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« Cristiano Ronaldo, c’est Batman »

Propos recueillis par Gabriel Cnudde
10 minutes
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Pendant que tu te tapes des cours de sociologie un peu chiants en France, Luis Aguiar a eu l'idée géniale de proposer à ses élèves un cours centré sur Cristiano Ronaldo dans son université, au Canada. Au programme, football, racisme et Portugal. Rencontre avec un homme qui aimerait faire la leçon à Pepe et à José Mourinho.

Qui êtes-vous, Luis Aguiar ?

Je suis d’origine portugaise. Je suis né dans les Açores, à San Miguel, la plus grande île de l’archipel. J’ai migré avec ma mère quand j’avais onze ans, à Montréal, où mon père vivait depuis deux ans. J’ai commencé à l’Université Concordia à Montréal où j’ai passé mon bac. Après ça, je suis parti pour Hamilton à la McMaster University où j’ai passé ma maîtrise. Ensuite, je suis allé à la York University de Toronto pour mon doctorat. J’ai finalement gagné un poste ici, à l’université de British Columbia dans la vallée de l’Okanagan depuis 2005. L’autre campus, plus grand et plus connu, se situe à Vancouver. Ici, je suis professeur associé de sociologie dans l’Irving K. Barber School of Arts and Sciences.

Qu’est-ce que c’est que ce cours sur Cristiano Ronaldo ?

C’est un cours de quatrième année dans le département de sociologie. C’est un cours special topics : c’est un cours qui n’est pas régulièrement dans la plaquette des cours offerts par le département. Mais, d’après l’attention que le cours vient de recevoir, il faudrait penser à l’inscrire durablement dans le cursus. J’ai à peu près vingt étudiants dans le cours. C’est un cours de douze semaines. Chaque semaine, on aborde un thème différent. On attaque notre cinquième semaine. On a déjà discuté autour de thèmes comme la sociologie du sport, on veut savoir ce que c’est, le développement du football et des athlètes, etc. Qu’est-ce que les enfants apprennent dans les entraînements de football qu’ils pourront utiliser plus tard dans leur vie quotidienne, sur le marché du travail, par exemple. Je ne vais pas présenter tous les thèmes, mais on parle bien sûr beaucoup de la construction de Cristiano Ronaldo dans le néo-libéralisme, de la relation entre lui et ce monde. On a également beaucoup parlé de la discrimination que Cristiano a subie quand il était jeune, en venant à Lisbonne de Madère. On a étendu la discussion au principe de la discrimination sociale et de la discrimination sur le marché du travail. On a aussi beaucoup parlé du racisme dans le monde du football. Et puis, surtout, on s’est demandé : qu’est-ce que c’est Ronaldo pour le Portugal ? Qu’est-ce qu’il signifie pour les communautés portugaises dans le monde ?

Quand avez-vous eu l’idée de ce cours ?

J’avais envie d’entamer un cours sur un thème en rapport avec le Portugal parce que ça m’aurait donné l’opportunité de pratiquer un peu mon portugais. (Rires) Je voulais connaître mieux mon pays. Mais mes idées précédentes n’ont jamais abouti. Quand le Portugal a joué contre la Suède pour la qualification en Coupe du monde, j’ai regardé la match avec les commentaires portugais et j’ai été très surpris de la manière dont le commentateur a construit Cristiano. Avant, j’avais l’impression que la position de Ronaldo dans l’imaginaire portugais n’était pas très claire. Pendant ce match, il est devenu le héros pour tous les Portugais. J’ai trouvé cette transformation un peu étrange. Le Portugal traversait à cette époque une période terne et difficile économiquement. Et la représentation sociologique de Ronaldo a tout bouleversé. C’est de là que ce cours vient. Je supporte l’équipe du Portugal, bien sûr, alors c’était plus simple. Je suis plusieurs ligues européennes, je suis un supporter du Benfica, pas avec la même passion que j’avais dans ma jeunesse, mais je supporte quand même. J’ai regardé le match chez moi avec des amis, j’étais fasciné par la manière dont on parlait de Ronaldo. Nous-mêmes, on l’a élevé à un statut complètement différent de celui qu’il avait avant. D’abord, j’ai préféré ne pas en parler à mes amis, j’ai gardé ça pour moi. C’est difficile pour un Portugais de Madère ou des Açores d’obtenir un statut de héros national. L’histoire du Portugal avec ses îles est très compliquée. Voilà pourquoi je suis très intéressé.

Comment ça s’est passé avec la direction de l’université ?

