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Hervé Bugnet : « Moi aussi, j’ai marqué en finale de l’Euro 2000  »

Propos recueillis par Kevin Charnay
Hervé Bugnet : «<span style="font-size:50%">&nbsp;</span>Moi aussi, j&rsquo;ai marqué en finale de l&rsquo;Euro 2000  »

Aujourd’hui coupé du football et même dégoûté par certains aspects du métier, Hervé Bugnet se souvient d’une vie qui semble bien loin derrière lui. Sourire aux lèvres au moment d’évoquer ses débuts à Bordeaux et en équipe de France, mâchoire crispée lorsqu'il s’agit de revenir sur sa fin de carrière chaotique à l’ETG, l'ancien attaquant, 37 ans, vide son cœur quitte à ce que Pascal Dupraz prenne quelques balles perdues.

Bonjour, Hervé. Ça fait cinq ans que vous avez arrêté votre carrière, quelle est votre vie aujourd’hui ?À la fin de mon contrat à Évian en juin 2013, je suis rentré chez moi à Bordeaux. J’ai fait deux années en CFA au Stade bordelais et j’ai pu commencer à préparer mon après-carrière en même temps. Et puis j’ai dû arrêter de jouer à cause de pas mal de soucis physiques. C’était compliqué, j’étais fatigué du football. Donc j’ai commencé à travailler avec un ami restaurateur. On a créé deux restaurants dans la région. Et puis au bout d’un an ou deux, je me suis reconverti dans l’immobilier.

Contrairement à beaucoup de footballeurs, vous avez donc pu préparer votre reconversion ?J’ai eu le temps, oui et non. Quand je me suis refait les croisés en janvier 2013, je savais que mon contrat avec Évian ne serait jamais renouvelé pour plein de raisons, notamment parce que ça ne passait pas du tout avec l’autre. Celui qui a entraîné Toulouse également, vous voyez.

Pascal Dupraz ?Oui, j’ai encore du mal à prononcer son nom, parce que j’ai la haine. Enfin bref. Je me suis rompu les croisés, j’allais me retrouver sans club dans six mois, j’avais 32 ans. J’ai eu quelques propositions dans des clubs de National comme Colmar, mais je n’avais plus envie. Ça faisait depuis l’âge de sept ans que je devais bouger à droite à gauche tous les week-ends. J’étais fatigué de ça, de la nouvelle génération qui arrivait et du milieu du football en général. Donc je voulais juste rentrer chez moi à Bordeaux et j’ai pu commencer à réfléchir à l’après-foot plus tôt que certains.

Et maintenant, avec un peu de recul, vous portez quel regard sur le métier de footballeur ?Le fait de jouer au football à haut niveau me manque, bien sûr. C’est un métier formidable, on vit de sa passion. Mais le milieu du football en lui-même, pas du tout.

Vous avez des regrets concernant certaines choses ?Pas vraiment, car je suis un chanceux. C’est déjà une vraie chance de faire ce métier. Ma carrière aurait pu ou dû être plus belle que ce qu’elle a été, parce que j’étais quand même en équipe de France chez les jeunes. Mais je suis déjà très content d’avoir pu faire ma petite carrière. Aujourd’hui, je suis dans la vraie vie. La vie rêvée et éphémère, c’était avant.

On a l’impression d’une vraie coupure entre vos deux vies. Vous ne vous intéressez plus du tout au football ?Honnêtement, le nombre de matchs que je regarde dans l’année est faible. Je commence vers janvier-février pour les matchs de Ligue des champions. Je suis incapable de sortir le onze complet d’une équipe de Ligue 1. Et puis de temps en temps, je vais voir Bordeaux au stade, mais c’est plus pour revoir les gens du club que j’ai connus. Aussi bien les bénévoles que les salariés.

Si vous avez coupé aussi drastiquement, c’est aussi parce que votre carrière s’est terminée sur une fausse note. Qu’est-ce qu’il s’est passé à Évian ?Au début, tout s’est plutôt bien passé. Fin août 2008, après un match amical que je dispute avec l’UNFP, c’est Pascal Dupraz qui m’appelle et me dit qu’il cherche un ancien avec de la bouteille qui veut se relancer.

Entre-temps, Stéphane Paille a été limogé alors qu’on était deuxièmes… C’est Bernard Casoni qui reprend l’équipe et il me dit : « Je joue sans numéro 10. » C’est le début des emmerdes.

