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Braida : « Ibrahimović n’a pas encore les compétences pour être l’homme fort du Milan »
Directeur sportif de l’AC Milan durant plus d’un quart de siècle, Ariedo Braida suit toujours de très près l’actualité de son « amour de toujours ». Alors que le septuple champion d’Europe est en pleine crise sportive et institutionnelle, l’ancien bras droit de Berlusconi et Galliani ne mâche pas ses mots.

Il y a un temps pas si lointain, en mai 2022, l’AC Milan retrouvait le sommet du football italien en remportant son 19e Scudetto. Beaucoup pensaient alors que le club rossonero était de retour sur le devant de la scène italienne et européenne (demi-finale de Ligue des champions la saison suivante), avec un effectif de qualité, un entraîneur devenu le chouchou de San Siro et une politique sportive, emmenée par Paolo Maldini, ambitieuse et cohérente. Deux ans et demi plus tard, le Milan est retombé aussi vite qu’il était remonté. La faute à un changement de direction, une instabilité sportive et institutionnelle, des choix incompréhensibles et des individualités au fond du trou. « Je suis attristé par la situation du club, j’ai travaillé pendant des années pour le club et le voir dans cet état, ça me fait mal », s’inquiète au bout du fil, Ariedo Braida.
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Durant plus de 27 piges, Braida a été le directeur sportif du Diavolo et le bras droit d’Adriano Galliano. Si désormais, c’est loin de Milan que l’ancien attaquant continue à exercer sa fonction de directeur sportif pour le club de Ravenna (Serie D), il garde toujours un œil avisé sur « son amour de toujours ». Le lendemain de la défaite face à la Lazio (1-2), la troisième consécutive en championnat, Ariedo Braida revient sur les maux de l’AC Milan et les raisons qui expliquent la situation actuelle du club.
Si tu devais décrire la situation actuelle du Milan en un mot, ce serait lequel ?
Si tu me permets de le faire en deux mots : crise d’identité et manque de sentiment d’appartenance. Ce sont les deux principales raisons qui expliquent la situation actuelle du club. Depuis quelques années, les dirigeants ont fait de grosses erreurs, à tous les niveaux, et les conséquences sont qu’on a un club et une équipe sans identité.
Les matchs s’enchaînent, les défaites également et cette équipe n’a aucune réaction. On a l’impression de voir des joueurs qui ont abdiqué.
Cette équipe est au plus bas, surtout mentalement. Sur le terrain, cela se ressent par les attitudes, c’est un bateau qui coule et qui n’a pas de capitaine pour le sauver. Au début de saison, je l’avais déjà prédit : ce Milan-là ne sera pas compétitif. Le club est trop instable, il n’y a pas de direction claire, les entraîneurs se succèdent, l’effectif change saison après saison.
Ce qui manque au club, c’est un guide, un homme fort comme l’était Silvio Berlusconi.
Cette instabilité explique la crise milanaise ?
Pour qu’un club soit ambitieux, il doit avoir de la continuité, c’est indispensable. Il faut par exemple miser sur un entraîneur à qui tu fais confiance et que tu laisses travailler pendant 2-3 ans, dix ans si c’est possible.
Striscione di protesta anche a Milanello @MilanNewsit pic.twitter.com/VbI1NwNUjc
— Antonio Vitiello (@AntoVitiello) February 28, 2025
Justement, les entraîneurs. Au début de saison, on estimait que le responsable était Paulo Fonseca, désormais c’est Sergio Conceição. Ont-ils leur part de responsabilité ou bien c’est mission impossible d’entraîner actuellement le Milan ? Conceição a parlé d’un « environnement malsain ».
C’est difficile pour un entraîneur de bien travailler dans un club où tout va mal. Un club de football, c’est une pyramide : si tout en haut, le travail est mauvais, cela affecte directement le bas de la pyramide. Un entraîneur ne peut pas espérer avoir des résultats lorsque sa direction ne travaille pas bien. Certains estiment qu’il faut encore changer d’entraîneur, mais le résultat sera le même.
On a connu un Milan performant et ambitieux, il y a encore quelques saisons, avec notamment le Scudetto en 2022 et une demi-finale de Ligue des champions en 2023. Comment en est-on arrivé là ?
