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Gérard Lopez à Lille, retour en terrain pas conquis

Par Adrien Hémard
7 minutes
Gérard Lopez à Lille, retour en terrain pas conquis

Alors que les Girondins de Bordeaux défient le LOSC ce samedi, un homme s’apprête à faire son retour au stade Pierre-Mauroy : Gérard Lopez. L’ancien président lillois revient sur la terre de sa première expérience dans le ballon rond, riche de plusieurs podiums et d’un titre de champion de France soulevé quelques semaines après son départ. Un retour en terrain conquis donc ? Pas vraiment.

« Gérard Lopez a fait rêver les supporters, mais à quel prix ? » La punchlineest signée Vandamme, Jean-Michel de prénom, dirigeant historique du LOSC. Et l’actuel directeur de la formation lilloise est loin d’être le seul à penser ainsi dans la capitale des Flandres. « Le souvenir d’aujourd’hui n’est pas celui d’hier, philosophe Alex, supporter lillois. Comme beaucoup, je l’ai longtemps aimé. Mais comme beaucoup, aujourd’hui je ressens plutôt du dégoût. » Un sentiment paradoxal, partagé par bon nombre de supporters des Dogues, alors que sur le papier, on voit mal comment un président qui fait de son club un champion de France sexy devant le PSG pourrait ne pas être apprécié après son départ.

Des résultats probants

D’abord, un peu de nuance. Gérard Lopez n’est pas persona non grata dans le Nord. À l’image de Sami, autre supporter lillois, certains retiennent avant tout le bilan sportif de l’homme d’affaires luxembourgeois : « On retient le titre avant tout, on l’attendait depuis dix ans. On n’osait même pas y croire d’ailleurs, jouer d’égal à égal avec le PSG. On n’avait plus connu ces résultats depuis dix ans, on glissait doucement vers le ventre mou… » Mais le jeune homme n’est pas dupe pour autant : « On regrette plus Luis Campos que Gérard Lopez. Campos a vraiment réussi plusieurs mercatos consécutifs, avec l’enchaînement Pépé, Osimhen, David. C’est lui qui a bâti le titre, en fait, avec Galtier. »

Dire que le titre ne doit rien à Lopez, ce ne serait pas exact. Après, il faut voir ce qu’il laisse derrière lui…

Suiveur averti du club depuis les années 1990, Thomas, qui écrit pour un blog de supporters lillois, n’est pas étonné par ce ressentiment prédominant aujourd’hui : « Attention, on voit encore des supporters lillois qui le défendent. Mais après son départ, il y a eu une prise de conscience de ce qu’il a mal fait. Pas mal de trucs sont sortis, comme le transfert obscur d’Osimhen. Je pense que l’accueil de Pierre-Mauroy sera mitigé. » S’il ne cache pas sa rancœur, Thomas avoue tout de même que « dire que le titre ne doit rien à Lopez, ce ne serait pas exact. S’il n’était pas venu, on n’aurait pas été champions. Après, il faut voir ce qu’il laisse derrière lui… »

Poussé vers la sortie à l’arrivée de Lopez, mais revenu depuis son départ, Jean-Michel Vandamme salue effectivement le travail effectué par l’ancien président, tout en relativisant son importance dans le titre de 2021 : « C’est du 50-50 avec la nouvelle direction, qui a dû gérer la passation de pouvoir en parallèle de la lutte avec le PSG, avec un vestiaire pas facile à ce moment. Et puis, j’ai été directeur sportif pendant dix ans avec 12 à 15 millions à dépenser chaque année. Eux c’était 50, 70 millions. Vous nous auriez donné ça, on aurait été champions de France plusieurs fois. »

Un bâtisseur qui fait des dégâts

Pour qu’un titre de champion de France soit éclipsé, c’est qu’il y a des raisons. D’abord en interne, où l’arrivée de Gérard Lopez a provoqué le départ d’une quarantaine de collaborateurs historiques, dont Vandamme : « Ils ont été respectueux lors de mon départ, mais j’ai dû quitter mon club de cœur. J’ai été très touché après plus de 40 ans au LOSC, malheureux, même si c’est une durée exceptionnelle dans le foot. » Des départs qui mettent la puce à l’oreille de certains supporters, ensuite choqués par le traitement réservé à plusieurs cadres du groupe. « Il a cassé pas mal de choses dans le club. La partie visible, c’était le loft (soit les mises à l’écart de Mavuba, Enyeama, Martin, Sliti, Eder, Baša, entre autres, NDLR), même s’il a bien mis ça sur le dos de Bielsa après. Mais traiter comme ça des grands noms du LOSC, c’était impensable », regrette Thomas. Le tout suivi d’une saison catastrophe qui voit le club frôler la relégation : « J’ai eu très peur », souffle Vandamme.

