder-centrer, malgré une demi-volée sur la barre qui aurait mérité meilleur sort, comme on dit. Ca manquait de largeur, ça manquait de centres, et rapidement, ça a manqué d’un but pour dégoupiller, enfin. Que ça leur pète à la gueule à ces Lituaniens, merde quoi !

Alors Domenech a eu une bonne idée : il a fait entrer du rongeur de ligne potentiel, du bouffeur de craie, à la place de Diarra, parce qu’en fait, cinq joueurs à vocation défensive, ça suffisait amplement (ah, si la France avait joué à cinq derrière au lieu d’être à six dès le début !…), d’autant que Toulalan et Makelele recevaient à la maison, à la limite, Toulalan tout seul, ç’aurait pu suffir ce soir, il avait trois poumons et le public pour les gonfler…

Donc Ben Arfa est entré, à 20 minutes de la fin. L’avait sans doute l’impression de tenter le tout pour le tout, Raymond. Ben Arfa a mal débuté (premier ballon, bam, il se laisse aspirer dans l’axe), mais bien fini : il a centré. Or ça manquait de centres. Celui-là n’était pas très franc du collier, pas très clair, pas très beau, mais il est parvenu à Henry qui a visé le bas du short de Ribéry, au niveau de l’entre-jambe, une combinaison répétée à l’entraînement et évidemment inarrêtable pour le gardien, qui ne sait jamais si le coton du short sera suffisamment rigide pour stopper la balle, la détourner totalement ou la freiner sérieusement. En l’occurence, le frotti frotta ne perturba que très peu la trajectoire, et le gardien lituanien s’inclina une première fois, avant de récidiver pour de bon sur un appel en profondeur du même Henry qui se rappelait qu’il avait marqué son premier but en pro à la Beaujoire (avec Monaco), et donc que l’endroit était idéal pour battre enfin ce vieux record de Platoche.

2-0, plié, parfumé, y a plus qu’à…Parce qu’entre temps, l’Écosse a perdu, 2-0 aussi, en Géorgie. Si la France gagne en Ukraine, ou si l’Italie bat l’Écosse, ou si Italien et Écossais font match nul et que la France fait le nul en Ukraine, la France est qualifiée pour l’Euro. Y a plus qu’à, mais avec des joueurs de la classe de Ribéry et Benzema, y a toutes les raisons d’y croire.

Célestin Burnin