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Les leçons tactiques de Roma-Juventus

Par Markus Kaufmann
Les leçons tactiques de Roma-Juventus

Il y a une dizaine d'années, la Serie A des « Sept Sœurs » était nourrie de duels prestigieux tous les week-ends. Mais cette saison, comme l'an passé, la fratrie de la chasse au Scudetto n'a que deux membres : la Juventus de Massimiliano Allegri et la Roma de Rudi Garcia. Loin d'être copines, les deux dames s'affrontaient lundi soir à l'Olimpico de Rome. Alors, que restent-ils des grands duels tactiques du football italien ?

Les uniformes sont classiques, l’atmosphère est traditionnelle. Les fumigènes ne sont pas filmés, mais imposent leurs restes aux télévisions. Lorsque le coup de sifflet lance les deux camps dans l’arène, il flotte un certain parfum de football italien des années 1990. Les bas blancs pour la Roma, les bas noirs pour la Juve : ce match sera une partie d’échecs déguisée, l’attaque romaine contre la défense turinoise. Les deux entraîneurs n’ont ni les mêmes motifs ni les mêmes moyens. Pour la Roma, « seul ce match compte désormais » , alors que la Juve espère seulement offrir aux Romains un printemps froid, à environ -9 degrés. Chaleur toujours, Daniele De Rossi tient à peine trente secondes avant d’aller salement découper la jambe droite de Vidal. Une minute plus tard, c’est Yanga-Mbiwa qui secoue chaleureusement Morata. Les présentations n’avaient pas besoin d’être faites, mais les Romains sont fidèles à leurs coutumes. Segmentons ce match en trois actes, comme si c’était une œuvre classique.

Acte I : L’intensité contre les actions

Le premier acte est une façon déguisée de l’auteur – cette « divinité mystérieuse » dont a parlé Rudi Garcia en conférence de presse – de présenter l’intrigue avec finesse, donner envie sans laisser deviner la suite. Ici, le cadre ne sera posé qu’au bout d’un quart d’heure de jeu. Lors de ces quinze premières minutes, le match propose un rythme dantesque, nourri à la fois par la faim de la Louve et par l’habituelle grinta turinoise en début de match (l’équipe Allegri est la team italienne à avoir marqué le plus de buts dans le premier quart d’heure cette année). Côté romain, le 4-3-3 de Garcia forme une sorte de cercle autour des respirations de Francesco Totti : les poumons et la prudence de Daniele De Rossi, toujours plus reculé, le travail de Keita et Pjanić, et les appels et la largeur de Gervinho et Ljajić. Côté turinois, en l’absence des individualités Pirlo et Pogba, Allegri fait le choix de la maîtrise collective du 3-5-2. Les premières minutes font plutôt penser au football anglais qu’au théâtre italien : de droite à gauche, entre deux défenses basses, tout est vertical et tout fait penser à un match de tennis joué au fond de court. Au milieu, Totti dessine les plus belles courbes du circuit, mais Pjanić se perd en transition. En face, la Juventus n’ose attaquer que sur les ailes, profitant de sa supériorité numérique pour lancer le train aux quatre wagons Cáceres-Lichstcheiner-Pereyra-Tévez sur le côté droit. Aucune des deux équipes ne se lâche complètement, et aucun camp n’est occupé. Peu de contrôles, peu de risques, pas d’occasions.

Acte II : L’impuissance, version romaine

À la 15e puis la 18e minute, Ljajić et Gervinho partent vigoureusement vers l’avant, de façon téméraire, et se font immédiatement arrêter par le verrou turinois. Très basse et sans avant-centre, la Roma pensait peut-être réussir à ouvrir la marque sur une percée individuelle. Peine perdue. Tant pis, se dit Garcia, qui remonte sa bande et annonce le plan B : la domination territoriale. C’est le début de l’acte II, qui occupera l’arène de la 15e minute jusqu’à l’heure de jeu, et le but de Tévez. Pour mettre en place ce plan B, la Roma fait appel à sa vieille plateforme à deux têtes : Totti (11 longs ballons) et De Rossi (15 !). Le ballon va d’une aile à l’autre, saute bien trop souvent l’étape Pjanić, et ne parvient jamais à déborder la défense turinoise. Garcia prend des risques en faisant jouer sa défense haut, et il a raison, mais le matériel n’est pas adapté pour déséquilibrer l’adversaire : avec Keita, De Rossi et Totti version meneur de jeu, non seulement la manœuvre est trop lourde et conservatrice, mais en plus Pjanić se noie dans une possession stérile. Par ailleurs, Gervinho et Ljajić se retrouvent esseulés, à tel point qu’ils se retrouvent souvent sur le même côté pour tenter de combiner… Sur les ailes, justement, Maicon manque, et ni Holebas ni Torosidis ne sont assez tranchants pour pallier le manque de verticalité du milieu romain. Pressée par la Juve, la Roma s’entête, tente quelques percées individuelles, mais ne s’offre même pas une seule situation dangereuse. À la fin de la première période, la capitale compte 65% de possession, mais un seul tir, non cadré. Et Nainggolan ne rentrera qu’à la 72e minute…

