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Ni bulles, ni grenadine : Monaco éventé…
Les peuples acceptent l'austérité quand elle promet un rétablissement de la croissance. Or, à l'AS Monaco, les sous-investissements dans le jeu offensif ont conduit vers une lente récession généralisée. Bougez-vous, les Asémistes, ou on vous envoie le FMI !
Sheets trop clean…
Ce soir, à Louis-Louis, David Trezeguet donnera le coup d’envoi fictif de ce Monaco-Rennes. Lâche oxymore, foutu paradoxe, cruel symbole : Trezeguet, c’est 62 buts en 125 matchs de 1995 à 2000, et l’ASM 2014-2015, c’est pour l’instant 25 buts en 24 matchs en L1. Et si Trezegol reprenait une licence à l’ASM ? Dimanche soir, à Guingamp, Monaco est descendu au terminus des prétentieux (cf. Les Tontons flingueurs) en se faisant taper 0-1 à 11 contre 10. Le podium et la C1 se sont éloignés alors que les quatre de devant avaient pourtant nullé (OL, OM, PSG, ASSE). Trop nul… Après Bastia en Coupe de la Ligue (0-0, 6 tab à 7), c’est l’En Avant qui a giflé des Monégasques qui commençaient à trop se la raconter. Après un début de saison catastrophique à vouloir attaquer très fort et jouer trop haut, les Rouge et Blanc ont blindé en 4-3-3 imperméable qui leur a permis de se rétablir en championnat et de rester en course dans les trois coupes (Europe-Ligue-France). Le drame, c’est que Monaco y a pris goût… Avant Bastia, le camp asémiste affichait la réussite béate et satisfaite de l’immobilisme conquérant. On se gargarisait des clean sheets de Subašić en sacralisant ses 842 minutes d’invincibilité. Et tous rappelaient avec gourmandise la « belle » série de 14 matchs sans défaite. En oubliant de rajouter au bilan les 8 petit buts sur les 9 derniers matchs d’avant Guingamp.
En une semaine, les Corses et les Bretons ont mis en évidence les comptes un peu trafiqués de l’ASM. Dur retour à la réalité pour Monaco, entravé en quelques jours dans ses ambitions gonflées à l’hélium. Le principal grief, récurrent, a désormais pris de la consistance : ce Monaco-là ne sait que défendre. Pas faux. Tout comme l’OM de Bielsa ne sait qu’attaquer. Mais la réalité est plus complexe… D’abord, Monaco défend, mais défend bien. Ce qui n’est pas donné à tout le monde. À Guingamp, Monaco a très largement dominé la rencontre et s’est procuré un paquet de situations intéressantes. Un contre assassin en début de seconde période et une défaite très courte ont occulté un contenu pas si négatif qui a plus souligné une réelle inefficacité devant plutôt qu’un jeu apathique. Rien à voir avec la purge absolue, Monaco-Bordeaux (0-0), sans doute le pire match des Monégasques cette saison. On le répète : le Monaco de Jardim n’est pas strictement « défensif » . Et les chiffres le prouvent. À la trêve, l’ASM était en tête en L1 avec la plus grande possession dans le camp adverse. Jusqu’à dimanche, avant Guingamp, l’ASM c’était aussi 9,4 occasions de buts créés par match (4e derrière l’OM, l’OL et le LOSC). Après Guingamp, l’ASM était aussi la 5e à avoir le plus tiré sur les montants (10 fois, dont le poteau de F. Carrasco au Roudourou). Plus globalement, on n’atteint pas les 8es de C1 sur la chance et le béton derrière. Alors ?
ASM Sam Suffit…
Alors, Monaco doit muer maintenant vers un jeu offensif plus ambitieux, comme il en avait été question en période d’austérité automnale où l’ASM était reléguée dans les profondeurs de la L1. Le problème, c’est que Monaco s’y essaye, mais n’y arrive pas : à force de s’être installé dans une prudence défensive qui laisse la part belle aux exploits par à coups d’un Ferreira Carrasco, d’un Berbatov ou d’un Martial, Monaco ne sait plus conclure. Dimanche soir, Toulalan en faisait lui-même le constat : « On aurait dû en faire un peu plus, avoir plus de présence devant le but… On est très solides défensivement et on sait ce qui nous manque dans le jeu : un peu de folie, de réussite devant le but. » À Guingamp, notamment quand ils ont été menés, on a bien vu les limites monégasques à bien construire devant et le manque flagrant d’automatismes entre les attaquants (Dirar, Berbatov et F. Carrasco). Comme si l’ASM accusait un retard persistant sur le chantier offensif au moment où il lui faut prendre le jeu résolument à son compte. Un milieu intéressant s’était pourtant stabilisé ces derniers temps avec Bernardo Silva, Toul et Moutinho, mais il a failli dimanche, faute de ne pas avoir plus bossé avant la relation milieu-attaque. Même si Kondogbia avait été aligné avec Toulalan et Moutinho (avantageusement remplacé par B. Silva). Face à Lyon (0-0), des vraies bonnes occases auraient pu faire pencher la balance du bon côté : tête-poteau de Berbatov, frappe de près de Fabinho, un péno flagrant pour F. Carrasco…
L’inefficacité des attaquants, commune à pas mal de clubs de L1, est donc bien réelle comme le rappelle Jardim : « Berbatov et Ferreira Carrasco ne sont pas des buteurs comme Lacazette et Gignac. Martial ? J’espère qu’il le deviendra, mais à 19 ans… » Ceci dit, le problème n’est pas que devant. Derrière aussi, les mauvaises habitudes prises à bien défendre ont fini par inhiber aujourd’hui les velléités offensives. Ricardo Carvalho le confesse lucidement : « On n’apporte pas assez le surnombre en tant que défenseurs, on ne prend peut-être pas assez de risques, mais on a surtout une équipe pour bien défendre. » À la décharge des « Principautaires » , les indisponibilités d’un Kurzawa ont pesé lourd dans le rendement offensif général (Layvin marque aussi des buts) et plombé les bonnes combinaisons naissantes dans le couloir gauche (cf. les triangles Kurzawa-Berbatov-F. Carrasco). L’espoir d’une embellie existe. Mais il est limité, exposait lucidement Jardim après le revers à Guingamp : « Notre équipe n’a pas la capacité de prendre les bonnes décisions offensivement. Je ne suis pas surpris. On y travaille, mais il est difficile de changer les caractéristiques des joueurs. » Dimanche soir, face au « grand Paris » à Gerland, les p’tits Lyonnais ont montré la voie en inscrivant un but magnifique, parfaite illustration d’une philosophie de jeu patiemment aboutie. Outre la jolie combinaison Jallet-Gourcuff, Ferri-Fekir-Njie, c’est la volonté d’aller au bout du bout de l’action, sans peur et sans trembler, qui a vraiment impressionné. Les 10 points qui séparent aujourd’hui Lyon et Monaco tiennent à cette audace volontariste à laquelle l’ASM a renoncée au soleil trompeur de sa villa Sam’ Suffit…
Par Chérif Ghemmour