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Virtus Verona, « l’autre Vérone »

Par Valentin Pauluzzi
Virtus Verona, « l’autre Vérone »

Vérone, l’Arena, le balcon de Juliette et la réputation de ville très intolérante. C'est finalement sans trop le vouloir que le troisième club véronais s'est érigé en porte-parole du mouvement antifa.

Calé sur une chaise de camping, Luigi Fresco suit l’entraînement de ses joueurs, une opposition sur un demi-terrain défriché conclut la séance du jour. Bonnet vissé sur un crâne enfoncé dans son anorak, la dégaine n’est pas sans rappeler une légende du foot français : « D’ailleurs, j’aimerais bien le rencontrer, Guy Roux, combien il a fait à Auxerre lui, 40, 45 ans ? Bon, en tout cas, en saisons consécutives, je l’ai déjà battu. » Un peu de patience Gigi, tu l’as « seulement » égalé avec 36 saisons de suite sur le même banc de touche. Encore quelques semaines et ce sera fait : « D’autant que les trajectoires de nos clubs sont similaires, en partant de tout en bas. » La Virtus Verona ne réussira probablement jamais à être sacrée championne d’Italie, mais exister dans l’ombre des deux autres clubs de la ville est déjà une belle performance, surtout avec une telle étiquette politique.

Gigi Fresco, l’homme club

Nous sommes à Borgo Venezia, un quartier populaire à l’est du centre de Vérone, loin des chefs-d’œuvre architecturaux que nous offre cette splendide ville :

J’habite à Borgo Venezia depuis mes cinq ans, je connais tout ici, c’est le club dans lequel j’ai débuté.

« J’y habite depuis mes cinq ans, je connais tout ici, c’est le club dans lequel j’ai débuté, j’étais un très bon stoppeur et je reléguais sur le banc des mecs qui étaient recrutés dans des divisions supérieures. Un jour, on m’a demandé d’être entraîneur pour éviter de redescendre en dernière division, mais les 5 points en 4 matchs n’ont pas suffi. Tout le monde s’est barré et je me suis retrouvé un peu seul. » Fresco a alors 20 ans et raccroche les crampons pour devenir entraîneur/président en 1982, une double casquette qu’il endosse encore aujourd’hui. Triple même, puisque, dans le civil, il dirige quelques collèges le matin avant d’œuvrer foot le reste de la journée. Chandail aux couleurs du club sur les épaules, son directeur sportif, Adriano Zuppini, témoigne de cet acharnement : « Il s’est dévoué corps et âme pour son club et a même mis sa santé en péril. Un jour, il avait des coliques rénales, il pissait du sang, mais il a tout fait pour venir diriger le match. »

De la « terza categoria » , anciennement la 10e division (aujourd’hui la 9e) jusqu’à la Serie D, premier niveau amateur, l’ascension est irrésistible avec une apparition en Lega Pro, c’était lors de la saison 2013-14.

En 2013-14, on loupe les play-out pour trois points. Si on les atteignait, on se maintenait, car on a fini sur 7 nuls et une victoire, de quoi avoir des regrets.

Déjà représentée par le Hellas et le Chievo, Vérone est la seule ville à pouvoir vanter trois équipes professionnelles : « On est tombés la mauvaise saison, celle de la réforme des championnats. On loupe lesplay-outpour trois points, si on les atteignait, on se maintenait, car on a fini sur 7 nuls et une victoire, de quoi avoir des regrets. » Une performance qui n’est pas passée inaperçue : « Mantova et la Casertana m’ont soumis des offres, mais je n’ai qu’une idée en tête, faire remonter l’équipe » , annonce un Gigi revanchard. Pour cela, il compte sur la coopération des deux cousins qui lui prêtent quelques jeunes, tandis que « nos meilleurs vont chez eux en contrepartie. Nos rapports sont très bons, avec le Chievo on a même instauré un amical annuel pour ouvrir la saison. » Quand Capulet et Montaigu font la paix.

Mairie très à droite, ultras très à gauche

C’est l’heure de la séance vidéo pour analyser les erreurs lors de la défaite contre la Luparense.

Le maire et ses collaborateurs n’ont pas sauté de joie quand on est montés chez les pros, eux sont de la Lega Nord(extrême droite), tandis que nous sommes vus comme le club de gauche.