Les joueurs sont responsables, c’est certain. Mais c’est difficile pour eux d’être performants lorsqu’ils évoluent dans un club qui a perdu son identité. Ce qui manque au club, c’est un guide, un homme fort comme l’était Silvio Berlusconi. Avec des personnages comme Berlusconi ou Galliani, qui se donnaient à 1000% pour le club, cela permettait d’avoir une ligne directrice pour les joueurs et l’ensemble des employés du club. On savait où aller et comment le faire.
Lorsque j’étais directeur sportif du club, la première question que je me posais était la suivante : quel joueur est capable de jouer à Milan et à San Siro ?
Paolo Maldini avait cette figure. Son licenciement a été perçu comme un manque de respect à l’encontre d’une légende du club. Est-ce que cette séparation illustre la situation actuelle du club ?
Son licenciement a été une grossière erreur de la part des dirigeants. Paolo Maldini est une légende, qui travaillait très bien et représentait de la meilleure des manières l’institution milanaise. C’était le point de référence pour le club et les joueurs, dont beaucoup ont été attristés de son départ. Paolo Maldini, comme son père, a fait l’histoire du club. À Milan, on ne plaisante pas avec cet héritage. Le licencier, surtout de cette manière, n’est pas excusable. L’absence de Maldini dans la direction explique la situation actuelle du club. Sans point de référence, comme l’ont été Berlusconi, Galliani et dernièrement Maldini, c’est impossible d’avoir de l’ambition et donc des résultats. La politique du Milan ne peut pas être lisible quand il manque cet homme fort pour guider le navire.
Il y a Zlatan Ibrahimović aujourd’hui.
Ce n’est pas un point de référence, un homme fort. Ibrahimović n’a pas encore les compétences et l’expérience pour être cet homme fort, capable de diriger le club, c’est seulement un communicant.
Le licenciement de Maldini, la vente de Tonali : la politique du Milan est difficilement compréhensible. En tant qu’ancien directeur sportif du club, quel est ton regard là-dessus ?
On s’en doutait déjà à l’époque, mais on en a la certitude désormais, ces choix ont des conséquences désastreuses. Je ne me permettrais pas de dire que cette direction est incompétente, mais c’est certain qu’elle a fait énormément d’erreurs qui ont plongé le club dans cette situation. Pour en revenir sur le mercato et le choix des joueurs, lorsque j’étais directeur sportif du club, la première question que je me posais était la suivante : quel joueur est capable de jouer à Milan et à San Siro ? Il y a plein de joueurs talentueux, mais le talent ne fait pas tout. À Milan, il faut avoir du caractère pour réussir. Sur les choix des joueurs, Capello me faisait toujours confiance, car il savait que je lui ramenais des tops joueurs, mais avec du caractère.
Les derniers joueurs recrutés par la direction manquent de caractère ?
À Milan, plus qu’ailleurs, il faut avoir une forte personnalité et être capable de subir la pression. Il y a des joueurs très talentueux, mais qui n’ont pas réussi à Milan, comme De Ketelaere, car la pression était trop forte. Quand les choses vont bien, les supporters sont derrière toi, tu ne ressens pas la pression. Mais quand la situation est plus difficile, que les sifflets commencent à s’entendre dans San Siro, que les défaites s’enchaînent, c’est là qu’on voit la personnalité des joueurs. Et actuellement, on voit que la grande majorité de cette équipe n’a pas les épaules pour jouer au Milan.
Le Milan n’a pas de leaders ? Pourtant, il a dans ses rangs des cadres comme Rafael Leão, Theo Hernandez ou Mike Maignan.
Ce ne sont pas des leaders ! Des joueurs talentueux, certes, mais pas des leaders capables de souder l’équipe et de relancer la machine. Il suffit de voir l’attitude de Theo Hernandez lors des derniers matchs et notamment contre Feyenoord. Ils n’ont pas la régularité et la personnalité pour être des leaders. Aucun joueur actuel du Milan ne coche ces cases.
Si Ariedo Braida était aujourd’hui nommé directeur sportif du Milan, que ferait-il ?
Avant tout, je dresserais un bilan de ce qui ne va pas. Qu’est-ce qui ne va pas au club actuellement ? L’absence d’identité et la crise d’appartenance. En tant que directeur sportif, je partirais sur des joueurs italiens qui manquent cruellement au Milan. Un groupe de 4-5 joueurs italiens, comme à l’Inter par exemple. Cela permet de créer une identité. Et bien évidemment, recruter des joueurs avec du caractère et de la personnalité, c’est le plus important !
Milan s’offre une remontada dantesque à LeccePropos recueillis par Tristan Pubert