- Euro 2012
- Groupe C
- Espagne/Italie (1-1)
L’Italie était à la hauteur
Ultra-favorite à sa propre succession, l'équipe d'Espagne a buté sur une belle équipe d'Italie. Sans idées pendant une heure, il aura fallu l'ouverture du score de Di Natale pour réveiller les champions d'Europe et du monde.
Espagne/Italie : 1-1
Buts : Fàbregas pour l’Espagne. Di Natale pour l’Italie.
Rythme élevé, du jeu, des folies, de la bêtise, des coups, bref, cet Espagne-Italie aura accouché d’un vrai bon match de football. En plein marasme politico-sportif – comme souvent avant une grande compétition internationale – la Squadra Azzurra débutait son Euro sur la pointe des pieds. En l’absence d’Andrea Barzagli, blessé, Cesare Prandelli n’avait pas d’autre choix que de titulariser le milieu Daniele De Rossi dans l’axe de la défense centrale de son 3-5-2 estampillé Juventus. En effet, six Turinois garnissaient le XI de départ (Buffon, Bonucci, Chiellini, Pirlo, Marchisio et la surprise Giaccherini qui ne comptait aucune sélection). Devant, le duo sorti de Shutter Island, Balotelli/Cassano, devait donner le ton. Chez les tenants du titre espagnols, on est parti sans avant-centre. Un vrai bordel pour la défense italienne qui n’a aucun repère. À ce jeu-là, c’est Cesc Fàbregas qui s’y colle. Pour le reste, du classique. Sur le papier, le XI ibère a de la gueule. C’est rodé, physique, technique et en confiance. Ça ne pense qu’au Threepeat (Euro 2008 – Mondial 2010 – Euro 2012). Un triptyque que personne n’a jamais réalisé, au passage. À l’issue d’un match très enlevé, les Espagnols ont assuré l’essentiel en validant un bon match nul contre une vaillante Nazionale (1-1).
Les romantiques parlaient d’un Barça amélioré pour qualifier cette équipe d’Espagne. Forcément, le début de match est d’un classique : grosse possession de balle espagnole, jeu dans les petits espaces face à une défense italienne basse et très regroupée. Comme souvent avec les Ibères, on préfère entrer dans les cages avec le ballon plutôt que de tenter une frappe. Ce jeu stéréotypé Barça ne fonctionne pas. Les Italiens sont débordés sur chaque vague espagnole, l’équipe n’a aucun repère, mais elle résiste. Il faut d’ailleurs attendre la douzième minute pour voir Pirlo inquiéter Casillas sur coup franc. Dans le jeu, les ouailles de Prandelli tirent la langue. Pourtant, ce sont eux qui se procurent les meilleures occasions, à l’image de cette prise de balle de Cassano, côté droit de la défense espagnole sur une offrande de Marchisio, qui envoie l’ogive de peu à côté. C’est encore le miraculé milanais qui force Casillas à une parade peu de temps après. Un Casillas chaud bouillant qui sauve encore les siens avant la pause d’une horizontale main droite sur une bonne tête de Motta. Sans s’affoler, les Italiens se sont procuré les meilleures occasions. Le seul frisson d’Iniesta – bien servi par Xavi dans la profondeur – ne suffit pas à combler cette terrible impression : l’Espagne n’y est pas. Fàbregas rate complètement son match et sans un Balotelli décevant, les Italiens seraient déjà à l’abri.
Balotelli, l’autiste
Visiblement, Del Bosque a poussé une gueulante à la pause. Les Espagnols enquillent cinq minutes de folie dès le retour des vestiaires, mais Buffon est en mode Pink Floyd album The Wall. Même Iniesta voit sa frappe du gauche détournée en corner par le majeur de Buffon. On se dit que les Espagnols ont raté le coche. Surtout quand Balotelli dépossède Sergio Ramos du cuir à trente-cinq mètres des buts pour filer seul face à Casillas. Estimant le but trop facile, Super Mario ralentit sa course. Ralentit encore. Ralentit toujours, si bien qu’à un moment, on se dit qu’il va s’arrêter. Sergio Ramos a le temps de revenir sur l’attaquant de City pour le contrer. Ce mec est un génie. Prandelli l’a bien compris et sort son numéro 9 pour injecter la pile Di Natale. Cinq minutes plus tard, Pirlo enrhume Busquets d’un crochet et régale l’attaquant de l’Udinese d’une passe en profondeur. Sans trembler, Antonio aligne Casillas d’un plat du pied droit. Boum ! C’est la folie. Une folie de courte durée, car les Espagnols égalisent dans la foulée à la suite d’un amour d’action collective. Dans un petit périmètre, Iniesta, puis David Silva, mettent Fàbregas sur orbite, lequel, du gauche, trompe Buffon au point de penalty. La passe de l’extérieur du gauche de Silva est un bijou. Autre bijou, la sortie de Buffon dans les pieds de Torres sans se servir de ses mains. Gianluigi se la joue stoppeur.
De l’autre côté de la pelouse, Di Natale est à une pompe de foot de transformer le café crème de Giovinco en but de l’année. Malheureusement, la reprise de l’Italien passe de peu à côté. Les milieux ne voient plus la balle. Ça va d’un but à l’autre. Et quand Torres se retrouve en bonne situation, il trouve le moyen de foirer son lob. Moralement, El Nino n’y est pas. Il a perdu son instinct de tueur. Un instinct que n’a pas Marchisio, non plus, en ratant une belle opportunité dans les derniers instants. On disait l’Espagne archi-favorite et l’Italie en mauvaise posture. L’écart entre les deux équipes n’est pas si évident. Prandelli a un groupe homogène et une paire De Rossi-Pirlo en forme. Côté espagnol, Del Bosque a largement de quoi remporter l’Euro. Collectivement, la machine tourne bien, même si elle pèche parfois par excès de facilité. Le luxe des champions…
Par Mathieu Faure