Les joueurs sont réunis dans une salle tapissée de fanions des clubs les plus méconnus, on y trouve celui de la Santa Lucia, 4e club véronais qui évolue à l’étage inférieur, en Eccellenza. Il y aurait donc de la place pour tout le monde dans une ville qui ne compte finalement que 260 000 habitants ? « Le maire et ses collaborateurs n’ont pas sauté de joie quand on est montés chez les pros, eux sont de la Lega Nord (parti d’extrême droite, ndlr), tandis que nous sommes vus comme le club de gauche » , confie Zuppini. Pas un détail insignifiant dans une ville réputée comme la plus intolérante de la Botte. Cette étiquette de « coco » , la Virtus la doit avant tout à son président-entraîneur : « Oui, je suis clairement de gauche, mais il y a de tout parmi les gens qui travaillent ici, nous sommes un mixe et c’est ce qui a « rassuré » le maire dans un second temps. L’antiracisme est une prérogative, nous avons toujours eu beaucoup de joueurs de couleur, certains ont été parfois pris à parti, c’est ce qui a attiré l’attention de nos supporters. »

Ils ne sont pas nombreux, entre 200 et 300, mais fidèles. Jusqu’à l’an dernier, ils formaient le groupe « Virtus Fans » avant la dissolution. Trois factions ont pris le relais, mais les principes restent identiques : antiracisme et antifascisme militant afin de démontrer que l’autre Vérone existe et résiste.

Je sais comment est perçue ma ville de l’extérieur, mais évitons les amalgames. Des fascistes, il y en a partout, sauf qu’ici, ils dérangent énormément.

La célèbre représentation du Che figure un peu partout, tandis que des liens étroits ont été noués avec leurs homologues de Livourne, Sankt Pauli et les Commando Ultra de Marseille. Enfin Los Fastidios, un groupe véronais de street punk, a composé l’hymne du club appelé « El Presidente » en hommage à Fresco : « Ce sont de bons gars, mais cela a inévitablement créé des tensions avec les ultras du Hellas, d’ailleurs une rencontre amicale a finalement été annulée. Je sais comment est perçue ma ville de l’extérieur, mais évitons les amalgames. Des fascistes, il y en a partout sauf qu’ici, ils dérangent énormément. » La fameuse minorité visible.

Humanitaire et humanistes

Fresco ne se contente pas d’avoir des idéaux et de brasser du vent, non, il applique ses convictions dès qu’il en a l’occasion :

J’ai une licence de pédagogie et ai fait une thèse sur les stéréotypes dont les gitans sont victimes. J’ai assisté à un rassemblement en Camargue où ils faisaient semblant d’élire un roi.

« Dans les 90’s, nous avons fait plusieurs périples en ex-Yougoslavie. Sarajevo était en ruines, on a ramené du matériel, disputé des amicaux à Pristina et accueilli 40 familles ici. » Et cela continue aujourd’hui avec une vingtaine de réfugiés hébergés dans deux appartements en ville : « Ils ont débarqué à Lampedusa en provenance de l’Afrique noire. On essaye de les impliquer dans des initiatives, ils vont tous à l’école pour apprendre l’italien, certains suivent des cours de pizzaiolo, on fait avec nos petits moyens. Et puis nos joueurs s’en occupent, ils les aident à faire les courses, jouent au foot avec… » , raconte Zuppini. Un humanisme qui distingue Fresco depuis toujours : « J’ai une licence de pédagogie et ai fait une thèse sur les stéréotypes dont les gitans sont victimes. J’ai assisté à un rassemblement en Camargue où ils faisaient semblant d’élire un roi. »

Une philanthropie qui se traduit également par une superbe tradition puisqu’à chaque fin de saison, staff et joueurs s’offrent un voyage à l’autre bout du monde : « Californie, Mexique, Brésil, pas pour disputer des tournois, mais bien pour passer de vraies vacances. » Sourire ingénu, Gigi enfile son bonnet et salue la compagnie après une journée bien chargée. Dehors, il fait maintenant noir, une couleur trop souvent associée à cette ville-musée, et malheureusement à raison, mais comme chantent Los Fastidios : « L’histoire du foot de ce quartier. Tu la lis sur les murs, tu la sens dans ton cœur. Elle est faite d’amour, de passion, de sueur. L’histoire du football de ce quartier. Pas seulement du foot, mais des vraies personnes, des valeurs, des idéaux et de l’humilité. » L’autre Vérone existe et résiste, plus que jamais.

Après la trêve internationale, place au festin !

Par Valentin Pauluzzi

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