Au mois de novembre, on a commencé à discuter des cours pour l’automne prochain. J’ai discuté de ça avec mon supérieur. Il ne connaissait pas Cristiano Ronaldo ! Il était très intéressé par le cours, en revanche. On a eu un glitch (un pépin, ndlr). Comme d’habitude, j’ai préparé un petit résumé du cours à mon supérieur qui l’a à son tour soumis au département de l’université chargé de promouvoir les cours. Je ne sais pas ce qui s’est passé, mais les étudiants n’ont jamais vu ce résumé ni l’intitulé du cours ! Les étudiants que j’ai dans mon cours se sont inscrits pour un autre cours que j’avais présenté il y a deux ans qui s’appelait Global Citizens. Je me suis aperçu de cette erreur une semaine avant le début du cours ! Je suis allé dans une classe expliquer l’erreur et présenter mon cours sur Ronaldo ! Je pense qui si tout s’était bien passé, j’aurais eu encore plus d’étudiants. Mais ce n’est pas très grave, parce qu’en tout, j’ai déjà 350 étudiants. Ici, on a une très grande liberté intellectuelle. C’est très rare que quelqu’un interfère et refuse ces idées-là.
Si les Portugais avaient la même passion pour leurs problèmes que pour le football, ça irait sans doute mieux.

Comment on prépare un cours pareil ?

Je ne connaissais pas Madère, alors j’y suis allé quelques jours au mois de novembre. J’ai parlé avec plusieurs personnes, j’ai visité le musée de Cristiano. Comme ça, en janvier, quand j’ai donné mon premier cours, je me sentais à l’aise. C’était très important pour moi de maîtriser mon sujet.

Qui sont vos étudiants ?

Ce sont des étudiants normaux. (Rires) Il y a plusieurs filles, plusieurs garçons, c’est assez hétérogène, ce qui est tout à fait normal pour un cours de sociologie. Il n’y en a que trois ou quatre qui s’intéressent au football, mais pas fanatiquement. Il y en a d’autres qui sont intéressés par le sport, et surtout le hockey. Et puis les autres, ils sont surtout là pour éviter d’avoir à retourner en arrière et prendre un autre cours ! (Rires) Mais ils connaissaient tous plus ou moins bien Cristiano Ronaldo.

Quel est le profil sociologique de Ronaldo ?

Il y en a plusieurs, en fait. Ce n’est pas homogène, c’est ça que le cours explore. Il y a Ronaldo le footballeur, Ronaldo l’icône culturelle, Ronaldo humanitaire dernièrement. Parfois, ses facettes sont construites par Ronaldo lui-même, parfois par les médias. En tant que sociologue, je m’intéresse beaucoup à Ronaldo le Portugais. J’ai une relation assez spéciale avec le Portugal. C’est la représentation d’une personne comme l’image d’un pays. Qu’est-ce que ça veut dire pour l’histoire du pays d’avoir Ronaldo comme représentant à l’étranger. J’ai beaucoup parlé avec des journalistes du pays qui m’expliquaient que c’était très important d’avoir cette fierté. Pour un pays si petit, avoir une star de son envergure, c’est génial.

Qu’est-ce que vous avez pensé de la Coupe du monde des Portugais ?

C’était très difficile. On ne savait pas vraiment si Ronaldo était prêt. J’ai apprécié la poule du Portugal. Je pense que le Portugal est meilleur quand il affronte des grosses équipes. Je pensais que le Portugal allait élever son niveau. Mais ça n’a pas marché. Ronaldo a eu des difficultés, Pepe aussi. En même temps, je pense que le football portugais fait oublier un peu les problèmes économiques. Il ne faut pas oublier que c’est un tout petit pays, qui fait quand même de grandes choses dans le milieu du football. Ils ont des joueurs exceptionnels. Même si les résultats ne sont pas toujours bons, j’admire le Portugal en tant que nation sportive. Maintenant, en tant que sociologue, ça me décourage. Si les Portugais avaient la même passion pour leurs problèmes que pour le football, ça irait sans doute mieux.

Comment expliquer la mauvaise passe actuelle de Ronaldo ?

Le plus difficile pour lui, c’est que le Real est en difficulté. Je suis très surpris, parfois. La dernière fois, je lisais un grand quotidien français qui faisait sa une sur son site internet avec un article intitulé Pourquoi Ronaldo est-il si violent ? Je suppose que plusieurs cartons rouges de Ronaldo sont des accumulations de cartons jaunes. Je trouve que plusieurs athlètes sont beaucoup plus violents que lui. C’est un titre assez provocateur, comme si on se demandait : « Pourquoi Zidane est-il si violent ? » alors qu’il ne l’est pas tant. Les Français s’offusqueraient. On parle beaucoup des représentations médiatiques de Ronaldo dans le cours.

