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Au Maroc, le foot au cœur des manifestations contre le gouvernement
Depuis une semaine, le Maroc est secoué par d’importantes mobilisations. Au cœur des préoccupations des manifestants : la dégradation des services publics et de leurs conditions de vie, alors que le pays investit massivement pour accueillir la CAN dans quelques mois, puis le Mondial en 2030.

« Les stades sont là, mais où sont les hôpitaux ? » ; « Nous voulons des hôpitaux, pas seulement des stades ! » Parmi les principaux slogans repris par les manifestants descendus dans les rues des grandes villes marocaines ces derniers jours, nombreux sont ceux qui pointent du doigt l’argent investi dans les stades de football. Depuis le samedi 27 septembre, ils sont des milliers, jeunes pour la plupart, à protester quotidiennement contre l’effondrement des services publics du pays. Un mouvement qui trouve son origine dans le décès de huit femmes enceintes admises à l’hôpital d’Agadir pour des césariennes ; autant de drames qui ont rappelé le manque de moyens du système public de santé. Cette situation tranche avec les sommes mirobolantes dépensées pour accueillir la Coupe d’Afrique des nations à la fin de l’année, puis la Coupe du monde (aux côtés de l’Espagne et du Portugal), en 2030.
Mouvement collectif
Un mouvement dirigé par le collectif GenZ 212 (en référence à la jeune génération qui le compose et à l’indicatif téléphonique du Maroc), apparu sur Discord et qui rassemble désormais environ 150 000 membres sur sa page. Si ce dernier se revendique comme pacifique, se présentant avant tout comme un « espace de discussions », les manifestations se sont peu à peu intensifiées au fil des jours face à la situation. Le ministère marocain de l’Intérieur faisait état de près de 300 blessés et 409 personnes placées en garde à vue ce mercredi. La nuit suivante, trois autres ont été tuées à Lqliaâ par des gendarmes, après s’en être prises à un commissariat.
Ces violences ont poussé GenZ 212 à appeler à la démission du gouvernement pour « son échec à protéger les droits constitutionnels des Marocains et à répondre à leurs revendications sociales ». Le système de santé n’est pas la seule institution visée par les manifestants, qui réclament également des investissements dans le système d’éducation et un meilleur accès à l’emploi. Selon le Haut-Commissariat au plan, le pays connaissait en effet un taux de chômage de 13,3% en 2024, dont 36,7% chez les 15-24 ans. La lutte contre la corruption apparaît également parmi les principales préoccupations des manifestants.
Les stades de la colère
Dans ce contexte, les montants dépensés pour organiser la CAN en décembre et janvier prochains puis la Coupe du monde dans cinq ans sont forcément au cœur de la colère. Selon la presse marocaine, la rénovation de six stades doit coûter près de 900 millions d’euros (dont plus de 300 millions pour le Grand Stade de Tanger, enceinte de 75 000 places). Auxquels doivent encore s’ajouter 470 millions pour le seul stade de Casablanca, enceinte de 115 000 places qui sortira de terre d’ici la grand-messe de 2030. « Ce parallèle (avec un système de santé en crise) a touché beaucoup de jeunes, d’autant qu’ils voient l’État injecter des milliards dans les stades, alors qu’eux-mêmes, même diplômés, n’ont aucune perspective de vivre dignement », décrypte Mehdi Alioua, sociologue à Sciences Po Rabat-UIR, interrogé par France 24.
Ces derniers jours, l’international marocain Azzedine Ounahi a soutenu la mobilisation en partageant des photos de personnes interpellées sur son compte Instagram. « Mon cœur est avec tout ce qui se passe », a pour sa part écrit le défenseur marseillais Nayef Aguerd sur le même réseau social, imité par Sofyan Amrabat : « Ensemble, avec respect et unité, pour un Maroc meilleur et plus fort, inch’Allah ! » Yassine Bounou, Bilal Nadir et plusieurs autres joueurs des Lions de l’Atlas ont également apporté leur soutien au mouvement en partageant une image portant le message « Pour nos droits, pour la dignité, pour la santé et l’éducation ».
🔴 La story de Nayef Aguerd : « (…) Je suis attentivement les revendications parfaitement légitimes sur la santé et la scolarité. Elles montrent l'amour des marocains à un pays qu'ils veulent voir évoluer. Elles doivent se faire dans une paix totale, loin de toute violence… » pic.twitter.com/h9S9Vo23Us
— 🇲🇦 𝐄𝐥 𝐌𝐚𝐳𝐢𝐧𝐡𝐨 (@Mocrocito) September 30, 2025
Une contestation partie pour durer, alors que le gratin du football africain débarquera dans le Royaume à partir du 21 décembre ? « Il y aura un avant et un après, parce que, même si cette mobilisation finit par s’étioler, cette gronde ne cessera pas, prédit encore Mehdi Alioua. La colère exprimée et les slogans scandés ont trouvé un écho profond chez beaucoup de Marocains. » Une nouvelle illustration du fait qu’en 2025, le sport le plus populaire du monde se fiche pas mal des préoccupations sociales et de la situation économique dans les pays où il met ses gros pieds. Le tout avec la bénédiction de gouvernements ravis de l’accueillir chez eux en (très) grande pompe.
Violentes manifestations contre les dépenses pour la CAN et le Mondial au MarocPar Tom Binet