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Baloji : « Pour rentrer en Europe, le ballon reste le plus simple »
Le rappeur congolo-belge Baloji (ex de Starflam) aime le foot, la Jupiler League, le Standard de Liège et évidemment la CAN, malgré l'absence des Diables rouges (qui ne l'ont pas remporté depuis 1972). En pleine promo de son nouvel album, entre rumba, hip-hop et soul, largement enregistré « au pays », il trouve le temps de disserter sur le foot d'outre-Quiévrain, la place du ballon dans la vie africaine et l'inégalité nord-sud.
Comment se retrouve-t-on supporter du Standard de Liège ?
Parce que je suis de Liège tout simplement. Franchement je trouve que c’est un club qui vibre. J’étais encore au stade il y a dix jours, et je le ressens toujours. Bien sûr, on parle d’un petit championnat européen, avec un niveau pas extraordinaire et je conçois parfaitement que la Jupiler League ne fasse pas trop rêver. Je trouve simplement qu’il y demeure une certaine émotion, et cette année cela produit de beaux parcours en Europa League. Quand le Standard a été champion voici deux saisons, c’était la folie dans la ville, une hystérie un peu similaire à celle qui s’est emparée de Marseille quand l’OM a de nouveau remporté le titre. Finalement il existe un peu une sorte de rivalité Paris-Marseille aussi chez nous, d’ailleurs c’est le même propriétaire.
La CAN version 2012, une pronostic, un favori?
Pour moi c’est d’abord une CAN de transition, ce qui la rend vraiment passionnante. D’une part de grandes nations qui d’habitude dominent les débats, comme l’Égypte, sont absentes. De l’autre, on assiste au sein de beaucoup de sélections à un passage de générations, dans le cas de la Côte d’Ivoire par exemple. Puis je trouve intéressant qu’un pays comme la Libye se soit qualifié malgré la situation politique. Après, le Maroc était censé tenir un peu le rôle de favori naturel ! D’ailleurs avec un Belge au poste d’entraîneur, Éric Gerets, un ancien de l’OM, tout se tient finalement…
Le Congo est encore absent, comment explique-tu cette faiblesse du foot congolais ?
Basiquement, c’est à l’image du pays . Tout manque, les infrastructures, l’accompagnement du sport de haut niveau…tout le contraire de pays voisins comme le Cameroun notamment. Cela dit il est également absent. Peut-être également le manque de sportifs qui ont marqué l’histoir, tel Samuel Eto’o. Je ne vois pas trop de grand joueurs congolais en activité aujourd’hui. Je connais un peu Dieumerci Mbokani qui évolue aujourd’hui en Belgique après avoir été à Monaco. Deux ou trois autres noms peut-être. C’est dommage car sur place le foot existe puissamment. Dans ma ville natale, Lubumbashi, il y a un grand club, l’un des plus importants du pays.
C’est peut-être aussi à cause de cette ruée vers l’Europe des jeunes joueurs africains. C’est d’ailleurs une thématique – le mirage occidental- assez présente dans tes textes ?
C’est la logique actuelle du mirage européen et en même temps en face tu retrouve des clubs qui pratiquent le système du pro rata. Ils importent 15 joueurs en espérant en garder un ou deux qui vont passer l’hiver, dans tous les sens du terme. C’est implacable comme toutes les inégalités économiques. Je sais dans quoi, dans quel état d’esprit, sont tous ces jeunes dans les centres de formations en Afrique. Si la notion d’eldorado européen a un sens, le modèle le plus symptomatique s’incarne dans le foot. Et comment les contredire, quand tu vois que le foot européen écrase tout, que c’est la que se trouve les plus grosses équipes, l’argent, les infrastructures, les opportunités.. et que pour rentrer en Europe, le ballon reste désormais la clé la plus simple. Honnêtement c’est dur d’imaginer un renversement de tendance. Surtout que les championnats émergeants se situent quand même dans des états qui possèdent une économie stable et dynamique… Même les USA ont mis une bonne dizaine d’années pour rattraper un peu leur retard.
Tu ne trouve pas inquiétant cette ferveur autour du foot en Afrique, tout comme pour la religion?
Je ne suis pas contre cette idée, sans aller aussi loin. Regarde une nation comme l’Espagne et l’engouement autour de la sélection, alors qu’ils vivent une des pires crises de ces vingt dernières années. Pour moi, à ce propos, je ne perçois pas de distinction entre Africains et Européens, sur le rôle social « liant » du foot. Il se produit un truc super fort dans certains endroits autour du ballon, c’est tout. Je l’ai bien compris quand nous sommes allés jouer en Amérique du sud. Nous avons vu un match de Flamengo, c’était de la folie. Un peu comme lorsque j’étais à Kinshasa lors de la dernière coupe du monde: les matchs étaient diffusés gratuitement et l’ambiance électrique.
Baloji « Kinshasa Succursale » (Crammed disc)
Propos recueillis par NKM