Je saute sur l’occasion et je fais une très belle première année avec 13 passes décisives et six ou sept buts. On manque la montée de peu, mais je suis en confiance. Stéphane Paille, le nouvel entraîneur, me dit qu’il veut monter l’équipe un peu autour de moi pour la saison. Alors je signe un nouveau contrat d’un an, qui se prolonge deux de plus en cas de montée en Ligue 2, et d’un an encore supplémentaire en cas de montée en Ligue 1. Sauf que quinze jours après la signature de ce nouveau contrat, je me pète les croisés contre le Steaua Bucarest en préparation. Je reviens en janvier, mais entre-temps, Stéphane Paille a été limogé alors qu’on était deuxièmes… C’est Bernard Casoni qui reprend l’équipe et il me dit : « Je joue sans numéro 10. » C’est le début des emmerdes.

À partir de ce moment-là, votre temps de jeu chute complètement.Je joue les sept derniers matchs de la saison, mais en sortie de banc, car je ne suis pas titulaire. On monte en Ligue 2, mon contrat est donc prolongé automatiquement de deux ans. Sauf que Casoni ne compte absolument pas sur moi. Il veut me prêter et je dis non, car j’estime qu’avec 200 matchs de Ligue 2 dans les pattes, je peux aider le club dans cette division. Sauf que je n’aurai jamais ma chance, je joue juste un match au Mans en novembre 2010. On gagne, ça se passe super bien. Mais ce que je ne savais pas, c’est que c’était mon dernier match avec Évian.

Sauf qu’Évian monte en Ligue 1. Alors votre contrat est prolongé d’un an supplémentaire. Vous voilà lié au club jusqu’en 2013. Presque trois ans sans jouer, comment a-t-on pu en arriver là ?Cette question, je me la suis posée 150 millions de fois. Mais je suis désolé, je ne pourrais pas y répondre. Si j’avais la réponse, je vous la donnerais. Il a dû se passer quelque chose, mais je ne sais pas quoi. Je ne sais pas ce que j’ai fait. Ni Bernard Casoni ni Pablo Correa qui débarque après son limogeage en janvier 2012 ne m’ont donné une seule opportunité. Par exemple, quand Correa arrive, il convoque tout le monde dans son bureau individuellement sauf moi. Pourquoi ? Je ne sais pas. Pourtant, je vous jure, je n’aurais pas marqué contre mon camp. J’aurais tout fait pour me montrer, et peut-être aller ailleurs s’ils ne voulaient plus de moi. En plus, je vous assure que je n’ai rien à me reprocher sur ce que je faisais à l’entraînement. J’ai toujours été professionnel, même si je ne jouais pas. Bérigaud, Sagbo, Khalifa me disaient : « On aimerait bien jouer avec toi, tu donnes des bons ballons. » Je leur répondais : « Merci, mais ce n’est pas à moi qu’il faut le dire les gars. »

Pourquoi avoir autant d’amertume envers Pascal Dupraz ?Parce que lorsque Bernard Casoni et Pablo Correa étaient en poste et qu’il était directeur sportif,

Dupraz ne m’a jamais pris dans le groupe, sans aucune raison. Si encore j’avais baisé sa femme, j’aurais compris. J’aurais dû le faire, au moins il aurait eu une bonne excuse.

il me disait sans cesse : « Tu ne crois pas qu’il pourrait te prendre au moins dans le groupe et te donner dix minutes ou un quart d’heure de temps en temps pour récompenser les efforts ? » Voilà le discours qu’il me tenait. Et quand il remplace Pablo Correa au poste d’entraîneur, je peux vous dire que j’ai la banane. Et en fait, dès qu’il a repris les rênes en Ligue 1, je ne reconnaissais plus ce monsieur. Un tout autre visage, surtout avec moi. Et il ne m’a jamais pris dans le groupe, sans aucune raison. Si encore j’avais baisé sa femme, j’aurais compris. J’aurais dû le faire, au moins il aurait eu une bonne excuse. Surtout qu’avec la réserve, je sortais des grosses prestations.

Il ne vous a jamais dit pourquoi il avait changé de discours ?Si, une fois. Mais ça n’a tellement pas de sens. En janvier 2013, on recevait Brest. Saber Khalifa et Yannick Sagbo étaient à la CAN, Kévin Bérigaud était blessé. J’étais le seul attaquant disponible.

« Si t’es pas content, va te plaindre à la presse« , qu’il me dit. À plus de 31 ans, je suis rentré chez moi et je me suis mis à pleurer comme un enfant de deux ans et demi.

