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Digard – Anin, la puissance du port du Havre

par Mathieu Faure
5 minutes
Digard – Anin, la puissance du port du Havre

Millésime 1986 pour les deux gaillards du milieu de terrain niçois. Le binôme est passé par la formation havraise. L'un comme l'autre ont connu des carrières jonchées de haut et de bas. Associés dans l'entrejeu azuréen, Didier et Kevin, des potes dans la vie, s'éclatent. Et ça se voit. L'un est capitaine du Gym et a fortement recommandé à l'autre de le rejoindre. Une histoire de feeling, de potes. Une histoire d'hommes en fait.

Dans les travées du stade du Ray, le supporter azuréen est souvent déconnecté de la réalité. Il a tendance à exagérer la chose. D’un Renato Civelli, il fait un Thiago Silva. La beauté physique en plus. Alors quand il se lance sur le duo Kevin Anin/Didier Digard, on frôle le coït permanent. « Ces deux-là devraient être en équipe de France où Étienne Capoue fait figure d’escroquerie. » Que voulez-vous, l’Amour est comme ça. Irrationnel. Pourtant, il y a quelque chose avec ces mecs-là. Le talent déjà. Chacun a reçu quelque chose du bon Dieu. C’est une évidence.

Repérés très tôt par la formation havraise, les deux mecs côtoient d’autres cracks comme Steve Mandanda, devenu, depuis, un intime de Digard. Hasard ou pas, il faudra attendre 2013 pour voir les deux hommes arriver à maturité. Chacun a connu sa part d’ombre. Digard, lui, a mangé son pain noir au PSG et à Middlesbrough. Alors qu’il était de toutes les générations de jeunes chez les Bleus, la Digue arrive au PSG à 20 piges. La marche est trop haute. Les blessures ruinent sa saison et son moral de supporter parisien. Il ne dit rien, encaisse et file en Angleterre pour tenter l’aventure et prendre de la caillasse. Un couac à la fois sportif (Borough file en D2) et physique (encore des blessures). Il faudra attendre 2010 pour le revoir en France, à Nice. Il va mettre deux ans à se reconstruire. Deux piges à se canaliser et à comprendre son rôle. Aujourd’hui capitaine d’un OGC Nice épatant, il est dans la lumière. D’autant que l’arrivée de Claude Puel a parfaitement consolidé son cahier des charges. Avec Puel, pas d’autobus devant les cages. On joue au ballon. On privilégie le mouvement et les passes. Et pour ce faire, il faut une plaque tournante. Un mec qui adore déplacer les lignes adverses. « J’ai un jeu qui dépend beaucoup des autres. Là, il y a du mouvement, de la disponibilité. Et comme j’adore faire des passes… » , déclarait-il dans les colonnes de Nice-Matin en mars dernier. La Digue, c’est également le grand frère. Un homme de peu de mots. Mais ils font toujours mouche.

Surtout, il n’oublie pas d’où il vient. Alors quand Kevin Anin ronge son frein à Sochaux après une saison 2009/2010 exceptionnelle, Digard ne tarde pas à lui vanter les mérites de la Côte d’Azur. Il faut dire qu’Anin était à deux signatures de filer à Arsenal. Arsène Wenger l’avait même reçu dans son bureau. Tout semblait fait. Et puis non. « Ce qui m’a fait mal, c’est la façon dont l’affaire a capoté, se souvient-il dans un entretien accordé à Nice-Matin. On a cassé du sucre sur mon dos. Cela a été très dur. L’injustice me dégoûte. À ce moment-là, je me suis dit : « Mais c’est quoi ce milieu ? » Je ne pouvais plus jouer. » Anin est brisé. Il enchaîne les absences et son esprit se remplit de mélancolie, d’envie d’ailleurs et de silence médiatique absolu. Comme il ne dit rien, on parle pour lui. Et pas forcément en bien. Digard, qui connaît son loustic, fait le nécessaire et Anin débarque à Nice. Le duo est reconstitué et les débuts sont prometteurs. En mars 2012, Anin marche même sur le milieu du PSG au stade du Ray (0-0). Il est énorme. Mais ça ne va pas durer…

La rechute… pour mieux rebondir

Très attaché à l’humain, Anin commence la saison 2012/2013 dans le dur. « Il y avait trop de gens qui gravitaient autour de moi. J’ai connu deux grosses déceptions amicales. Et je souffrais encore par rapport à ce qui s’était passé à Sochaux, s’épanche le milieu dans Nice-Matin. J’ai longtemps gardé ce mal-être au fond de moi. Sauf que tout homme a ses limites. J’ai encaissé, encaissé, encaissé…[…] À un moment donné, je me demandais vraiment ce que je foutais dans ce milieu. Il ne me ressemble pas. » Et boum. Catastrophe.

L’homme plaque tout et retourne chez lui, au Havre. Il va y rester quatre mois. Enchaînant les arrêts maladies et les textos à son entraîneur du style « je rentre demain » , le retour du joueur devient une arlésienne. À l’autre bout de la France, Puel ne l’enfonce pas. Le club encore moins. Au contraire. Un artiste, ça s’éparpille. Toujours. On met donc en place une gestion de crise en douceur. Le temps va faire le reste.

Entre deux parties de football à 5, Anin garde un lien plus ou moins permanent avec Didier Digard et Kevin Gomis, ses confidents. L’amitié prend le pas sur la logique sportive. Pendant ce temps, Digard s’impose en patron de l’entrejeu azuréen. Il a mûri. Il faut dire qu’à 26 piges, le tatoué a déjà trois mômes, dont le premier qu’il a eu à 16 piges. DD est au top physiquement. Et les grosses prestations s’enchaînent pendant que le Gym s’invite dans le groupe de tête sans prévenir. En janvier, la CAN débarque et Traoré doit plier bagage pendant un mois. Digard et Puel se retrouvent à poil au milieu. Puel prend son bigophone et demande, sans poser d’ultimatum, à Anin de venir filer un coup de main au club. Anin reprend confiance et prend un aller simple pour Nice, alors qu’il fait le mort depuis septembre. Il se retape moralement et sort des matchs de porc aux côtés de son pote Digard. Et tout un coup, les mots d’Anin prennent un sens. « Tout ceux qui sont là pour moi, je ne les lâcherais jamais. En revanche, lorsque je ressens de la défiance ou de l’injustice, c’est fini. » Finalement, la paire est complémentaire. Anin ratisse, impose son corps de buffle et décourage le milieu adverse. Digard, lui, oriente et accélère le jeu des siens. Un binôme parfait. Sans doute le plus complémentaire du championnat. Il faut dire que les deux anciens Havrais sont des copies conformes. Même leur devise est similaire. « Sur le terrain ou en dehors, on m’a toujours appris à ne pas me laisser marcher sur les pieds » , déclare Anin dans les pages de Libération. Quant à Digard, on est sur le même credo : « Dans la famille, on n’a pas l’habitude de se faire marcher dessus. » Ça tombe bien, les deux bœufs ne viennent pas au Parc des Princes pour enjamber les flaques d’eau.

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