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Yaya Sanogo : « Avec les galères que j’ai eues, je veux juste kiffer »

Propos recueillis par Tom Binet
7 minutes

C’est l’histoire d’un jeune attaquant du centre de formation d’Auxerre à qui l’on promettait la lune, avant qu’une terrible blessure ne s’en mêle. Quatorze ans plus tard, Yaya Sanogo a connu l’échec à Arsenal, la renaissance à Toulouse et les années de galère. Avant de se remettre à rugir ces derniers mois, en deuxième division chinoise.

Yaya Sanogo : « Avec les galères que j’ai eues, je veux juste kiffer »

Ta saison avec les Qingdao Red Lions s’est terminée récemment en Chine, quel bilan en tires-tu ?

C’était une nouvelle expérience pour moi, un autre football, une autre culture. J’avais d’autres propositions en Europe, mais j’avais fait le tour, donc je me suis dit pourquoi ne pas aller voir comment ça se passe de l’autre côté de l’horizon. J’avais bien envie de tenter cette aventure et je ne regrette pas du tout. Au niveau de la vie, c’est complètement différent. Quand tu y mets les pieds, c’est très différent de l’image que l’on peut avoir de la Chine à travers le monde. En Europe, on imagine les Chinois très fermés, mais ils sont super accueillants. C’est un autre monde, mais c’est un très, très beau pays.

Tu jouais à Qindgao, quelles sont les particularités de la ville ?

J’ai regardé un peu l’histoire de la ville quand ils se sont intéressés à moi, et franchement, il fait bon vivre. C’est la ville de la bière (la brasserie de la marque Tsingtao y est implantée, NDLR). Elle est située au nord-est du pays, proche de la Corée du Sud.

 

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Pour en revenir au terrain, vous avez dû lutter pour le maintien presque jusqu’au bout. Comment as-tu vécu la saison dans ce contexte ?

L’idée quand je suis arrivé était de se maintenir. Le club avait pu monter de troisième division grâce à la relégation administrative d’un autre club. On a démarré très fort pendant les six premiers mois. En étant septièmes à mi-parcours, on s’est imaginé pouvoir aller titiller plus haut, mais on a malheureusement connu une mauvaise série ensuite.

Je pense que peu d’Européens s’adaptent aussi facilement à un pays aussi différent. J’ai été très bon pendant les six premiers mois, cela m’a valu d’être flatté sur place, ça fait toujours plaisir.

Sur le plan personnel, comment t’es-tu senti ?

J’ai mis 7 buts et 2 passes décisives en 19 matchs, je me suis senti très bien. Il a surtout fallu s’adapter à un pays aussi différent, je pense que peu d’Européens s’adaptent aussi facilement. J’ai été très bon pendant les six premiers mois, cela m’a valu d’être flatté sur place, ça fait toujours plaisir. J’ai mis un but nommé parmi les plus beaux de la saison, donc pour moi, c’est une saison aboutie. Hors du terrain, c’était très différent en matière de nourriture et de langue. Heureusement, j’ai pas mal bougé dans ma carrière, donc j’ai pu vite trouver mes marques. Il y a trois joueurs étrangers par équipe, entre nous, on parlait anglais, et le club a pris un traducteur qui parlait français également, même si j’étais le seul francophone.

Tu es désormais en fin de contrat avec les Qingdao Red Lions. Comment envisages-tu la suite ?

Je suis ouvert à tout. J’ai aimé la Chine, maintenant on va voir vers quel projet je vais m’orienter. Il y a quelques coups de fil, c’est de bon augure, notamment en Europe. J’espère vite me familiariser avec l’opportunité que je vais avoir. Je ne me fixe pas d’objectif précis, je veux juste prendre du plaisir, kiffer. Avec les galères que j’ai eues, désormais c’est vraiment ça l’objectif.

Est-ce que tu pourrais imaginer revenir en France ? Ta période à Toulouse (2017-2020) reste l’une des meilleures de ta carrière.

Je suis le club, j’ai de bonnes relations avec le président Damien Comolli. Dès que je peux, je regarde leurs matchs. Je ne garde que de bons souvenirs de mon passage à Toulouse. J’avais eu pas mal de pépins physiques auparavant et là, j’avais de la continuité, j’enchaînais les matchs. Je me suis aussi senti bien sur le plan personnel avec quelques buts à mon actif (16 en 72 matchs toutes compétitions confondues, NDLR). C’est là où j’ai pu progresser et donner de la continuité à mes performances.

