Gordon Brown et le foot
Alors que Tony Blair affichait sa passion pour Newcastle, Gordon Brown, qui a pris hier sa succession supporte les Raith Rovers, une équipe de D2 Ecossaise. Brown revendique ainsi une passion authentique pour ce sport, et ce contrairement à certains politiques mal intentionnés qui joueraient les fans « pour gagner des votes » .
Né en 1951 à Giffnock, près de Glasgow, Gordon Brown fait ses premières armes dans une école de Kirkcaldy, ville d’accueil des Raith Rovers. Premiers souvenirs de supporters. Premières rencontres à Stark’s Park. Et premiers pennies gagnés habilement : « Je vendais les programmes devant le stade avec mon grand frère. On écoulait tout avant le match. Avec l’argent on pouvait se payer une place, même si on ratait toujours le coup d’envoi. Vendre les programmes permettait à ceux qui n’avaient pas les moyens de rentrer au stade » .
Gordon n’est encore qu’un enfant. Son idole d’alors s’appelle Jim Baxter, qui va évoluer dans son club fétiche jusqu’en 1960 : « Il venait de Kirkcaldy, je l’ai rencontré plusieurs fois. Sa mère est membre du parti travailliste, elle fait partie de ma circonscription. Quand il a quitté le club pour les Rangers pour 16 500 livres, personne n’a compris pourquoi le club le vendait à ce prix dérisoire. Et bien sûr il a marqué lors du fameux match de 1967, quand l’Ecosse a battu l’Angleterre 2-1 » .
1982, soit un an avant son entrée au Parlement en tant que député travailliste dans la circonscription de Dufermline East qui englobe Kirkcaldy, Gordon Brown rejoint la Tatian Army, et son lot de rouquins barbus lors du Mundial en Espagne : « J’étais à Séville, lors du match de l’Ecosse perdu 4-1 contre le Brésil. Quand David Narey a marqué pour l’Ecosse, j’étais juste derrière les cages » .
1997, la bande à Blair détient la majorité au Parlement depuis un an. Le locataire du 10 Downing street s’arrange avec celui qui deviendra son ministre de l’Economie dans une Pizzeria. Cet arrangement sera surnommé plus tard ‘l’accord de Granita’. Blair doit rester au pouvoir cinq ans, et si les résultats suivent, Brown est censé reprendre le brassard de capitaine.
1998, malgré un emploi du temps chargé, il part à Saint-Denis supporter la sélection écossaise entraînée par un homonyme, Craig Brown. L’occasion également pour lui d’admirer le sourire édenté de Jim Leighton. Il assiste au match d’ouverture de la coupe du monde 1998 : « J’étais surpris de voir que sur les 80 000 spectateurs il y avait très peu d’Ecossais et de Brésiliens. Et pourtant, ces deux équipes ont les meilleurs fans. Il y avait plus de spectateurs que de supporters. Soit 70 000 personnes qui ne mettaient pas d’ambiance, et pas assez de place pour des fans de base, ce qui a gâché la fête selon moi » .
Le travailliste reste malgré tout réaliste sur les qualités de l’équipe nationale : « L’Ecosse a l’habitude de perdre. Cela me fait penser à l’histoire du goal Franck Haffey, qui encaissa neuf buts lors de la défaite (9-3) face aux Anglais. Les choses ont tourné au vinaigre pour lui, il a dû émigrer pour l’Australie. Lorsqu’il rencontra Dennis Law un an après, il lui demanda : ‘Je serai en sécurité, si je reviens ?’ »
Concernant son club fétiche, il suit les rencontres d’un œil attentif * : « J’ai vu les matches à la télé, et j’espère que je pourrai aller en voir au stade. Je suis souvent invité par le président du club, et je devrais accepter. Peut-être qu’ils veulent que je finance l’équipe sur les fonds du ministère (rires) » .
Lorsqu’on lui demande s’il aimerait s’investir dans le foot après sa carrière, il se montre ouvert à toute possibilité : « Si j’avais de l’argent j’investirais dans les Raith Rovers. Mais je pense que les clubs devraient sécuriser d’avantage leur investissement dans le futur » . S’il n’a pas encore investi de sa poche, il a déjà réuni, en 2005, 2 millions d’euros par le biais d’un « consortium communautaire » (un groupe d’investisseurs qui compte des fonds privés et des fonds publics) pour les Rovers : « C’est un nouveau départ, nous entamons un nouveau chapitre pour l’histoire des clubs locaux » avait-il alors glissé à l’époque à la BBC.
Brown est supporter d’un football au « cœur de la vie des communautés » . Une inspiration qui lui vient d’une visite au Camp Nou : « J’ai visité le stade de Barcelone, et il y a une grosse communauté qui s’est bâtie autour, ils ont même une chapelle dans le stade. Quand un club peut captiver autant et ressouder les liens dans le communauté, je suis entièrement d’accord » , confesse l’Ecossais, avant d’ajouter : « Je pense que le football est le dernier loisir socialiste, avec l’héritage de la working class et sa capacité à unir les gens de tous les pays. Cette ferveur n’a pas de frontière d’un point de vue social, et ce des régions pauvres, aux plus riches » .
Par David Sfez
Propos de Gordon Brown essentiellement tirés d’une interview de 1999 parue dans 442
* – A l’instar de Jean-Marie Le Pen, Gordon Brown est borgne. Ce handicap remonte à une blessure occasionnée lors d’un match de rugby lors de sa période universitaire. Sans une opération, il aurait pu devenir aveugle.