Acte II : La maîtrise, version turinoise

Allegri, de son côté, reste fidèle à ses besoins. Une défense à cinq (souvent quatre : Cáceres, Bonucci, Chiellini, Évra, très réservé offensivement lundi soir) très basse, un gros travail défensif de Marchisio, et des flèches verticales devant. Si la Juve fait habituellement confiance à Pirlo pour diriger sa manœuvre, en son absence, Allegri s’est fait un plaisir de proposer une équipe verticale au possible, défensivement très organisée et souvent dangereuse. L’intensité du pressing du quatuor Tévez-Morata-Vidal-Pereyra est telle que la Roma avance sans jamais gagner du terrain, et leur verticalité est une sorte d’avertissement permanent. Tout en restant très bien assise sur sa ligne de trois, la Juve fait courir la Roma sur tout le terrain. Mais ce n’est qu’un avertissement : la maîtrise ne se transformera jamais en domination. Les actions meurent très vite, la prise de risque est minimale, et le calcul défensif est permanent. Allegri n’a pas envie de dominer : Lichstcheiner, Vidal et Bonucci auront presque systématiquement cherché une solution risquée à la récupération, ayant à l’heure de jeu seulement 56%, 68% et 65% de passes réussies ! Pour respirer et ne pas trop reculer, le Toscan aura fait confiance à deux valeurs sûres. Tévez, d’une part : l’infatigable Argentin marque les pauses, redescend et comble le peu d’espaces gagnés par le milieu romain. Et son côté droit, d’autre part : au bout de 20 minutes, Lichstcheiner a touché 20 ballons, soit quatre fois plus qu’Évra. À l’heure de jeu, le score est toujours de zéro à zéro : en dehors de l’organisation défensive de la Juventus, il faut signaler la rigueur des défenses de chaque côté, qui ne commettent pas de faute idiote autour de leur surface. Seul Évra craque à la 41e minute, sans conséquence. Un duel intense, mais très – trop ? – sérieux.

Acte III : La Roma retrouve sa folie, la Juve perd sa maturité

Après une heure d’intensité divertissante, sur une transition hyper rapide, trop rapide pour l’arbitre, le monsieur fluo dégaine un deuxième carton jaune en direction de Torosidis (mérité ?) pour avoir déséquilibré la course de Vidal, qui semble tout de même pressé de s’écrouler. Sur le coup franc qui suit, Carlos Tévez est sans pitié, magnifique, à la Pirlo. S’il reste bien un fuoriclasse à la Serie A, c’est Carlitos, l’homme des grands matchs, en attendant l’Europe… Commence alors l’acte III, de loin le plus intéressant et dramatique. La Roma vivait, vit et vivra toujours au rythme des variations d’un rapport de force entre sa folie et la canalisation de cette démence citadine, incarnée par son entraîneur. C’était Capello, Spalletti et Ranieri. C’est aujourd’hui Garcia. Et un jour, ce sera probablement Stramaccioni. Lundi soir, les Giallorossi n’ont commencé à jouer librement qu’au moment où Garcia est parvenu à relâcher cette folie qu’il contenait symboliquement dans la possession de la paire Keita-De Rossi. À 10, alors que l’on s’attendait à voir une Roma tomber dans les plaintes arbitrales, Garcia sort le grand jeu, en trois temps. À la 62e, il regroupe ses hommes : sortie de Ljajić, entrée de Florenzi, qui joue de plus en plus souvent latéral. La Roma recule et fait le dos rond, perdant logiquement espoir, tandis que la Juve fanfaronne. À la 70e, l’Olimpico fronce les sourcils : sortie de Totti, pourtant si décisif sur coup de pied arrêté en fin de match, notamment à dix, et entrée d’Iturbe. Enfin, dernier coup du Français : à la 72e, entrée de Nainggolan pour De Rossi. Avec du sang neuf sur les ailes, et plus de place pour Pjanić, la Roma gagne du terrain contre toute attente. Face à une Juventus toujours plus frileuse et calculatrice, rappelant le Milan du duo Allegri-Muntari, la folie de la Roma obtient trop facilement des coups de pied arrêtés et égalise finalement sur un nouveau coup franc : Florenzi du pied, Keita de la tête, au-dessus de Cáceres. La Roma tente le tout pour le tout, à dix contre onze. Le don d’anticipation de Gigi Buffon sauvera les siens sur une bonne balle en profondeur romaine, et la supériorité numérique fera le reste.

Conclusion : un avertissement pour la Juventus ?

Trop attachée à sa circulation de balle et sans ressource offensive, la Roma n’aura réussi à déséquilibrer une Juve défensivement séduisante que grâce à la folie d’une fin de match improbable. Trop hargneuse et pas assez légère, la Roma a perdu l’insouciance qui faisait sa force l’an passé, et qui habite aujourd’hui son rival laziale. La Juve, elle, a eu ce qu’elle voulait. Mais ce dernier quart d’heure peureux pourrait, au choix, hanter son printemps ou lui servir de leçon dans sa conquête européenne. Quand Antonio Conte avait joué une partition similaire au Stadium face à Garcia, ses contres étaient allés chercher un 3-0 symphonique qui valait un Scudetto. Ces doutes présents – et gratuits, sans conséquence – peuvent-ils rendre la Juve plus forte dans les prochaines semaines ?

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Par Markus Kaufmann

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