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Fabián Ruiz : faux lent, vrai argument
Souvent critiqué pour sa neutralité et son manque d’apport – du moins visible – dans le jeu parisien, Fabián Ruiz se montre enfin à son avantage depuis le début de l’année civile. Une révolution qui tient beaucoup au contexte global de ce PSG ultra-dominant, pour le plus grand confort de l’Espagnol.

L’action a fait le tour du monde, principalement pour le crochet dévastateur de Khvicha Kvaratskhelia, le cassage des reins du pauvre Axel Disasi ou le missile envoyé sous la barre par le Géorgien. Mais si ce magnifique deuxième but parisien contre Aston Villa a été rendu possible, c’est aussi grâce à une action parfaite dès son lancement, à commencer par ce changement d’aile sur un pas de Fabián Ruiz, qui lui vaudra d’être crédité de sa quatrième offrande de la saison en Europe. Une séquence qui illustre en partie la dimension prise par l’Espagnol dans la construction, lui qui a si souvent été pointé du doigt pour sa propension à ralentir le jeu parisien depuis son atterrissage au pied de la tour Eiffel, il y a bientôt trois ans. Accusé d’être trop neutre, l’ancien Napolitain s’est enfin rendu indispensable en même temps que ce PSG version 2025 trouvait la bonne recette pour tout écraser sur son passage. Six mois après avoir vu depuis le banc de l’Emirates Stadium Vitinha, João Neves et Warren Zaïre-Emery prendre le bouillon, Fabián Ruiz peut-il être le facteur X de l’entrejeu rouge et bleu dans cette demi-finale face à Arsenal ?
« Fabián Ruiz correspond très bien à la philosophie de Luis Enrique »
Il aura donc fallu attendre sa troisième saison pour voir Fabián Ruiz éteindre peu à peu les blagues sur la différence de niveau entre le milieu de terrain relativement lent et trop rarement décisif aperçu à chaque sortie sous la tunique parisienne – buteur contre Nice, le voilà impliqué dans dix buts depuis janvier, soit autant que sur l’ensemble de l’année 2024 – et le garçon sûr de son fait dès qu’il enfile la liquette de sa sélection. Un nouveau statut qui tient tout d’abord d’un effet d’aubaine avec la blessure de Warren Zaïre-Emery, fin janvier sur la pelouse de Stuttgart. Mauvaise nouvelle pour le titi adoré du public parisien, sur le flanc au moment où le club de la capitale se met subitement à terroriser un à un tous ses adversaires. Un contexte de domination totale dans le jeu qui convient parfaitement à notre homme. Remplaçant naturel de WZE dans un premier temps, le gaucher se sent vite comme un poisson dans l’eau au sein d’une équipe qui ressemble de plus en plus à la Roja championne d’Europe.
Fabián Ruiz s’inscrit dans l’idée de Luis Enrique, selon laquelle l’équipe est l’addition des caractéristiques de tous les joueurs.
Un édifice construit par la volonté d’un entraîneur bercé aux préceptes du jeu défendus de l’autre côté des Pyrénées. « Fabián Ruiz s’inscrit très bien dans l’idée de Luis Enrique, selon laquelle aucun joueur n’est au-dessus de l’équipe, mais au contraire cette dernière est l’addition des caractéristiques de tous les joueurs, appuie Juanmi Puentenueva, qui a vu le jeune andalou faire ses classes au sein de l’académie du Real Betis, avant d’être son entraîneur lors de son passage dans l’équipe U18 du club. Il correspond très bien à cette philosophie. Je crois qu’au niveau du jeu, c’est un joueur indiscutable et que le PSG doit s’estimer heureux de pouvoir compter sur un garçon comme Fabián. » Un constat aujourd’hui partagé par l’homme qui lui avait offert sa première sélection, avant de choisir de se passer de lui pour la Coupe du monde 2022 au Qatar. « Il a parfois été critiqué, mais c’est l’un de mes meilleurs milieux de terrain, énumérait Enrique en février dernier. Il sait jouer en fonction de ses coéquipiers. Il peut faire des passes décisives, jouer entre les lignes, jouer sans ballon, créer des occasions, il a une bonne frappe. Ne pas l’avoir pris au Mondial en tant que sélectionneur a été une erreur de ma part. »
Un rare mea culpa de la part de l’Asturien, qui souligne la capacité d’adaptation du caméléon Ruiz, capable de se plier à ce que le jeu réclame : tantôt troisième relanceur aux côtés des centraux, tantôt casseur de ligne par la passe, ou même soutien de ses attaquants dans le dernier tiers. « Je crois que c’est une équipe où on s’amuse beaucoup parce qu’on a souvent le ballon. Je n’aime pas courir après le ballon. On s’identifie sur ça, c’est quelque chose de positif pour notre équipe et moi-même », se réjouissait, il y a quelques semaines, celui dont la complémentarité avec Vitinha et Neves saute de plus en plus aux yeux. Sans pour autant s’affirmer comme un leader, ce qui a parfois pu lui être reproché : « Je ne dis pas que je ne me sens pas important. L’entraîneur me donne une confiance assez forte, c’est important pour moi. » Déjà un sacré pas en avant pour le porte-bonheur de la Roja – invaincu en 35 sélections –, qui a vu sa série de 51 rencontres sans revers en Ligue 1 s’interrompre contre les Aiglons.
