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Le Real se découvre des poux avec son Bernabéu
Exception faite des soirées européennes, le Santiago Bernabéu ressemble de plus en plus à un Disneyland du ballon rond. Une mue touristique de l’antre de Chamartin que le club a longtemps vu d’un bon œil, recettes de jour de match oblige, jusqu’à ce dernier Clásico où un point de non-retour a été atteint.
Depuis la loge d’honneur du Santiago Bernabéu, les réactions se font vives. Pas tant pour la célébration de Lionel Messi qui, maillot au vent, toise de son mètre soixante-huit les tribunes de l’antre madrilène. Non, bien au contraire, si les bouches se délient autour de Florentino Pérez, c’est pour pointer du doigt ces gradins qui, dans la foulée de la banderille au buzzer de la Pulga, exultent. De la joie, oui, pour accueillir le pion décisif des Blaugrana qui agace au plus haut point les dirigeants de la Maison-Blanche. Si bien qu’au lendemain de cette défaite, le service communication du club dégaine un communiqué détonant : « À la suite du Clásico disputé ce dimanche, le club, en coordination avec les forces de sécurité de l’État, ont procédé au retrait d’un total de 357 abonnements après la détection d’un usage irrégulier de ces derniers. » Autrement dit, le Real reconnaît pour la première fois que son enceinte tient plus d’un repaire à touristes que d’une poudrière appartenant à ses socios. Surtout, il semble enfin prendre conscience de l’impact qu’une telle ambiance peut avoir sur ses troupes.
« En un match, je rembourse un tiers de mon abonnement »
Sur le banc des accusés, le Real Madrid montre du doigt les socios coupables d’avoir revendu leurs abonnements avant le Clásico. Pourtant habituelle parmi les détenteurs du fameux ticket annuel, et bien connue des services du club, la méthode utilisée est en vigueur depuis des années. À chaque Clásico, derby madrilène ou autre duel de haute volée, de nombreux socios décident de mettre en location leurs abonnements le temps de la soirée. Jusqu’à la dernière rencontre face aux Blaugrana, jamais l’institution blanche ne s’était alors plainte par voix officielle. « À titre personnel, cela ne me gêne pas d’avoir revendu ma place, enquille Ivan, détenteur du précieux carnet madridista depuis bientôt six ans. Sachant que mon abonnement me coûte environ 1500 euros, j’ai pu en rembourser plus du tiers en ne ratant qu’un seul match. Cela a beau être le Clásico, ça reste un match de Liga. Pour les soirs de Ligue des champions, jamais je ne ferais ça. » C’est que dans la hiérarchie des compétitions, une large majorité de Madridistas préfère la Ligue des champions. Ce qui explique, en grande partie, la différence d’ambiance entre matchs européens et domestiques.
« Je suis totalement indignée. À la dernière minute, au moins 20% du Bernabéu a fêté le but de Messi ! Je n’avais jamais vu une telle chose de toute ma vie. » Et pourtant, des matchs, Teresa en a vu de nombreux dans l’enceinte blanche. Abonnée au club depuis sa tendre enfance – « un héritage familial » –, Teresa n’en démord pas : voir autant de supporters blaugrana l’entourer durant le Clásico lui semble un non-sens. Mais les fautifs, toujours selon elle, ne sont pas ces suiveurs culés : « À mes côtés, il y avait une mère mexicaine accompagnée de sa sœur et de ses deux enfants. Les quatre entrées leur ont coûté 8 000 euros ! Le club doit agir. » Le hic, c’est que les moyens à la disposition des services compétents du Real Madrid sont restreints. En acceptant tacitement depuis des années que ses socios mettent en location leurs abonnements de manière sporadique, il n’a fait qu’ouvrir la boîte de Pandore. Et ce ne sont pas les multiples sites internet de revente qui vont aider à ce qu’elle se referme. D’autant que selon les statuts merengues, les socios peuvent prêter leurs abonnements à leur guise.
Real et Barça dans le même bateau
De fait, lors de ce dernier Clásico, « presque aucun supporterblaugranane venait de Catalogne » : « Dans leur grande majorité, il s’agissait de touristes venant du monde entier » , dixit Teresa. Cette tendance, le Santiago Bernabéu la connaît depuis longtemps, à la différence près que ces touristes ont longtemps été des Madridistas… Mais que le Real se rassure, l’ennemi barcelonais a également connu telle situation pas plus tard que lors de la manche aller, lorsque le vice-président social du Barça, Jordi Cardoner, s’était offusqué du nombre de supporters madrilènes présents dans les gradins du Camp Nou : « Nous essayons de freiner la revente non officielle. Mais nous ne pouvons pas garantir que des supporters des autres équipes n’achètent pas ces entrées. » À trop vouloir étendre sa fan base à travers le monde, à trop espérer une croissance internationale, Real et Barça en sont arrivés à éloigner leurs supporters du cru. Car au Santiago Bernabéu comme au Camp Nou, le tourisme a remplacé la passion pour le plus grand bonheur des comptes en banque de ces deux fanions. Mais pour le plus grand malheur de socios aujourd’hui tiraillés.
Par Robin Delorme