Il a endormi tout le monde. On se sentait compris, en vérité tout était calculé.

Pourtant, à l’époque, Gérard Lopez reste apprécié, sauvé par le maintien miraculeux arraché par Christophe Galtier. Le secret du Luxembourgeois ? Sa personnalité, et surtout sa communication. « Il a endormi tout le monde, moi y compris, concède Alex. L’année dernière encore, il a communiqué sur le derby comme aucun président ne l’avait fait. On se sentait compris, en vérité tout était calculé pour se mettre le public dans la poche. »

Sociologue de métier, Thomas approfondit la méthode Lopez : « Il joue sur la défiance des supporters par rapport aux élites, je trouve ça très pervers. Il joue sur le thème de la passion, alors que très clairement il a des intérêts personnels là-dedans, même si c’est compliqué de savoir lesquels tellement son système est opaque. Il a une stratégie de division, de jouer celui qui est hors du système alors qu’il n’y a pas plus dans le système que lui. » Et comme à Bordeaux aujourd’hui, Lopez se rapproche alors de certains supporters pour communiquer directement. « On voyait des comptes Twitter qui le défendaient tout le temps. Je ne dis pas qu’il avait acheté ces comptes, mais il avait des soutiens assez forts », rapporte Sami, perplexe.

Sa méthode a payé à court terme. Mais justement, elle a beaucoup payé. Elle a dépensé sans compter. Le club s’est quand même retrouvé au bord du gouffre.

Derrière la façade, les ruines

Ce qui explique surtout le désamour des Lillois pour leur ancien président, c’est l’état dans lequel il a laissé le club à son départ. « J’ai eu très peur de ce que devenait le club sur le plan économique, je me demandais jusqu’où ça irait », se demandait Vandamme sous l’ère Lopez. De retour à Luchin depuis un an, l’ancien directeur sportif a pu mesurer l’étendue des dégâts : « Sa méthode a payé à court terme. Mais justement, elle a beaucoup payé. Elle a dépensé sans compter. Le club s’est quand même retrouvé au bord du gouffre, avec des dettes à 200 millions d’euros. » Ce qui fait dire à beaucoup de Lillois interrogés que Gérard Lopez a joué avec leur club. « Et il l’a fait avec de l’argent qui n’était pas le sien, en prenant des risques inconscients. Il faisait joujou, sans avoir conscience des conséquences d’une relégation », peste aujourd’hui Alex. Il faut dire que le contre-coup des années Lopez commence à se faire sentir au domaine de Luchin, où le successeur Olivier Létang doit serrer la ceinture d’un club champion de France, huitième-de-finaliste de la C1, mais qui va perdre quasiment toute son équipe l’été prochain pour renflouer les caisses. « Lopez a endetté le club. Il est maintenant parti, mais on doit rembourser. Le titre risque de nous coûter cher », s’inquiète Thomas, conscient que le LOSC a vécu à crédit ces quatre dernières années.

Il n’y a pas que les comptes du club qui ont été laissés exsangues par Gérard Lopez. « Ils ont ruiné la formation, malgré un budget formation inédit, ils ont eu un niveau d’efficacité nulle. Alors que la formation doit faire partie de la politique du club », estime Vandamme, lui qui a formé la moitié de l’équipe championne de France 2011. Il martèle que sans Olivier Létang, « il n’y aurait peut-être plus de LOSC aujourd’hui. Soit sportivement, parce que vous avez tout vendu, soit économiquement. » Voilà qui explique comment un président champion de France peut être aussi mal perçu par ses anciennes troupes. « Et encore, il peut remercier Campos et Galtier pour le titre et le jeu vu sous son mandat », ajoute Thomas. Ce qui ne va pas rassurer les Bordelais, puisque cette fois ni Campos, ni Galtier, ni le jeu et encore moins le titre ne sont pas de la partie. « J’ai peur pour eux, conclut Alex, solidaire. Mais pas assez pour les laisser prendre trois points chez nous aujourd’hui ! »

Dans cet article :
Bordeaux perd des points pendant que ses ultras se foutent sur la gueule
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Par Adrien Hémard

Tous propos recueillis par AH.

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