On est 21, sous la neige, et à la fin de l’entraînement, il dit que l’entraîneur-adjoint, Stéphane Bernard, va nous donner les quatre noms qui ne sont pas sur la liste pour le match. Quatre noms ? C’est bizarre puisqu’on est 18 dans un groupe. Et 21-4, ça fait pas 18. Évidemment, le quatrième nom qui est cité, c’est le mien. Là, le ciel m’est tombé sur la tête. Quand tout le monde part, il me dit : « Hervé, viens me voir ! Ce n’est pas normal que je ne te prenne pas dans le groupe. Je ne te prends pas parce que tu as trop de joie de vivre. » Ça veut dire quoi ? C’est interdit de rigoler à l’entraînement ? C’est un sport, c’est du football, on n’est pas traders. Tu crois que Zidane, il n’a jamais rigolé dans un groupe ? « Si t’es pas content, va te plaindre à la presse » , qu’il me dit. À plus de 31 ans, je suis rentré chez moi et je me suis mis à pleurer comme un enfant de deux ans et demi. C’était le point de non-retour. Une semaine après, je me pète de nouveau les croisés sur un duel avec Adrien Thomasson. C’est forcément lié.

Bien avant tout ça, il y a donc eu votre vrai club de cœur : Bordeaux. Comment avez-vous atterri si jeune aux Girondins ?J’ai toujours eu un ballon dans les pieds. Quand j’ai commencé à jouer, ma mère me disait que de toute façon, j’étais né pour ça. Quand j’étais dans son ventre, je donnais déjà des coups de pied de partout, je devais chercher le ballon. (Rires.) J’étais à fond dans le foot. Je regardais tous les matchs à la TV, j’enregistrais L’Équipe du dimanche, je connaissais tous les joueurs, toutes les équipes. Je commence à jouer dans un petit club à sept ans. Et trois ans plus tard, mon père voit une annonce de détection aux Girondins tout le mois de mai, chaque mercredi. Mon père me dit : « Tu veux y aller ? » Bien sûr ! Au bout de deux mercredis, ils m’ont pris avec un copain, avant même qu’on fasse les quatre séances. Et en fin de compte, j’ai eu la chance d’être deux fois champion de France avec les U17. C’est à ce moment-là qu’on m’appelle et qu’on me dit : « Demain, tu ne vas pas à l’école. Tu vas t’entraîner avec les pros. » J’étais comme un fou, et je peux vous dire qu’avec Dugarry, Benarbia, Laslandes, j’ai transpiré. J’étais encore un enfant, franchement.

En 2000, vous remportez l’Euro des moins de 19 ans face à l’Ukraine, avec un but en finale. Comment on se sent à ce moment-là ?C’est bizarre parce qu’à 19 ans, tu obtiens déjà un truc qui te semble être l’aboutissement de quelque chose. C’était juste après la finale de l’Euro 2000. Et bien sûr qu’on s’est dit : « Ouais on va faire comme les grands. » En plus, j’entre en jeu à la place de Djibril Cissé et je marque le but de la victoire. Eh oui, moi aussi j’ai marqué en finale de l’Euro 2000. (Rires.) Le lendemain, la presse italienne me comparait à Trezeguet. C’était sympa.

Quand une carrière commence comme ça, est-ce qu’on se prend vite à rêver ?Les équipes de France, je les ai toute faites jusqu’aux Espoirs. J’étais le seul joueur de Ligue 2 à être appelé avec les Bleus. Dans un coin de la tête, je commençais donc très vite à rêver, oui. On me voyait comme un espoir français quand même. Finalement l’espoir… J’ai eu des problèmes personnels, des mauvais choix et j’étais dans un club de Ligue 1 très fort, qui ne me faisait pas jouer car il y avait beaucoup de concurrence. Comme je ne signe pas pro tout de suite après cet Euro – ce qui serait impensable aujourd’hui –, je m’impatiente et décide de quitter Bordeaux. C’est un regret, j’aurais dû m’accrocher.

Après trois prêts (Martigues, Châteauroux, Le Havre), vous partez donc à Montpellier. Qu’est-ce que ça fait de prendre une soufflante de Loulou Nicollin ? Il paraît que vous en avez pris des belles.

Et là Nicollin me descend : Tu n’es qu’un petit tricheur, un petit con, un petit ça… J’étais dégoûté. Je voulais me casser, et d’ailleurs je suis parti à Dijon à la fin de la saison.

Comme j’arrive de Bordeaux, je fais partie des plus gros salaires du club, autant dire ceux sur lesquels Nicollin aimait bien taper quand ça n’allait pas. Je me souviens, après une défaite à Sedan, il entre dans les vestiaires en hurlant : « Il est où Bugneeeet ?! » avec son énorme voix. Et là, il me descend : « Tu n’es qu’un petit tricheur, un petit con, un petit ça… » J’étais dégoûté. Je voulais me casser, et d’ailleurs je suis parti à Dijon à la fin de la saison. Mais c’est le personnage qui est comme ça, il ne fallait pas le prendre trop à cœur. Le lundi d’après, je donne la victoire à l’équipe, il débarque et me dit : « Allez, viens là Bugneeeet » avec un grand sourire. Je suis quand même parti sur un coup de tête, j’ai été con.

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Propos recueillis par Kevin Charnay

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