Quels sont les profils qui se rapprocheraient de celui de Ronaldo ?

Je pense que Mohamed Ali se rapproche un peu de Ronaldo. Il a une histoire fabuleuse, politiquement et sportivement. Un jour, on m’a demandé si Neymar pourrait un jour devenir une icône aussi importante que Ronaldo. Moi, je ne pense pas. Enfin, sportivement, peut-être. Mais en termes de culture, je ne pense pas, parce qu’il n’est pas blanc. C’est très difficile aujourd’hui de jouir de cette aura quand on n’est pas blanc. Même si au Portugal, Ronaldo n’est pas aussi blanc que d’autres.

Quels joueurs pourraient être de bons professeurs ?

Ah, c’est intéressant… J’aimerais beaucoup voir Lionel Messi m’expliquer la sociologie de Cristiano Ronaldo. Ibrahimović, aussi ! On connaît bien son opinion sur Ronaldo. Dans notre cours, on abordera le thème Ronaldo – Messi. On essaye d’examiner leur relation, la manière dont elle est construite sur et en dehors du terrain. C’est un des thèmes les plus intéressants.
Mon fils Emilio s’intéresse au football grâce à Cristiano

Quels sont les joueurs que vous aimeriez bien avoir en tant qu’élèves ?

(Rires) Moi, mon joueur préféré, c’est Rui Costa. Ce serait bien de l’avoir ! J’aime beaucoup Pepe, je pense que ce serait très intéressant de lui apprendre quelque chose. J’adorerais aussi avoir José Mourinho en élève. Ce serait difficile, parce qu’il essayerait forcément de prendre le contrôle ! Il me faudrait d’autres personnalités fortes pour le contenir. Ce serait génial d’avoir Eden Hazard, aussi.

À quelle équipe aimeriez-vous causer avant un match ?

Alors… C’est marrant parce qu’ici, je suis entraîneur adjoint d’une équipe de football. J’ai deux fils : le plus âgé a beaucoup joué et a représenté l’équipe de la Colombie britannique dans des tournois internationaux, et mon autre fils de 12 ans joue pour le Thompson Okanagan Football Club. Il y a des fois où je suis obligé de m’occuper de la causerie d’avant-match. Ce serait intéressant de parler au Real Madrid. Ils sont dans une période difficile. Le Barça et l’Atlético leur posent des problèmes. Alors ce serait super de leur parler, de les motiver.

Vos fils sont-ils fans de Ronaldo ?

Bien sûr ! Mes fils connaissent le Portugal au travers de Cristiano. Ils s’identifient au pays à travers le football. Le plus âgé, Juliano, adorait Figo. Pour Emilio, c’est Ronaldo. C’est grâce à lui qu’il s’intéresse au Portugal. Ma fille, Gabriella, ne joue pas au football, mais s’intéresse beaucoup à Ronaldo. Elle m’a accompagné cet automne à Madère quand je suis parti me renseigner sur mon sujet de cours.

Est-ce que vous signez vos copies « LA7 » ?

(Rires) Ah, et bien, j’ai joué au football. Mais moi, ce ne serait pas le 7, mais plutôt le 6 ou le 8. J’étais un milieu défensif quand j’étais plus jeune. J’ai joué à Montréal. Dans le temps, on avait le Manic de Montréal qui jouait en NASL (North Américan Soccer League). Je n’y ai pas joué, mais j’ai été invité à deux entraînements par un joueur de l’équipe première. J’ai joué dans la ligue la plus importante de la province, en semi-professionnel. Je gagnais 50 dollars pour une victoire et 25 dollars pour un match nul. J’ai été champion du Québec en junior.

Si Cristiano Ronaldo était un super héros ?

Cristiano Ronaldo, c’est Batman ! Moi, je préfère Spiderman, parce que c’est un homme ordinaire. Je pense qu’avant, Ronaldo était ordinaire, mais maintenant il est trop riche. Je ne peux pas parler de sa personnalité, parce que je ne le connais pas personnellement. Donc on va dire Batman, oui.

Suivez-vous un peu la Ligue 1 ?

Oui, je suis un petit peu. Ce serait sympa que Lyon gagne. Anthony Lopes est le meilleur gardien de la Ligue. Je pense que Lyon joue mieux en équipe que le PSG. Ah tiens, en parlant du PSG ! (Rires) Mon frère Norberto travaille pour un journal à Montréal qui fêtait ses 15 ans d’existence cette année. Ils ont invité Pauleta ! J’ai passé quelques jours avec lui, c’est quelqu’un de merveilleux.
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Propos recueillis par Gabriel Cnudde

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