Dominer c’est Fabián
Débarqué au club de la capitale fin août 2022, Fabián Ruiz a mis du temps avant de faire l’unanimité. Souvent considéré comme un second couteau, l’international espagnol a réussi cette année à retourner l’opinion, au point de se faire aimer de supporters jusqu’alors très critiques à son égard, en devenant un homme clé du système mis en place par Enrique. Selon Puentenueva, ce nouveau statut est surtout le fruit d’un travail acharné : « Avec la régularité, le travail et les sacrifices, en faisant ce que demande l’entraîneur, Fabián a gagné sa place de manière logique. Je crois que c’est l’un des joueurs les plus importants pour son équipe à ce poste », pose son ancien formateur. Avant de poursuivre : « C’est un joueur qui s’améliore chaque saison. Cette année, je crois qu’il a augmenté sa participation au jeu, il est davantage protagoniste. Il canalise son jeu de meilleure manière, est plus impliqué offensivement et il me semble aussi qu’il a augmenté son intensité à la récupération. Il est aussi très bon pour venir en aide à ses attaquants et apporter un plus dans le secteur offensif. » Les chiffres appuient cette métamorphose et son précieux apport dans le jeu. Le milieu ibérique amène près de quatre actions menant à un tir par match, réussit en moyenne 89,8% de ses passes et fait plus de sept passes progressives par rencontre. Sans oublier de se montrer précieux dans sa capacité à avaler les kilomètres à haute intensité.
Étant petit, il a été forcé de beaucoup améliorer sa technique individuelle. Autant de qualités qu’il a réussi à garder après sa poussée de croissance.
Comme évoqué précédemment, cette aisance balle au pied crève l’écran quand son équipe ultradomine son sujet, mais elle puise ses origines dans ses années au Betis, lorsque l’actuel plus grand joueur de champ du PSG mesurait plusieurs centimètres de moins : « À 13-14 ans, il était vraiment très petit, et en deux mois il est devenu plus grand que tous ses coéquipiers. Avant cela, il avait du mal à jouer à cause de cette différence physique, jusqu’en U14 environ. Vers 15 ans, il s’est transformé pour devenir le joueur que l’on connaît aujourd’hui, qui dans un 4-3-3 peut jouer comme relayeur ou en dix, rejoue celui qui continue de suivre de près le parcours de son ancien protégé depuis son départ d’Andalousie. Je crois que cette situation a vraiment été la bienvenue pour lui. Étant petit, il a été forcé de beaucoup améliorer sa technique individuelle, il devait penser plus vite pour passer, dribbler avant. Cela lui a permis d’accélérer sa prise de décision. Autant de qualités qu’il a réussi à garder après sa poussée de croissance. » Cette aisance technique au-dessus de la moyenne était aussi nécessaire pour que l’Espagnol évite un maximum les duels, trop durs à encaisser pour son gabarit du moment. Cette frilosité à aller au duel, Ruiz, qui pèse environ 70 kg, l’a conservée. En moyenne cette année, il ne tacle que deux fois par rencontre et n’intercepte même pas un ballon (0,91). Pire, selon les données de Fbref, le milieu d’1,89 m n’a remporté que six duels aériens cette saison.
🤔 Les supporters du PSG se demandent souvent pourquoi Luis Enrique aime autant Fabian Ruiz 🇪🇸 La réponse est simple : il cavale ! 🏇 Outre son soyeux pied gauche, Fabian le faux-lent avale les kilomètres à haute intensité. Au passage, vous aimez bien ce nouveau design ? 👀 pic.twitter.com/TGv37ykNs8
— Data'Scout (@datascout_) March 28, 2025
Mais si Lucho lui fait une confiance aveugle, c’est surtout pour son travail de l’ombre. Didier Deschamps, qui l’a observé à de nombreuses reprises pour préparer la demi-finale de Ligue des nations entre la France et l’Espagne le 5 juin prochain, a la même analyse que son homologue : « Vous ne voyez pas le nombre de courses qu’il fait pour les autres. » S’il devrait logiquement être titularisé ce mardi, c’est également pour une caractéristique bien spécifique : « Contre Arsenal, je crois que la clé est de les priver du ballon. Fabián comprend très bien cette philosophie du foot espagnol prônée par Luis Enrique, analyse Puentenueva, qui espère bien voir son petit protégé soulever la coupe aux grandes oreilles, le 31 mai. Arsenal est en difficulté quand tu les presses, que tu ne leur laisses pas le temps d’installer leur jeu. Je crois que Fabián peut largement aider le PSG dans cet objectif. » Face à des Gunners qui ne sont que la 17e équipe, dans cette campagne européenne, en pourcentage de possession (50,8%, derrière le Celtic, Gérone ou encore Stuttgart), les Parisiens, au talon du Bayern Munich avec leurs 63,5%, peuvent logiquement espérer être dominants sur la pelouse de l’Emirates. Rien de tel pour voir Fabián Ruiz réciter sa meilleure partition.
Ousmane Dembélé incertain pour le match retourPar Tom Binet et Thomas Morlec
Propos de Juanmi Puentenueva recueillis par TB.