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- France-États-Unis (1-1)
Bleus, une charnière dévissée
Il n'aura fallu qu'une frappe cadrée aux États-Unis pour mettre en lumière le mal actuel de l’équipe de France, et l'une des plus vieilles incertitudes de son histoire récente : à quelle niveau situer la charnière centrale des Bleus ?
On pourrait appeler ça le syndrome de l’étudiant trop confiant. Le petit Didier a peut-être des cheveux bien trop blancs pour son jeune âge et un costume bleu quand les autres sont encore en T-shirt, il n’en reste pas moins un bachelier prévoyant. Les profs l’ont répété vingt fois, il l’a noté à chaque reprise : la grande épreuve de fin de saison se prépare dès la rentrée. Pas question de se mettre à réviser à une semaine de l’échéance, « ce sera déjà trop tard » , qu’ils disent. Il écoute, le petit Didier. Alors consciencieusement, le gamin a bossé ses gammes depuis deux ans. Partant du plus simple, tout en bas de la feuille de match, et remontant méthodiquement le terrain en même temps que ses intuitions devenaient certitudes.
D’abord, Lloris. Ça, c’est marbré. Ensuite au centre, pour un duo qui a sa faveur depuis l’Euro 2016 : Umtiti-Varane. On ne se questionne même plus de leur complémentarité, gaucher-droitier, physique-technique, stoppeur-relanceur… Ensuite, les latéraux, Mendy étant certain d’être titulaire avant même de revenir, tandis que Sidibé avait montré bien assez d’assurances à un poste où les Bleus en manquaient depuis si longtemps. Enfin au milieu, Pogba, Matuidi, Kanté, a priori. Non, la réelle interrogation de ce bac blanc de matchs amicaux, c’était l’animation offensive. Mbappé doit-il jouer à droite ou bien aux côtés de Giroud ? Ce dernier mérite-t-il d’ailleurs toujours son statut de titulaire ? Dembélé est-il plus qu’un remplaçant ? Les rencontres face à l’Irlande et les États-Unis avaient en conséquence été organisées dans cette optique, afin de tester sur victime consentante quelle solution de torture est finalement la plus efficace. Mais si l’on avait mis de côté l’essentiel ?
Manque de repères
Partir du principe que la défense est un bien acquis n’exclut pas de la faire bosser. Tout comme apprendre en septembre que Clovis s’est fait baptiser en 498 n’exclut pas de le relire la veille de l’examen. Contre la Colombie, soit la dernière fois avant ce soir que la charnière centrale Umtiti-Varane avait été alignée, l’animation défensive des Bleus avait effrayé. Rapidement dépassé par la créativité de James et Falcao, le duo avait encaissé trois buts comme on fait glisser les morceaux de viande en bas du pic à brochettes, en provoquant au passage un penalty. Ce samedi soir, contre des États-Unis dont on faisait semblant de ne connaître que Timothy Weah, la France a encaissé un but sur l’une des deux seules frappes américaines du match – la deuxième n’étant pas cadrée. Seize tirs à deux, et un constat, peu importent les responsabilités de chacun sur le but de Green : Deschamps sort de ces amicaux sans connaître le niveau de sa défense. Et quelles certitudes lui apporter sans opposition véritable ? La faute, pour le coup, est probablement imputable à Sidibé et Lloris, les deux loustics étant directement impliqués sur l’action. Normal : sur l’offensive débutée côté droit, on peut voir Umtiti et Varane trottiner en retrait sur les ralentis. Alors quoi ? Un coup de malchance ? Doit-on se laisser convaincre par l’excuse physique brandie par Deschamps au micro de Fred Calenge ?
Umtiti face aux gros minets
Au-delà du bilan comptable, on attend plus d’une défense constituée d’un champion d’Europe et d’un champion d’Espagne. Peu de prises de risque dans la relance, pas de dépassement de fonction comme sait le faire l’ancien Lyonnais, et encore moins de présence sur corner, exceptée cette tête décentrée de Varane en fin de rencontre. En bref, difficile d’y voir clair, et de sortir de cette tournée amicale avec autre chose qu’une petite inquiétude, quand même, concernant le niveau actuel d’une charnière qui s’apprête à avoir un peu plus de travail face au Pérou, pour commencer, et le spectre argentin qui se profile dès les huitièmes. Un sentiment qui vaut ce qu’il vaut, et qui n’est pas forcément du goût de Deschamps, comme il le confiait après la rencontre : « Défensivement ? Je ne vais pas jusqu’à parler d’inquiétude. Là, oui, c’est des erreurs qui nous pénalisent, il faut gommer ça, forcément ça passe par du travail, un peu plus de sérénité aussi. Au haut niveau la rigueur défensive est très importante. » Pas de redoublement, en somme, ce serait trop sévère. Disons « avertissement travail » , en espérant que le bachotage soit efficace.
Par Théo Denmat