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Cassano et Milan, sombres retrouvailles
Dimanche, c’est le derby milanais. Un match spécial pour les tifosi, pour la ville, mais aussi pour certains joueurs. Cette année, les projecteurs seront braqués sur Antonio Cassano, qui était encore dans le camp adverse il y a quelques mois.
Sa première conférence de presse avec l’Inter est encore dans toutes les mémoires. « Quand tu es arrivé à Milan, tu as dit que désormais, au-dessus de toi, il n’y avait que le ciel » , lance un journaliste à Antonio qui le regarde, l’air interrogatif. Avec sa moue incomparable d’un gosse qui prépare sa connerie, le joueur, polo gris et gourmettes au poignet, lui répond, comme si c’était évident : « Beh, au-dessus du ciel, il y a l’Inter. » Rires dans la salle. Rires jaunes du côté de Milanello. Rires jaunes, surtout, pour Adriano Galliani, qui en prend pour son grade lors de cette même conf’ explosive. « On s’est foutu de ma gueule à Milan. Pas les tifosi et mes coéquipiers, qui m’ont toujours soutenu même quand j’ai eu mon problème au cœur, mais quelqu’un au-dessus dont je ne citerai même pas le nom. Lui, il promettait, il promettait, il promettait, mais ce n’était que du vent. » Celui dont on ne cite pas le nom, c’est évident celui que Loulou Nicollin a surnommé Kojak. Un Galliani qui n’a pas tardé à répondre à son ancien poulain, avec qui la séparation a été douloureuse. « C’est la première fois qu’un joueur me dit ça. J’espère aussi que ce sera la dernière. Je ne lui ai rien promis. Promis quoi ? De prolonger son contrat ? Pourquoi aurais-je prolongé un contrat qui expirait en 2014 ? » Ces attaques à distance datent du 26 août. Un peu plus d’un mois plus tard, donc, Cassano va pouvoir rendre ses comptes sur la pelouse. Et autant dire que Fantantonio s’est bien préparé pour l’occasion.
Accent barese et 2 de pique
De fait, depuis son arrivée à l’Inter, Cassano a retrouvé ses jambes. La saison dernière a été plus que compliquée, avec cet AVC, l’opération au cœur, la rééducation et le retour tardif sur les pelouses. Lors de l’Euro, Cassano a souvent eu l’air court physiquement, même s’il a offert des prestations honnêtes, avec cette passe décisive délicieuse pour Balotelli en demi-finale, contre l’Allemagne. Mais c’est véritablement depuis la fin de l’été et son arrivée à Appiano Gentile que le natif de Bari a remis le turbo. Avec quatre buts et une passe décisive en championnat, il est tout simplement présent sur 50% des buts de l’Inter. Sa complémentarité avec Milito est évidente et a même relégué au second plan Wesley Sneijder, qui n’est résolument plus que l’ombre du formidable joueur admiré en 2010. Un Cassano buteur, qui truste les premières places du classement des canonniers, c’est presqu’un nouveau rôle pour celui qui dépasse rarement la barre des 10 buts en championnat par saison. Cette confiance retrouvée, c’est vraisemblablement Andrea Stramaccioni, le jeune coach de l’Inter, qui la lui donne, en louant régulièrement les prestations de son joueur.
D’ailleurs, une drôle d’anecdote lie ces deux-là. En mai dernier, lors du derby milanais (remporté 4-2 par l’Inter), Cassano, alors au Milan AC, était venu voir Stramaccioni dans le tunnel de San Siro. « Strama ? Bien, bien… Wesley m’a dit que tu étais un phénomène » , lui aurait alors lancé le joueur. Quelques jours plus tard, le coach raconte cette histoire lors d’une interview vidéo au Corriere dello Sport. Son imitation de l’accent barese de Cassano fait le tour de la Toile, même si les journalistes italiens, un brin vieux jeu, le fustigent d’avoir rendu publique cette anecdote qui, selon eux, aurait dû rester en off. Sauf qu’aujourd’hui, elle permet de comprendre la relation privilégiée entre les deux hommes, qui s’apprécient, se comprennent et se stimulent l’un l’autre. Rien à voir, forcément, avec Allegri qui, selon les dires de l’intéressé en question, ne considérait Cassano que « comme un 2 de pique » . Mais pourquoi un 2 de pique, bordel ?
Elément perturbateur
Cassano et le derby de la Madonnina, c’est tout de même une sacrée histoire. Le 2 avril 2011, alors qu’il n’est arrivé à Milan en provenance de la Sampdoria que depuis quelques mois, il réalise l’un des exploits les plus fous de l’histoire de la stracittadina. Entré en jeu à la 80e minute à la place de Robinho, il réussit l’incroyable performance de se procurer un pénalty à la 90e minute, de le transformer, de prendre un carton jaune pour avoir enlevé son maillot et de prendre un deuxième jaune, synonyme d’expulsion, 60 secondes plus tard pour une faute totalement inutile. Un condensé de tout le répertoire de Cassano. La fourberie, le génie, le talent (le contrôle en pleine course juste avant d’être gentiment balancé dans la surface par Zanetti est à montrer dans les écoles), l’émotion et la bêtise. C’est bien toutes ces qualités et ces défauts que l’attaquant essaie de canaliser depuis son arrivée à l’Inter. Massimo Moratti a été clair avec lui : pas d’écarts de conduite.
Pour le moment, Anto’ suit la ligne et semble tout de même s’être grandement calmé par rapport à ses périodes de folie à la Roma ou à la Sampdoria (on en reparle, de la scène où il finit le match en chialant, derrière les panneaux publicitaires, en menaçant l’arbitre ?). La paternité l’a beaucoup aidé, et le joueur vient d’ailleurs d’annoncer que sa femme, Carolina Marcialis, attendait un deuxième enfant. Bon, après, Cassano reste Cassano, et c’est bien pour cela qu’on l’aime. Avec lui, on n’est jamais à l’abri d’une déclaration maladroite sur les homosexuels ou d’un revirement de situation quant à son avenir (pourquoi pas un « au-dessus du ciel, il y a l’Inter, et au-dessus de l’Inter, il y a les étoiles de la Juve » ). En attendant, dimanche soir, Cassano portera bien le maillot nerazzurro de l’Inter et donnera tout pour fermer le clapet de celui dont il ne veut pas prononcer le nom. À l’inverse, lorsque l’on demande à Eugenio Fascetti, son coach du temps de Bari, qui sera décisif lors du derby, un seul et même nom est prononcé. « Avec un Cassano dans cette forme-là, l’Inter peut être l’élément perturbateur de la Serie A. » Voilà une définition qui conviendra parfaitement à Antonio.
Eric Maggiori