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Xavier Mercier : « J’aurais mis pas mal de passes décisives à Benzema »

Propos recueillis par Adrien Hémard
7 minutes
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Son nom ne vous dit peut-être rien, bande de footix, mais Xavier Mercier est le meilleur passeur tricolore de la saison du haut de ses 15 caviars. Le numéro 10 de Louvain devance ainsi Kingsley Coman, Jonathan Bamba, Dimitri Payet ou encore Karim Benzema. Et pourtant : il n'a pas été appelé pour disputer l'Euro 2021. Un scandale sur lequel il revient, tout en évoquant sa carrière entre chômage, Rémy Cabella et Jupiler.

Avec quinze passes décisives, tu es le meilleur passeur français de la saison devant Kingsley Coman et Moussa Diaby (douze), mais aussi Jonathan Bamba, Dimitri Payet ou Karim Benzema. Ça t’a surpris ?Plutôt oui ! C’est un classement que je n’avais jamais vu, on me l’a envoyé, je trouve surtout ça marrant. Bon, je suis quand même content de devancer des joueurs de ce calibre-là, hein ! Mais c’est un classement anecdotique, me comparer à des Français qui jouent en Angleterre ou en Espagne, ça n’a pas vraiment de sens. Je ne me considère pas au niveau de ces joueurs, je ne me prends pas au sérieux.

Derrière Benzema, Griezmann et Mbappé, j’aurais mis pas mal de passes décisives. Ça aurait été plutôt sympa, enfin pour moi, pour eux je ne sais pas.

Comment vis-tu le fait de ne pas avoir été appelé par Didier Deschamps pour l’Euro ?C’est le scandale de l’année ! (Rires.) Non franchement, c’est juste une blague, je ne boxe pas dans leur catégorie. J’ai tweeté ça comme ça un matin pour rire, d’habitude j’ai cinq retweets, là ça a buzzé, mais ça ne va pas plus loin. De toute façon, Clairefontaine et les Bleus, je connais déjà, j’ai chanté La Marseillaise en équipe de France de futsal U21, sous les ordres d’Henri Émile ! J’ai six sélections. Et Clairefontaine, j’y suis allé avec l’UNFP en stage, ça compte, non ?

De qui aurais-tu pris la place dans ce groupe ?Il aurait fallu créer un poste pour moi. (Rires.) Mais je me serais bien vu derrière Benzema, Griezmann et Mbappé. J’aurais mis pas mal de passes décisives. Ça aurait été plutôt sympa, enfin pour moi, hein. Pour eux, je ne sais pas, ils n’auraient peut-être pas aimé recevoir mes ballons mal donnés. (Rires.)


On parle quand même de 10 buts et 15 passes décisives en 34 matchs de Jupiler Pro League. C’est la meilleure saison de ta carrière ?En réalité, c’est 16 passes décisives et 9 buts, parce qu’un de mes buts, c’est une frappe déviée par un coéquipier. Mais d’un point de vue statistique, même si j’en ai toujours eu des correctes, c’est la meilleure saison de ma carrière, c’est assez exceptionnel. Cela montre que même à 31 ans, on peut encore progresser. D’ailleurs, ce que les chiffres ne disent pas, c’est que j’ai été meilleur dans le jeu aussi.

J’avais besoin de lâcher un peu les vannes pour me reconstruire. Je n’étais pas prêt mentalement et physiquement pour un carrière professionnelle, et je l’assume totalement. Les autres étaient plus matures, ils l’ont mérité.

Qu’est-ce que tu as changé ?Pas grand-chose, à vrai dire. Avec l’âge, je me sens de mieux en mieux. Bon, je travaille beaucoup plus à l’entraînement, notamment sur mes défauts physiques, ce qui m’a permis d’être plus consistant dans les matchs. Et pour une fois, j’ai commencé la saison sans aucune douleur.

Tu ne travaillais pas assez avant ?Quand j’étais jeune, je ne jouais que sur mes qualités, mais aujourd’hui, ça ne suffit pas. En sortant du centre à Montpellier, je profitais trop de la vie, je sortais. En fait, j’ai vite compris que la génération qui nous suivait allait prendre toutes les places, c’était celle de Cabella, Belhanda, etc. Ils nous mangeaient sur le terrain. À ce moment-là, j’avais besoin de lâcher un peu les vannes (sic) pour me reconstruire. Je n’étais pas prêt mentalement et physiquement pour une carrière professionnelle, et je l’assume totalement. Les autres étaient plus matures, ils l’ont mérité. Puis, j’ai changé quand je suis devenu père. Aujourd’hui, je prends les jeunes du club sous mon aile, j’essaie de leur donner l’exemple en leur expliquant mon parcours, pour éviter qu’eux perdent du temps dans leur carrière comme je l’ai fait.

