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Napoli/Hellas Vérone, ou l’Italie du XXIe siècle

Par Valentin Pauluzzi
Napoli/Hellas Vérone, ou l’Italie du XXIe siècle

Pendant longtemps, Naples et Vérone se sont courtoisement ignorées, jusqu'au début des années 80, lorsque la rivalité sportive a vite pris une tournure sociale et politique.

Il faut remonter à bien plus longtemps qu’on le pense pour comprendre les raisons de la rivalité entre le Napoli et le Hellas Vérone. C’était il y a un peu plus de 150 ans, et la proclamation du Royaume d’Italie, conclusion du Risorgimento. Une nation venait de naître, fruit de l’unification parfois forcée de plusieurs états indépendants. La mayonnaise n’a pas vraiment pris, et les grumeaux sont encore importants aujourd’hui. Naples, capitale du Royaume des deux Siciles, Vérone cité de la Sérénissime, soit la glorieuse République de Venise. S’ensuit un siècle et demi durant lequel les inégalités entre le Nord et le Sud d’Italie s’accentuent de plus en plus. Les riches, travailleurs et intolérants d’un côté, les paysans pauvres, chômeurs et victimes de l’autre pour faire dans le caricatural taille XXL. Contexte qui a transformé cette rivalité sportive sans histoire en un véritable condensé de la fracture sociétale italienne.

Dirceu déclenche, Maradona répond

Et pourtant, les deux équipes ne se sont pas calculées durant des années. Une première confrontation dans les années 20, mais ce n’est qu’à partir des années 60 qu’elles s’affrontent régulièrement en championnat. Viennent ensuite les années de plombs, l’apogée des tensions sociales d’un pays au bord de la guerre civile. Rouges contre Noirs, plutôt que Nord contre Sud. Mais la fracture est de plus en plus évidente au sein du peuple italien. Les hostilités débutent lors du transfert de Dirceu du Hellas au Napoli l’été 1983, les supporters gialloblù saluent le milieu de terrain brésilien par la banderole suivante : « Maintenant, tu n’es plus étranger, Naples t’a accueilli dans le continent noir » . Rappelons que pour certains idiots du Nord, une fois que vous passez Rome, vous êtes « en Afrique » .

Un an plus tard, Hellas/Napoli est l’affiche de la 1re journée du championnat, celui que le Hellas remportera à la fin de la saison contre toute attente. Ce sont aussi les grands débuts de Maradona en Serie A. Une autre banderole est dégainée : « Bienvenue en Italie » . El Pibe, de suite sensible à la problématique du Mezzogiorno, sera marqué par cet épisode : « Ce slogan m’a fait comprendre que la rivalité n’était pas que sportive. C’était le Nord contre le Sud. Les racistes contre les pauvres. Je ne l’ai jamais oublié. » Et effectivement, il se venge en infligeant pratiquement à lui tout seul un cuisant 5-0 aux champions d’Italie en titre l’année suivante. Côté véronais, on n’est pas à une contradiction près. En effet, Nanu Galderisi, natif de Salerne à quelques encablures de Naples, finit meilleur buteur de cette génération historique qui remporta le Scudetto le plus inattendu de l’histoire. Bref, le décor est planté, et ce ne sera qu’une escalade les années qui suivent.

Roméo & Juliette en prennent pour leur grade

« Lavez-vous » , « qu’est-ce que vous puez » et autre chants de ce genre accueillent les Napolitains dans de nombreux stades italiens. La ligne jaune du simple chambrage a été franchie depuis un moment. Au Bentegodi, ils sont criés un peu plus fort. C’est que là-bas, on y trouve que des supporters natifs d’une ville certes splendide, mais pas franchement toujours réputée pour sa tolérance. Les deux équipes fréquentant le haut de tableau pendant plusieurs annéees, la rivalité sportive n’a fait que rendre le contexte encore plus chaud. Toutefois, aucun incident grave n’est à signaler durant ces trois décennies. Cet antagonisme s’est surtout traduit par des banderoles légendaires. « Juliette est une pute, et Romeo est cocu » , les amants de Vérone n’ont pas échappé au lynchage de supporters napolitains désireux de faire dans la poésie.

La rivalité sportive n’a désormais plus grand-chose à y voir, même si le Napoli s’offre le plaisir d’enfoncer son ennemi juré lors de la saison 2006-07. Une victoire 3-1 à Vérone qui la propulse vers un retour en Serie A et qui dirige le Hellas vers une relégation en Serie C1. Ce fut la dernière rencontre avant que les deux équipes ne se retrouvent parmi l’élite l’an passé. Benítez d’un côté, Mandorlini de l’autre, lui, le natif de Ravenne qui entonna un maladroit : « Ti amo terrone » (je t’aime sudiste/fermier/bouseux) quelques mois après le retour en Serie B pour chambrer la Salernitana (équipe du Sud), battue aux play-offs. Pas le répertoire préféré des Napolitains qui le lui font bien comprendre à chaque fois que les deux clubs se croisent. Chants insultants et banderoles irrévérencieuses auxquels s’entremêlent la naissance et le développement de la Lega Nord, les problématiques insolubles de la mafia, l’enrichissement du Veneto, l’appauvrissement du Mezzogiorno. Trois décennies qui ont chamboulé la hiérarchie des rivalité des deux clubs, désormais ennemi numéro un l’un de l’autre.

Par Valentin Pauluzzi

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