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Châteauroux, le moral dans les chaussettes

Par Maxime Brigand

Quatre jours après avoir arraché son tabouret pour les 16es de finale de la Coupe de France, la Berrichonne de Châteauroux devait avoir un rendez-vous important, mercredi, avec la DNCG. Il n'aura finalement pas lieu, faute de certains éléments, et le club de N1, qui va changer de propriétaire, va être rétrogradé administrativement à titre conservatoire, alors qu’en coulisses, les fêtes ont été agitées. Mais comment la Berri en est-elle arrivée là ?

Châteauroux, le moral dans les chaussettes

Il y a quelques jours, Benjamin Gufflet, 44 ans, a sauté deux fois d’un siège en moins de 24 heures. Il l’a fait une première fois vendredi soir, au stade Maurice-Boyau, où il a vu son club de rugby, l’US Dax, remporter sa première victoire de 2024 face à Montauban (7-0). Puis une seconde fois, samedi après-midi, devant sa télé, quand Vincent Pirès a enfilé sa cape de héros dans une surface de réparation du stade Massabielle, aux Herbiers, égalisant pour La Berrichonne après cinq minutes et onze secondes de temps additionnel et ouvrant ainsi la porte d’une drôle de séance de tirs au but pour rallier les 16es de finale de la Coupe de France.

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Un jackpot bienvenu à plusieurs niveaux pour des Berrichons, 16es de N1, sortis vainqueurs de seulement deux petits matchs de leur championnat cette saison – personne n’en a remporté moins –, incapables de boucler une rencontre sans but encaissé depuis leur dernier succès (face à Dijon, 2-0, début septembre) et qui vivent une énième période de remous internes. Sommet des dernières vagues : une délégation du club devait avoir rendez-vous, ce mercredi, devant la DNCG. Faute de nouveaux éléments, l’examen n’aura pas lieu et le gendarme financier va choisir de prononcer la rétrogradation administrative à titre conservatoire d’une institution qui a passé les fêtes dans le brouillard. « Il ne faut pas se faire d’illusion. La Berrichonne est aujourd’hui dans une situation très, très compliquée, et ce, à tous les niveaux », tranche un témoin habitué des jeux de pouvoir locaux. Mais comment en est-elle arrivée là ? On rembobine.

United World, le mirage saoudien

Puisqu’il paraît qu’une image vaut parfois mille mots, en voilà une, vieille d’un an tout pile : celle d’un stade Gaston-Petit rempli à ras bord pour une nuit de Coupe de France face au PSG, de la dernière fête de foot en date de la ville, d’une soirée de janvier 2023 qui aura vu La Berrichonne faire jeu égal pendant une mi-temps avec un club de Ligue des champions avant de s’incliner logiquement (1-3). Un an, une éternité dans le foot, quoique. À l’époque, tout le monde voyait (déjà) La Berrichonne danser dangereusement avec la zone rouge en N1, et les premiers doutes sur les désirs du groupe United World, arrivé à la tête du club début 2021 et présidé par le prince saoudien Abdullah bin Mosaad, commençaient à naître, alors que la DNCG venait d’encadrer la masse salariale du club et que Michel Denisot ne cachait plus son souhait de quitter rapidement son poste de président exécutif.

La suite : sur le terrain, Châteauroux a sauvé sa peau en N1 dans le dernier quart d’heure de la dernière journée de championnat en s’imposant sur la pelouse du Paris 13 Atlético (2-3), puis financièrement, le club a réussi à éviter le pire grâce à un montage financier express, laissant ainsi l’équipe redémarrer en troisième division début août avec une équipe retapée à 95% et un nouveau staff incarné par Olivier Saragaglia. Il n’y avait ensuite plus beaucoup de doutes quant au déroulé des mois suivants. Dans la foulée du sauvetage estival, le groupe United, qui souhaitait ramener le club en Ligue 1 d’ici à 2025 et dont les dirigeants n’ont jamais accepté de prendre médiatiquement la parole, a vite laissé entendre vouloir passer la main, ouvrant alors la porte d’une nouvelle ère dans le Berry. Pas si simple.

«  Western local »

C’est dans ce contexte que Gufflet, venu en aide pour sauver le club l’été dernier et déjà président du directoire de l’US Dax, est arrivé dans le paysage castelroussin. Après avoir discuté une première fois avec l’ancienne direction de La Berrichonne d’une éventuelle reprise en 2017, ce natif de Bordeaux, originaire du Berry par sa mère, a ainsi proposé aux dirigeants saoudiens de racheter l’intégralité de leurs parts (soit 90% des actions), ce qui a abouti à la signature d’une offre d’achat exclusive, puis à un accord le 13 novembre dernier. Une autre offre de reprise existait, transmise par Grégoire Lebigot, CEO de Vallair Industry, mais ce dernier n’a jamais pu discuter concrètement avec le groupe United. Souci : l’arrivée de Benjamin Gufflet dans le décor a, pour reprendre les mots d’un autre témoin, lancé, sans que le jeune investisseur ne soit responsable de quoi que ce soit, « un western local », qui a vu de vieux comptes se régler sur la place médiatique, avec notamment l’ancien président Thierry Schoen au centre des affaires.

