Dirigeants bannis à vie du football
Géant arrogant de la CONCACAF, le Mexique suscite alors une certaine aversion au sein de sa zone. Alors que les révélations se succèdent dans la presse mexicaine, que les actes de naissance des fautifs commencent à être publiés, la Fédération du Guatemala s'empare de l'affaire et dépose, le 5 mai, une plainte auprès de la CONCACAF. Le tournoi qualificatif pour le Mondial est alors terminé depuis deux semaines. Lors de la phase finale à quatre, le Mexique a obtenu sa qualification. Il s'est incliné face au Costa Rica, mais a dominé les États-Unis et Cuba. Deux semaines plus tard, la première sanction tombe : le Mexique est écarté du Mondial U20 et ses dirigeants sont bannis à vie du football. La décision est prise par la CONCACAF, présidée par le... Mexicain Soria Terrazas. Rafael del Castillo, président de la Fédération mexicaine, a depuis toujours clamé que derrière la sanction se trouvait un conflit personnel avec Terrazas.Quoi qu’il en soit, la tricherie mexicaine est bien réelle. « Je me rappelle que lors d'une réunion, ils ont dit aux joueurs concernés qu'ils devaient bien apprendre leur date et lieu de naissance » , a confié à Univision José « El Tata » Noriega, joueur mexicain qui avait, lui, réellement moins de vingt ans. Alors que les U20 ne s'étaient pas qualifiés pour le Mondial 1987, les dirigeants mexicains tenaient absolument à ce qu'ils participent à l'édition de 1989. Par tous les moyens nécessaires. Plus vieux des cachirules, Aurelio Rivera avait ainsi 24 ans et 6 mois quand il a disputé les éliminatoires au Guatemala. Il avait été rajeuni de cinq ans par sa Fédération. À la fin des années 1980, les tromperies sur l'âge étaient toutefois monnaie courante. Devant l'étendue du fléau, la FIFA avait d'ailleurs lancé un avertissement à l'ensemble de ses membres en début d'année. Autant dire que le Mexique avait très mal choisi son moment pour être pris la main dans le sac. Le 23 mai, la FIFA informe la Fédération aztèque que la décision de la CONCACAF doit être respectée et ne peut faire l'objet d'un appel.
« Je n'avais pas conscience que je trichais »
Les dirigeants mexicains ne vont pourtant pas se résigner. Après tout, le géant de la CONCACAF dispose d'un certain pouvoir d'influence au sein de la FIFA. Il vient d'organiser, avec succès, le deuxième Mondial de son histoire, et Guillermo Cañedo, homme fort du football aztèque, occupe une vice-présidence de la FIFA depuis 1968... Le 28 juin, les pontes de la Fédération se pointent à Zurich, plutôt confiants. Leur voyage s'avèrera totalement contre-productif. Deux jours plus tard, la lourde décision tombe : les sélections mexicaines sont exclues de toute compétition pendant deux ans. Cela concerne évidemment les U20, mais aussi l'équipe olympique, déjà qualifiée pour les Jeux de Séoul, et surtout, El Tri, qui ne pourra participer aux éliminatoires pour la Coupe du monde 1990, en Italie. Les internationaux mexicains paieront cher le pêché d'orgueil de leurs dirigeants. « Jamais je ne leur pardonnerai, réagira un Hugo Sánchez alors au sommet de son art au Real Madrid, et le Mexique ne peut pas non plus leur pardonner. »Les cachirules vont être marqués au fer rouge par le scandale. Quatre ans plus tard, Gerardo Jimenez, alors joueur de Monterrey, voit ainsi un policier lui notifier un ordre d'appréhension, pistolet en main. Sa famille sera aussi menacée par les autorités. Il fallait un bouc émissaire. Mais c'est Aurelio Rivera qui connaîtra la destinée la plus tourmentée. « Avant les éliminatoires pour le Mondial, on avait fait une tournée en Italie, et la Fiorentina avait fait part de son intérêt pour moi et José Luis Mata » , assura-t-il à Excelsior. Rivera n'ira pas en Europe, même s'il poursuivra sa carrière en première division, à Cruz Azul, puis à Puebla. Au terme de celle-ci, le défenseur central fera deux ans de prison pour avoir renversé deux cyclistes. « Le scandale des cachirules m'a beaucoup plus affecté, confiera-t-il, car je n'avais pas conscience que je trichais, tout simplement car tout le monde le faisait à ce moment-là. »
Par Marcelo Assaf, avec Thomas Goubin
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