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André Kana-Biyik : «  Roger Milla, c’était notre Maradona à nous »

Propos recueillis par Martin Grimberghs
André Kana-Biyik : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span> Roger Milla, c&rsquo;était notre Maradona à nous<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>»

Italie, Coupe du monde 1990. André Kana-Biyik est un heureux jeune papa et un grand frère épanoui. Un an après la naissance de Jean-Armel, il découvre en même temps que François Omam-Biyik les joies d'une Coupe du monde. Ce qu'il ne sait pas encore, c'est qu'au bout du rêve, il y a le plus grand exploit du foot africain. Souviens-toi il y a 24 ans.

Avez-vous vu le but de votre frère lors du premier match contre l’Argentine ?

J’étais en train de prendre ma douche, et c’est là que j’entends les carabinieri, les flics quoi, qui étaient en train de crier : « Cameroun, Cameroun ! » Je sors de la douche tout mouillé, je mets une serviette autour de ma taille et puis je sors du vestiaire et c’est là que je vois plusieurs carabinieri devant la télé en train de regarder le but au ralenti de François. Eux ne savaient même pas que c’était mon frère, mais moi, c’est à ce moment-là que je me rends vraiment compte qu’on mène et que c’est lui qui a marqué. Je ne pouvais pas revenir au bord du terrain, donc j’ai été terminer ma douche tranquillement. Après, je suis retourné voir la fin du match avec les policiers. J’étais heureux, mais je me disais aussi que vengeance avait été faite. Quand le match se termine, la première chose que je dis à François, c’est : « Bravo et merci de m’avoir sauvé la vie. » Après mon exclusion, si on avait perdu, je pense que ça m’aurait trotté dans la tête tout le restant de ma vie. C’était une bonne chose pour la famille, mais aussi pour moi.

Et justement cette exclusion, c’est plus de la maladresse ou une énorme erreur arbitrale selon vous ?

Non, moi, je crois que c’est une erreur d’arbitrage de M. Vautrot (arbitre français lors du Mondial italien, ndlr). Honnêtement, moi, je n’y vais pas pour faire faute, mais quand j’arrive à la hauteur de Caniggia, ses pieds s’entremêlent entre mes jambes. Et là, il tombe, mais tout le monde voit bien en regardant au ralenti que ce n’est pas délibéré. Bon, ben je ne sais pas ce qu’il lui a pris, à M. Vautrot, c’est peut-être parce que la France n’était pas en Coupe du monde et qu’il ne voulait pas que le Cameroun aille un peu plus loin… Non, je dis pas que c’est ça hein, mais disons que c’est une erreur d’arbitrage, point. (à voir après 3min20)


L’image qui reste de cette exclusion, c’est surtout l’acclamation de la foule à votre sortie et vos baisers répétés à celle-ci.

(Rires) C’est spontané, complètement spontané. Ce n’est tellement pas réfléchi. Ça aurait pu être la tête basse, ça aurait pu être en pleurs, mais non, c’est des bisous que j’ai envoyés. Peut-être inconsciemment parce que je savais que la majorité des spectateurs étaient pour le Cameroun et n’étaient donc pas d’accord avec la décision de M. Vautrot. Mais voilà, c’était spontané, et je ne peux pas vraiment l’expliquer. Après, je savais que je n’allais prendre qu’un match de la FIFA. Ça aurait été scandaleux de me donner deux matchs. Il faut bien se dire que s’il y avait eu un règlement pour déjuger l’arbitre, on aurait franchement pu me donner un carton jaune. Mais quand on donne un carton rouge, on ne peut plus revenir en arrière. Je me souviens même qu’il y avait des dirigeants d’autres pays qui n’étaient pas d’accord non plus avec la façon d’arbitrer de M. Vautrot ce jour-là.

Contre la Roumanie, vous êtes suspendu. Un autre qui squattait bien le banc de touche, c’est Roger Mila. Vous vous souvenez de comment il gérait ça à l’époque ?