J’espérais, utopiquement, pouvoir rassembler tout le monde, mais j’avais mal appréhendé la profondeur des tensions.

Benjamin Gufflet

Éclairage de Benjamin Gufflet : « Il y a eu plusieurs temps dans les négociations avec United. On a commencé à discuter l’été dernier, on a eu de très bons rapports, et ils m’ont même d’abord proposé de prendre la présidence du club début août, ce que j’ai décliné, car les conditions n’étaient pas réunies et parce que j’étais focus sur la préparation de Dax, même si cette proposition m’a touché. On est ensuite entré en négociations pour envisager une reprise, et dans ce processus, j’ai vu Thierry Schoen lors d’un Châteauroux-Versailles, en septembre. Il m’a montré des envies positives d’aider le club, puis d’autres partenaires nous ont également rejoints. Je suis un défenseur du “sport terroir”. L’expression vaut ce qu’elle vaut, mais dans le football actuel, je trouve que le modèle économique a vrillé. Des investisseurs étrangers sont arrivés dans certains clubs, ça a offert des moyens plus importants, mais ça peut aussi déraciner un club de son tissu de base. Je veux rassembler et j’ai voulu assembler les forces vives de la Berrichonne, plein d’amoureux, des gens qui ont les moyens, qui ont envie d’aider autour de ce que j’amène moi, de mon côté, avec mon fonds d’investissement Stratton Oakmont Sports… J’avais connaissance de certains conflits. J’espérais, utopiquement, pouvoir rassembler tout le monde, mais j’avais mal appréhendé la profondeur des tensions. Finalement, j’ai compris que je n’arriverai pas à faire ce que d’autres ont essayé à ma place. »

Déni, coups de ciseaux et contre-la-montre

Présent à un premier rendez-vous avec la DNCG aux côtés de Gufflet mi-décembre, Thierry Schoen, également accompagné de Patrick Trotignon, actuel directeur général, devait alors ramener au projet entre 900 000 et un million d’euros en compagnie d’autres investisseurs locaux. Il a finalement annoncé après une assemblée générale du club, qui s’est tenue le 28 décembre, se retirer dans les colonnes de la Nouvelle République, avouant avoir davantage « découvert l’étendue du désastre financier. […] J’ai dit à mes amis : “Je ne peux pas vous emmener là-dedans, sinon je ne suis pas un ami.” » Un paquet de chiffres entourant la santé économique complexe de La Berrichonne sont sortis ces derniers mois, entre un résultat d’exploitation annoncé négatif à hauteur de 6,1 millions d’euros au 30 juin dernier et une perte de 5,4 millions d’euros. À ce sujet, Benjamin Gufflet, qui a repris des discussions avec de nouveaux partenaires alors que la cession a été officiellement validée mardi soir, est clair : « Il ne faut pas être dans le déni. La situation est difficile. C’est un club qui tourne à peu près à 3 millions d’euros de recettes avec entre 5 et 5,5 millions d’euros de charges, ce qui montre bien que le modèle ne peut fonctionner dans la durée. On n’a pas le choix : il va falloir baisser drastiquement le budget de fonctionnement du club à des niveaux beaucoup plus médians. Ensuite, c’est l’effet ciseaux, il faut augmenter les recettes, redévelopper le club, qui a quand même de grosses capacités. La Berrichonne doit aujourd’hui se réinventer, trouver un écosystème plus sain. »

Une course contre la montre a, en tout cas, débuté dans l’Indre, une nouvelle, qui devra de nouveau être gagnée, au risque de voir la Berrichonne de Châteauroux, qui aura très longtemps vécu au-dessus de ses moyens, se retrouver dans une nouvelle situation étouffante. En attendant, il va déjà devoir gagner une autre bataille : celle du terrain, alors que la Berrichonne, qui cherche des solutions à moindres frais pour le mercato d’hiver (les pistes Jimmy Giraudon, libre depuis son départ de l’AS Saint-Étienne, et Yann Boé-Kane, également libre, sont notamment explorées, alors qu’un ailier droit doit arriver prochainement en prêt), est à cinq points du premier non-relégable dans un championnat de N1 intense et bordélique à tous les étages. La situation n’est pas encore désastreuse, la décision de la DNCG est évidemment provisoire, mais il sera vite nécessaire d’enfin dissiper tout ce brouillard. Benjamin Gufflet, optimiste et qui a trouvé les garanties financières – environ un million d’euros – pour boucler l’exercice en cours, a cinq mois devant lui pour trouver de nouveaux bras afin de valider le budget pour la saison 2024-2025 et mettre en place les premiers pions de son plan. Cela devrait passer par de nouvelles batailles, mais aussi, très certainement, par un renouvellement de têtes autour de l’institution pour amener du calme, au risque de laisser tourner, encore et encore, dangereusement le navire au-dessus du vide. Ou pire : qu’il tombe dedans.

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