À Middlesbrough, ils m’inventent un problème à l’épaule que je n’ai jamais eu. Ils ont écrit dans la presse que j’avais échoué à la visite médicale, et donc les clubs avaient toujours une petite réticence, alors que je n’avais rien.

Justement, comment expliquer que tu aies eu du mal à rebondir après Toulouse ?

Je devais signer à Middlesbrough, je m’étais mis d’accord avec eux, mais lors de la visite médicale, ils m’inventent un problème à l’épaule que je n’ai jamais eu. Après ça, tout le monde me demandait si j’étais blessé. Ils ont écrit dans la presse que j’avais échoué à la visite médicale, et donc les clubs avaient toujours une petite réticence, alors que je n’avais rien. Je m’entraînais avec Auxerre et Toulouse, mais je n’ai eu aucun problème à cette période-là. Je n’ai pas compris. Je me suis retrouvé sans jouer pendant des mois, c’est dur. Je m’entraînais avec l’équipe réserve, je faisais des semaines complètes, mais je n’avais pas de match de compétition.

Justement, la question des blessures revient souvent dans ton parcours. À quel point cela a eu un impact sur ta carrière ?

J’ai eu de très grosses blessures, une fracture tibia péroné à 17 ans… J’ai pu comprendre avec le temps qu’on te met dans une case, mais quand tu vois les saisons que j’ai pu effectuer dans certains clubs… Je pense qu’on m’a catégorisé, et il y a toujours eu de petites questions par rapport à ça. Il faut contacter le joueur pour savoir s’il est apte, mais malheureusement le passé a fait que.

Quand tu regardes ton parcours, es-tu plutôt déçu de ne pas avoir accompli tout le potentiel qu’on te promettait, ou fier d’avoir surmonté ces épreuves ?

Mon objectif, c’était d’être professionnel. Je viens des Ulis, avec tout le vivier de talents qu’on a… On avait pas mal d’exemples comme Thierry Henry, Patrice Évra, Moussa Marega… C’est une fierté pour nous de voir d’où on vient et de faire le métier que l’on a toujours voulu faire. J’ai mis la barre très haut, mais je n’ai jamais perdu de vue cette idée de départ. Il peut y avoir des regrets à cause des blessures, mais aujourd’hui je suis fier de ce que j’ai pu surmonter. Maintenant, je veux surtout apporter mon expérience dans les équipes où je joue.

 

Tout a commencé pour toi à Auxerre, où tu as été honoré cet été dans le musée du club. Quelle importance a eue l’AJA dans ta carrière ?

J’y suis arrivé à 11 ou 12 ans, dans une famille d’accueil. J’avais opté pour Auxerre parce que ce n’était pas très loin de Paris, et ma famille pouvait venir me voir de temps en temps. Ils ont pris un gamin et m’ont tout donné pour me permettre de faire carrière ensuite. Je suis revenu cet été, et les dirigeants m’apprennent qu’ils ont fait un musée. Ils me disent d’aller faire un tour, et là, tu vois ton maillot, c’est touchant.

Après la finale de la coupe, les joueurs ont entonné ma chanson. Je n’ai pas joué beaucoup de matchs avec Arsenal, mais le fait d’avoir ce moment de gratitude…

Tu rejoins ensuite Arsenal à seulement 19 ans. Qu’as-tu conservé de ton passage là-bas pour te construire pour la suite de ta carrière ?

Le meilleur souvenir que j’ai, c’est la finale de la Coupe (remportée en 2014 contre Hull City, NDLR). Quand je suis entré, j’ai été décisif. Après le match, dans le vestiaire, les joueurs se sont mis à chantonner ma chanson. On était en train de perdre, je suis entré pour passer à deux devant et j’ai mis un impact. En étant aussi jeune, c’est un souvenir que je n’oublierai jamais. Avoir ce petit moment-là, c’était fort. L’année dernière, je suis retourné au stade, les gens venaient me voir pour me remercier pour cette finale. Ça représente tout pour moi. Je n’ai pas joué beaucoup de matchs, mais le fait d’avoir ce moment de gratitude…

Est-ce vrai qu’avant de t’imposer dans le monde professionnel, tu as envisagé de travailler à La Poste ?

J’ai eu une période un peu délicate pendant les deux ans qui ont suivi ma grave blessure. Le chirurgien m’avait dit que ça allait être quasi impossible de reprendre ma carrière, donc je me suis demandé ce que j’allais faire. Je n’avais que 17 ans et j’étais au fond du sac. Ça m’est venu à l’esprit, mais il y avait 5% de chances que je puisse reprendre, donc même si c’était minime, pour moi il y avait une chance. J’ai attendu deux ans, mais je suis revenu.

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