Je sais que ça ne lui plaisait pas de débuter chaque match comme remplaçant. Roger, c’était un très grand compétiteur, c’était un vrai crève-cœur pour lui. Mais ce n’était pas possible que Roger soit titulaire, et je crois que le fait qu’il ait toujours commencé sur le banc, cela lui a rendu service. Vu son intelligence, vu sa façon de jouer, vu son expérience, le fait qu’il puisse voir la façon de faire des défenses adverses lui permettait de savoir exactement ce qu’il devait faire. Et lui faisait toujours ce qu’il avait prévu de faire. Roger, c’était la star, le grand frère, l’homme qu’on écoute. Nous aussi, on avait notre Maradona, c’était Roger Milla. Tout le monde savait qui était Roger Milla. Pour nous, c’était un atout indéniable. Il fallait absolument le préserver. Lui n’a jamais vraiment digéré de ne pas commencer, mais je pense vraiment que c’était mieux comme ça. Cette stratégie-là a été payante pour lui comme pour nous à tout point de vue. Et puis, le contexte n’était pas favorable. Il venait de la Réunion et n’avait pas participé aux éliminatoires… Les gars ne l’auraient pas accepté et, en plus, je pense que lui n’aurait pas eu le même rendement (4 buts en 5 bouts de match, ndlr). Voilà, les choses ont été ainsi faites. Tant mieux pour lui et merci encore à lui.

Vous, vous allez faire votre retour contre l’URSS(0-4). Vous avez quand même fait la fête pour fêter la qualif et la première place après ?

Je peux vous dire que ce match-là nous importait peu. Ce match contre les Russes, ce n’est pas un match qu’on a préparé comme l’Argentine ou la Roumanie. Nous, on savait qu’on était déjà qualifiés et je peux même vous donner une révélation en vous disant que le jour du match, presque toute l’équipe était allée faire des emplettes dans le centre-ville de Bari. Il y avait des marchés, un centre commercial. De quoi s’acheter de belles choses. Franchement, peu importait le résultat, on savait qu’on allait prendre le match pépère. Bon, c’est vrai, on a fini par prendre une raclée, mais bon, on préparait déjà les huitièmes de finale. La défaite a très vite été digérée.

Et justement, ce fameux match contre la Colombie avec cette énorme erreur d’Higuita…

Ah ça, c’est le plus gros exploit au niveau mondial du foot africain à l’époque. Personne ne nous attendait à ce niveau-là. Plus de 20 ans après, je ne rêve plus de ça la nuit, mais il m’arrive encore d’avoir des flashs de ces moments-là. Après, quand on gagne la guerre, on n’a pas de mot pour l’adversaire, donc pour moi, l’erreur d’Higuita, ce n’était pas mon problème. Il a fait son erreur, il nous a donné la victoire… Le match est fini, je lui ai serré la main, mais je n’ai pas eu de mot pour qui que ce soit, je suis rentré dans le vestiaire tout content pour la qualification, mais sachant aussi que j’allais louper le quart de finale contre l’Angleterre à cause de mon carton jaune. Donc content, mais malheureux de laisser les copains à un moment crucial. J’étais tellement frustré que quand j’ai pris mon carton, j’ai même essayé de supplier l’arbitre. Malheureusement, il a été inflexible.


Justement, vous le sentiez comment contre l’Angleterre ?

Malgré le fait qu’on avait 4 suspendus, j’étais sûr qu’on allait battre l’Angleterre. Et je crois que je ne suis pas passé loin d’avoir raison. Il a juste suffi de deux erreurs défensives, parce qu’il n’y avait pas d’automatismes entre les nouveaux entrants. Mais moi, je pensais vraiment que la Coupe du monde pouvait continuer. Mais en football, la différence est souvent très grande entre ce qu’on croit et la réalité du jour du match.


Comment qualifier l’ambiance à votre retour au Cameroun ?

Là vraiment, c’est très difficile de trouver un mot en français pour le décrire. C’est quelque chose que je ne pourrais plus jamais revivre de ma vie. Déjà avant qu’on arrive, le pays était en ébullition. Et le jour où on arrive, il y a peut-être encore eu une semaine de fête entière. On a fait le tour de la ville en jeep militaire, on était escorté, il y avait tellement de monde sur le parcours… On a même été reçu par notre président de la République. C’est quelque chose qu’on ne peut pas décrire, il faut le vivre pour le ressentir, c’est tout. On ne peut pas mettre des mots.

Propos recueillis par Martin Grimberghs

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