Parlons de ta carrière, justement. Tu es né à Alès, formé à Montpellier, mais tu t’épanouis sur des terrains de foot bien plus au Nord, de Lesquin à Guingamp, en passant par Beauvais, Boulogne et la Belgique. C’est quoi le problème, tu n’aimes pas le soleil ?Quand j’ai quitté le MHSC à 20 ans, aucun club ne voulait de moi dans la région, pas même en DH. J’ai rejoint ma copine dans le Nord et j’ai signé en N3 à Lesquin pour m’occuper parce que j’étais au chômage. J’ai fait une super saison, et Guingamp est venu me chercher pour l’équipe B. Je n’étais pas trop motivé au début, puis l’orgueil et la fierté ont pris le dessus et j’ai voulu tenter une dernière fois l’aventure en pro. J’ai intégré l’équipe professionnelle en National 1 et j’ai signé un contrat pro quand on est montés, mais ça s’est mal passé en Ligue 2 et j’étais de nouveau chômeur. Ensuite, Beauvais est venu me chercher, puis Boulogne et la Belgique.

Le foot, ce n’est pas facile, il faut être armé. Ma famille n’y connaissait rien du tout, on n’était pas prêts. On a appris sur le tas dans ce monde de requins où il faut faire attention à tout.

Depuis 2016, tu as en effet trouvé ta place outre-Quiévrain à Courtrai, Bruges et Louvain aujourd’hui. Pourquoi ?Je n’avais que ça. Même aujourd’hui, il n’y a pas un club français qui s’intéresse à moi, ils snobent la Jupiler Pro League. Les rares joueurs de Belgique qui partent en France sont des Belges. De toute façon, je n’ai plus forcément l’envie et l’espoir de revenir en France. La Belgique, c’est une autre mentalité avec un football box-to-box sans calcul, j’adore ça. Puis les stades sont sympas, et ici, il y a une vraie culture foot. Et ils ne regardent pas l’âge des joueurs. Récemment, Malines a prolongé un mec de 37 ans.

Ton parcours fait que tu déconseillerais à tes enfants de devenir footballeur professionnel, tu dis aussi que « l’argent gâche tout ». C’est un constat amer…
Ouais, mais le foot, ce n’est pas facile, il faut être armé, hein. Moi, ma famille n’y connaissait rien du tout, on n’était pas prêts. On a appris sur le tas dans ce monde de requins où il faut faire attention à tout. En vérité, un joueur, c’est juste un pion sur un échiquier. Dès que ça ne va pas, on peut te jeter direct. Il faut toujours rester sur ses gardes.

Mais le foot, c’est aussi beau, notamment quand on parle de numéro 10 à l’ancienne comme Riquelme, ton modèle. Toute proportion gardée, c’est ça, ton style de jeu ?On me le dit souvent oui, je le prends bien, j’aime ce terme. On n’en voit plus beaucoup de nos jours. Ce que je préfère sur un terrain, c’est trouver la bonne passe. Je dézone beaucoup pour créer de l’espace avec mes appels ou mes passes, trouver la passe qui casse la ligne. Je préfère faire courir le ballon plutôt que courir avec. Après, l’extérieur du pied, ce n’est pas trop mon truc. Un bon plat du pied, droit ou gauche, c’est royal pour surprendre l’adversaire et être efficace.

Avec les GPS dans le dos, les datas, etc, ça influence trop le foot. Si on ne fait pas 11-12 kilomètres dans le match le lundi, on se fait gueuler dessus.

Il y a encore de la place dans le foot actuel pour les joueurs comme toi ?Avec les GPS dans le dos, les datas, etc, ça influence trop le foot. Si on ne fait pas 11-12 kilomètres dans le match le lundi, on se fait gueuler dessus. Je joue avec mes qualités, tout le monde devrait faire ça et éviter de rentrer dans un moule. Après, il faut quand même s’adapter aux évolutions du jeu, par exemple je fais beaucoup plus d’appels en profondeur et de percussion balle au pied qu’avant. Il faut bien rester un peu à la page.

On a parlé de toi à Anderlecht la saison prochaine, ton club de Louvain appartient aussi à Leicester. Tu le vois où, ton avenir ? Anderlecht, ça m’a fait plaisir, mais ce n’est plus d’actualité. Et puis Leicester… Je suis lucide : la Premier League, ce serait trop dur pour moi. L’avenir, c’est l’année de contrat qu’il me reste à Louvain. J’en profite, je savoure et j’essaye de progresser encore. Tant que je m’éclate sur le terrain, tout va bien.

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Propos recueillis par Adrien Hémard

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